Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 18 mois.
Par un jugement n° 2100636 du 17 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mars 2021, M. A... B..., représentée par Me de Boyer Montégut, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2100636 du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 février 2021 ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :
- celui-ci est insuffisamment motivé ;
- le tribunal a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ;
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet, informé de son état de santé, aurait dû consulter l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la mesure d'éloignement en litige ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet a fondé sa décision sur les dispositions du 6° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en motivant sa décision par la menace à l'ordre public que représente le requérant ; un tel motif n'est pas au nombre de ceux que l'article L. 511-1-I-6° permet de retenir ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant que ses parents n'étaient pas en situation régulière en France.
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet l'a prise sans tenir compte des critères énoncés à l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait le principe de proportionnalité ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve et du fait qu'il ne présente pas de menace pour l'ordre public.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 3 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant géorgien né le 2 octobre 1999 qui est entré en France au cours de l'année 2018 selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 15 mars 2019 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 août 2019. Après quoi, le préfet du Rhône a pris à l'encontre de M. B... un arrêté du 4 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 18 mois. M. B..., qui a été placé en rétention administrative, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté préfectoral du 4 février 2021 et relève appel du jugement rendu le 17 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 février 2021 :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions précitées, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une hépatite B, laquelle nécessite un traitement au long cours et un suivi médicamenteux ainsi que l'établit un certificat médical du 6 novembre 2020 d'un médecin du centre d'hépatologie de l'hôpital de la Croix-Rousse. A cet égard, M. B... avait d'ailleurs été examiné par un médecin chargé d'apprécier son état de vulnérabilité préalablement à son possible placement en rétention. Ces éléments permettait d'établir que M. B... présentait un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement et, dans ces conditions, il appartenait au préfet, à tout le moins, de saisir pour avis le collège de médecins de l'OFII de cette question alors qu'au demeurant, un nouveau certificat médical du 18 février 2021 a relevé qu'une " très importante charge virale " avait été détectée dans l'organisme de M. B.... Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le préfet aurait dû consulter l'OFII avant de prendre la mesure d'éloignement en litige.
5. La consultation de l'OFII permet de solliciter l'avis collégial des médecins de l'Office sur l'état de santé de l'étranger. Elle constitue une garantie pour celui-ci et l'avis rendu est susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du préfet. Par suite, la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ce jugement doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, ainsi que l'arrêté du 4 février 2021 en litige en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.
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Sur les conséquences de l'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) "
7. En application de ces dispositions, il est prescrit à l'autorité administrative compétente de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur son cas.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. B... a obtenu l'aide juridictionnelle et son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boyer Montégut, avocat du requérant, de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2100636 du 17 mars 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet du Rhône du 4 février 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit à l'autorité administrative compétente de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur son cas.
Article 3 : L'Etat versera à Me Boyer Montégut la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur, à Me de Boyer Montégut et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen-Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01271 5