Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande du 13 juin 2017 tendant à lui verser des sommes correspondant à une indemnité annuelle de dix-huit jours de réduction du temps de travail (RTT) pour la période du 3 novembre 2004 au 1er août 2015.
Par un jugement n° 1704552 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite du ministre de la défense en tant qu'elle refuse à M. A... le bénéfice de jours de RTT non pris pour la période du 1er janvier 2013 au 1er août 2015 et a enjoint à l'État de verser à M. A... une indemnité correspondant à dix-huit jours de RTT annuels pour cette période.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 septembre 2019 et le 17 mars 2020, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 juillet 2019 et de rejeter la demande de M. A....
Elle soutient que :
- M. A... n'effectuait pas systématiquement des missions de 24 heures suivies d'un repos de 48 heures trois semaines par mois, mais accomplissait également des journées de travail de 10, 12 ou 24 heures ; il ne justifiait ainsi pas d'une durée annuelle de travail supérieure à 2 078 heures lui ouvrant droit au bénéfice de dix-huit jours de RTT ;
- les créances antérieures au 1er janvier 2013 sont prescrites ;
- la décision implicite de rejet de la demande du 13 juin 2017 de M. A... n'est pas illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2019, M. A..., représenté par Me Laplagne, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la ministre des armées ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2021 à 12h00.
Un mémoire présenté par la ministre des armées a été enregistré le 7 septembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- l'arrêté du 28 novembre 2008 fixant le régime de rémunération des personnels ouvriers de l'État mensualisés du ministère de la défense ;
- l'instruction du 26 juillet 2002 relative à la durée du travail effectif des ouvriers de l'État du ministère de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Charlotte Isoard,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Laplagne, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ouvrier d'État, a exercé des fonctions de pompier au sein du service " techniques aéronautiques " de la direction générale de l'armement situé à Balma (Haute-Garonne). Par un courrier du 13 juin 2017, il a demandé au ministre de la défense le versement d'une indemnité correspondant à dix-huit jours de réduction du temps de travail (RTT) annuels pour la période du 3 novembre 2004 au 1er août 2015. La ministre des armées relève appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de rejet du ministre de la défense de cette demande en tant qu'elle refuse le bénéfice de jours de RTT non pris sur la période courant du 1er janvier 2013 au 1er août 2015 et a enjoint à l'État de verser à M. A... une indemnité correspondant à dix-huit jours annuels de RTT pour cette période.
2. Si les ouvriers de l'État relevant du ministère de la défense sont des agents publics et si, par suite, les règles du droit du travail en matière de durée du travail, de repos et de congés ne leur sont applicables, ils n'ont pas la qualité de fonctionnaire. La loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'État ne leur est, en conséquence, pas applicable, non plus que les textes réglementaires pris pour son application. Ces personnels ne sont pas davantage régis par le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature. En l'absence de toute autre disposition législative ou réglementaire applicable, le ministre de la défense peut définir les règles régissant ces personnels en matière de durée du travail, de repos et de congés dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service. Par conséquent, l'instruction du 26 juillet 2002 relative à la durée du travail effectif des ouvriers de l'État du ministère de la défense, prise par le ministre de la défense dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service, définit les règles régissant ces personnels en matière de durée du travail, de repos et de congés.
