Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 mars 2018 par laquelle la directrice de l'EHPAD Saint-Jacques a prononcé sa révocation.
Par un jugement n° 1801159 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2019, Mme G..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 28 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision en date du 28 mars 2018 par laquelle la directrice de l'EHPAD Saint-Jacques a prononcé sa révocation ;
3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Saint-Jacques la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rejet de sa demande de protection fonctionnelle démontre que l'EHPAD Saint-Jacques n'est pas impartial ; le rapport dressé lors du conseil de discipline repose sur des témoignages présentés comme spontanés mais qui ont pour objectif de faire d'elle un bouc-émissaire permettant de traiter un malaise profond entre aides-soignantes et agents des services hospitaliers ;
- il ressort de ses constatations que l'une des attestations émane de l'infirmière représentant l'administration au sein du conseil de discipline, ce qui démontre une absence de l'objectivité et de la neutralité propres à garantir l'équité de l'appréciation de son cas ;
- les témoignages anonymes ont été rédigés dans des termes généraux et diffamatoires, ce qui la place dans l'impossibilité de se défendre ;
- elle n'a jamais été en état d'ébriété durant ses heures de service et si tel avait été le cas, cette situation aurait été constatée et poursuivie en son temps ;
- au regard de la progression de sa notation, elle ne présente pas de carence dans la prise en charge des résidents ;
- elle n'a jamais prononcé de menaces de mort ou adopté une attitude malveillante envers les résidents ; en l'absence de témoignages de ces derniers ou de leurs familles, la matérialité des faits n'est pas établie ;
- lors de l'altercation intervenue le 29 juillet avec une aide-soignante, il n'y a eu qu'un échange verbal vif se terminant par une menace, qui jaillit dans ce type d'altercation, mais elle n'est jamais passée à l'acte ; cette altercation s'inscrit dans un contexte de mauvaise ambiance récurrente résultant d'une opposition entre aides-soignantes et agents des services hospitaliers ;
- comme en atteste Mme M., elle est victime d'un complot monté par Mme L., membre du conseil de discipline qui a fait pression sur un autre membre afin d'assurer sa sanction ; Mme D., avec qui elle a eu une altercation, a fait circuler son témoignage auprès de soignants afin de peser sur les débats ; la direction a invité les agents à compléter leurs témoignages entre les deux conseils de discipline ; Mme M. a subi le harcèlement de Mmes D. et L. afin d'assurer son soutien aux poursuites et a été dissuadée de retirer son témoignage par la cadre de santé avec l'accord de la direction ;
- les témoignages anonymes étant rédigés dans des termes généraux, sans datation et sous couvert de l'anonymat, ne peuvent être pris en compte ; ainsi les faits qui y sont relatés ne peuvent être considérés comme étant matériellement établis ;
- elle ne peut être sanctionnée que sur le fondement unique de l'altercation du 29 juillet 2017, qui présente un caractère isolé et exclusivement verbal justifiant seulement une sanction du premier groupe ; ainsi la sanction de révocation est illégale en raison de son caractère disproportionné ; l'établissement ne fait pas référence à cette altercation dans les motifs de la sanction de révocation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, l'EHPAD Saint-Jacques, représenté par Me F..., conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Pau du 28 février 2019 et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme G... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de Mme G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... ;
- et les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... a été recrutée en 2003 comme agent des services hospitaliers par l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) Saint-Jacques à Mugron (Landes), et titularisée en 2004. Elle a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation par une décision en date du 28 mars 2018 prise par la directrice de cet établissement, aux motifs de comportements déplacés, difficultés de positionnement, incompatibilité complète à travailler en équipe, menaces de mort et de violences physiques à l'égard de ses collègues de travail et insultes envers les résidents et ses collègues. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 28 février 2019 qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la sanction:
2. En premier lieu, le principe d'impartialité s'impose à tout organisme administratif. Mme G... soutient que la procédure est entachée d'irrégularité faute d'impartialité du conseil de discipline, dès lors que l'infirmière représentant l'administration au sein du conseil de ce conseil aurait produit un des témoignages anonymes sur lesquels est fondée la sanction de révocation prononcée à son encontre.
