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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX00816

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 juillet 2021, 21BX00816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006577 du 1er février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 novembre 2020 en tant qu'il fixe la Guinée comme pays à destination duquel M. A... pourra êtr

e reconduit et a mis à la charge de l'État, au bénéfice de Me H... en cas d'admission au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006577 du 1er février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 novembre 2020 en tant qu'il fixe la Guinée comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit et a mis à la charge de l'État, au bénéfice de Me H... en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle et au bénéfice de M. A... dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 février 2021 sous le n° 21BX00816, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er février 2021.

Il soutient que :

- l'engagement politique de M. A... n'est pas démontré ;

- il n'est pas établi que M. A... aurait été agressé à l'issue d'une manifestation ;

- les éléments produits par M. A... ne permettent pas d'établir qu'il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour en Guinée.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que son signataire ne justifie pas avoir reçu une délégation de signature régulière ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision fixant le pays de renvoi, dès lors que son engagement politique est avéré et que la situation politique en Guinée s'est dégradée depuis la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi du 25 novembre 2020 méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est persécuté dans son pays d'origine en raison de ses opinions politiques et de ses origines.

II. Par une requête enregistrée le 26 février 2021 sous le n° 21BX00818, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er février 2021.

Il soutient que les moyens invoqués dans sa requête au fond sont sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que son signataire ne justifie pas avoir reçu une délégation de signature régulière ;

- le préfet de la Haute-Garonne ne justifie pas de moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse ou le rejet de ses conclusions à fin d'annulation de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 22 avril 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme G... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 8 décembre 1996, entré sur le territoire français en juillet 2018 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 21BX00816, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 1er février 2021 en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de renvoi et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête n° 21BX00818, le préfet demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes concernent un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la recevabilité des requêtes :

2. Les requêtes du préfet de la Haute-Garonne sont signées de Mme C... E..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, laquelle a reçu délégation, par un arrêté du 2 avril 2020 régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du même jour, pour signer " L'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel, relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Par suite, les fins de non-recevoir tirées de l'incompétence du signataire des requêtes doivent être écartées.

Sur le moyen retenu par le premier juge :

3. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est titulaire d'une carte d'adhérent au parti d'opposition de l'Union des forces démocratiques en Guinée depuis 2014. Toutefois, les pièces versées au dossier, dont des photographies personnelles qui auraient été prises lors de manifestations et des articles de presse d'ordre général concernant la situation en Guinée, ne suffisent pas à tenir pour établie une véritable implication politique de M. A... au sein de ce parti. Par ailleurs, si un examen clinique a constaté des lésions compatibles avec les blessures dont M. A... soutient avoir été la victime à l'issue d'une manifestation le 19 septembre 2015, ce seul constat ne permet pas d'établir l'origine des séquelles que présente l'intéressé. Enfin, si l'intéressé fait valoir que la situation politique en Guinée s'est fortement dégradée depuis la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 octobre 2020 rejetant sa demande d'asile, ces événements ne permettent toutefois pas de considérer qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans ce pays. Par suite, M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 19 septembre 2019 et par la Cour nationale du droit d'asile le 8 octobre 2020, ne peut être regardé comme encourant, en cas de retour dans son pays d'origine, des risques réels, actuels et personnels prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de ses origines peules ou de son engagement politique, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision fixant le pays de renvoi prise par le préfet de la Haute-Garonne.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, par un arrêté du 7 octobre 2020 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné à Mme F... D..., directrice des migrations et de l'intégration, délégation de signature à effet de signer notamment la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.

8. En deuxième lieu, la décision litigieuse vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale en cas de retour dans son pays d'origine. Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

9. En troisième lieu, d'une part, la décision portant obligation de quitter le territoire français énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est par suite suffisamment motivée. D'autre part, M. A..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France en 13 juillet 2018 à l'âge de vingt-et-un ans. S'il soutient être bénévole au sein de plusieurs associations et produit des témoignages faisant état de son implication au sein de celles-ci, cette intégration est nécessairement récente eu égard à la date de son entrée sur le territoire français. Ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle en l'obligeant à quitter le territoire français. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement invoquer les risques qu'il serait, selon lui, susceptible d'encourir en cas de retour dans son pays d'origine dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par suite, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi en litige.

10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par le rejet, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, de la demande d'asile présentée par M. A... pour édicter la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision fixant le pays de renvoi prise à l'encontre de M. A... et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

13. Par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21BX00818.

Article 2 : Le jugement n° 2006577 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il annule la décision du préfet de la Haute-Garonne du 25 novembre 2020 fixant le pays de renvoi et qu'il met à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 25 novembre 2020 fixant le pays de renvoi présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... A..., au ministre de l'intérieur et à Me H....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme G... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

La rapporteure,

Charlotte B...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00816, 21BX00818 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00816
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SARASQUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx00816 ?
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