3. D'une part, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 28 novembre 2008 fixant le régime de rémunération des personnels ouvriers de l'État mensualisés du ministère de la défense : " Les ouvriers exerçant les professions d'ouvriers de sécurité et de surveillance et de pompiers perçoivent un salaire calculé selon un forfait mensuel : / (...) de 199,1 heures (soit 46 heures par semaine) et une durée hebdomadaire de travail comprise entre 46 heures et 51 heures. / Les heures effectuées, exceptionnellement, au-delà de la 51e heure sont rémunérées comme heures supplémentaires et abondées à 50 %. / En aucun cas, la durée hebdomadaire du travail n'est supérieure à 60 heures. / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'instruction du 26 juillet 2002 relative à la durée du travail effectif des ouvriers de l'État du ministère de la défense régulièrement publiée au bulletin officiel des armées de l'année 2002 : " 2.1.3 Le cycle de travail le plus couramment utilisé, appelé cycle de référence, comporte la mise en place de dix-huit jours de réduction du temps de travail (RTT) sur l'année (...) / Le décompte des jours RTT se fait sur la base de la durée horaire de la journée correspondant au cycle soit : / (...) pour les cycles particuliers, la durée considérée au cas par cas en fonction de l'organisation du cycle. (...) / 3.2.1 Ouvriers de sécurité et de surveillance et pompiers - 3.2.1.1 Décompte des jours de réduction du temps de travail - (...) Les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers dont le salaire est calculé selon le forfait mensuel de 199,1 heures ont droit à dix-huit jours de réduction du temps de travail s'ils accomplissent une durée de travail comprise entre 49,47 heures (49 heures 28 minutes) et 55,29 heures (55 heures 18 minutes) par semaine soit une durée de travail annuelle obligatoirement comprise entre 2 078 heures et 2 322 heures. / 3.2.1.2 Temps de travail - Compte tenu des nécessités de service, les chefs d'organisme aménagent la durée de travail des ouvriers de sécurité et de surveillance et des pompiers relevant de leur autorité dans les limites suivantes : / une durée maximale quotidienne de douze heures ; / une durée hebdomadaire maximale de cinquante et une heures sans préjudice des heures supplémentaires. / Par exception, le chef d'organisme peut : / après avis du CHSCT, adopter un temps de présence de vingt-quatre heures consécutives pendant lequel les ouvriers concernés peuvent bénéficier de périodes de repos, mais sont tenus d'effectuer les interventions et de répondre aux alertes. Dans ce cas, ils bénéficient d'un repos de quarante-huit heures consécutives après chaque période travaillée de vingt-quatre heures ; / porter la durée hebdomadaire à soixante heures, heures supplémentaires comprises ".
5. Il est constant que M. A... relevait du forfait mensuel de rémunération de 199,1 heures. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des tableaux de présentation du fonctionnement du service " techniques aéronautiques " de la direction générale de l'armement pour les années 2009 et 2010, que les ouvriers d'État exerçant la profession de pompiers étaient soumis à une organisation par cycles de travail de " 24/48 heures " correspondant à 24 heures de travail suivies de 48 heures de repos. Ce mode de fonctionnement a été maintenu au moins jusqu'au mois de juillet 2012, ainsi qu'en témoigne le tableau de présentation du service du 17 juillet 2012 qui évoque la mise en place, pour l'avenir, d'une nouvelle organisation, sans toutefois fixer d'échéance au changement envisagé. M. A... fait valoir que jusqu'au 1er août 2015, son cycle de travail continuait à être organisé selon des cycles " 24/48 heures " sur trois semaines, avec une semaine au cours de laquelle il effectuait 72 heures de travail et deux semaines aux cours desquelles il travaillait 48 heures. Si la ministre soutient qu'au cours de la période en litige, les agents travaillaient selon des cycles " 24/48 heures ", mais également selon des durées différentes, avec des journées de travail comprises entre 10 et 24 heures, elle ne verse pas au dossier de document permettant d'en attester, telles des notes de service ou des plannings portant sur cette période, mais uniquement des exemples de plannings établis à compter du mois de janvier 2017, qui sont donc postérieurs à la période concernée et ne permettent pas de remettre en cause les allégations du requérant selon lesquelles le cycle " 24/48 heures ", qui, ainsi qu'il a été dit, existait au moins jusqu'au mois de juillet 2012, a perduré. Ainsi, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, M. A... doit être regardé comme ayant été soumis à un cycle de travail d'une semaine à 60 heures et de deux semaines à 48 heures, sur quarante-deux semaines de travail effectif au cours d'une année, soit une durée annuelle de travail de 2 184 heures, supérieure au seuil de 2 078 heures. Dès lors, ce dépassement lui ouvrait droit au bénéfice de dix-huit jours de réduction de temps de travail par an pour la période courant du 1er janvier 2013 au 1er août 2015, qui n'est pas couverte par la prescription quadriennale.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a, par le jugement attaqué, annulé la décision implicite du ministre de la défense en tant qu'elle a refusé à M. A... le bénéfice de jours de réduction du temps de travail non pris entre le 1er janvier 2013 et le 1er août 2015 et a enjoint à l'État de verser à M. A... une indemnité correspondant à dix-huit jours annuels de RTT sur cette période.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX03603 5