3. Cependant, aucune hostilité personnelle envers Mme G... ne ressort d'aucun des témoignages anonymes. Ainsi, à supposer avérée la circonstance que ce membre du conseil de discipline aurait produit un de ces témoignages, il n'est pas établi que pour cette raison elle n'aurait pas pu se prononcer en toute impartialité sur le cas de Mme G.... Dès lors, la composition du conseil de discipline ne porte pas atteinte aux principes de neutralité et d'objectivité.
4. En deuxième lieu, pour juger que Mme G... avait un comportement inapproprié tant à l'égard de ses collègues que des résidents de l'EHPAD, le conseil de discipline s'est fondé sur treize témoignages anonymes, mais aussi sur des pièces non anonymisées. Si les témoignages, relatés par la directrice qui les a recueillis, ont été anonymisés à la demande des agents en raison des craintes de représailles exprimées, ils relatent des faits précis et circonstanciés. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en raison du caractère anonyme de ces témoignages, Mme G... n'aurait pu contester utilement les faits qui lui ont été reprochés. Dès lors, le moyen tiré d'une atteinte aux droits de la défense doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 23 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation (...) ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction, et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. La sanction de révocation prononcée à l'encontre de Mme G..., unanimement approuvée par les quatre membres du conseil de discipline, est fondée sur un comportement consistant de façon récurrente à menacer de mort et de violences physiques ainsi qu'à injurier ses collègues de travail, voire les résidents de l'EHPAD Saint-Jacques. Il ressort des témoignages précis et concordants des collègues de Mme G..., renforcés par le rapport de la directrice ainsi que par l'attestation de Mme D., que Mme G... avait un comportement inapproprié en tenant des propos injurieux, intimidants et menaçants tant à l'égard de ses collègues qu'à l'égard des résidents. Si les menaces de mort annonçant " si je les croise à l'extérieur, je les bute " semblent relever de la posture plus que d'une réelle intention violente, l'intéressée a aussi fait part d'un sentiment d'impunité du fait de son état de santé. La requérante ne peut utilement critiquer comme non fondés des soupçons d'alcoolisation à l'occasion de l'une des altercations, qui ne sont pas étayés par des pièces du dossier, dès lors qu'ils n'ont pas été retenus par la décision. Cependant, l'ensemble des témoignages, citant des incidents précis, font apparaître un comportement général de Mme G... caractérisé par une outrance verbale et une agressivité injustifiée, une volonté de ne réaliser que les tâches qu'elle accepte, entretenant un climat de rivalité et de mésentente entre les ASH et les aides-soignantes de nature à nuire gravement à l'intérêt du service. Il apparaît que plusieurs agents ne souhaitaient plus travailler en binôme avec elle, et qu'elle-même exigeait de choisir les agents avec lesquels elle pouvait travailler, refusant de parler aux autres, et incitait ses collègues à refuser toute aide pour une tâche qui ne serait pas mentionnée sur la fiche de poste des agents de services hospitaliers. Si Mme G... produit pour la première fois en appel le témoignage d'une aide-soignante indiquant que la direction aurait organisé les témoignages à la suite d'un premier conseil de discipline réclamant un complément d'enquête, que cette personne aurait été dissuadée de retirer ses écrits par la cadre de santé, et qu'elle aurait ouï dire que l'agent représentant du personnel au conseil de discipline se serait sentie manipulée par l'infirmière représentant l'administration, ces considérations ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité des menaces de violences physiques, des injures et intimidations.
8. Ces faits, dont la matérialité est ainsi établie, constituent des manquements au devoir de respect des collègues de travail et des résidents, de nature à justifier une sanction. Au regard des troubles causés dans l'organisation du service, des tensions et du climat d'anxiété provoqué par Mme G..., dont aucun élément du dossier ne permet de démontrer qu'il aurait préexisté, comme elle le soutient, à son congé de maladie et à son retour à mi-temps thérapeutique, ainsi que des propos déplacés envers les résidents, personnes âgées dépendantes et vulnérables, les fautes répétées commises faisaient obstacle à son maintien dans l'établissement. Par suite, la sanction de révocation n'est pas disproportionnée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD Saint-Jacques au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et à l'EHPAD Saint-Jacques.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine E..., présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme A... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2021.
La présidente-assesseure
Anne Meyer La présidente, rapporteure,
Catherine E...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01867 2