Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination.
Par un jugement n° 2006034 du 28 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Da Ros, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'ordonner la suspension de la décision d'obligation de quitter le territoire dans l'attente de la décision qui sera rendue par la Cour nationale du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à régler à son conseil en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'erreur de droit en l'absence de caractère définitif du rejet de sa demande d'asile ;
- la décision méconnaît son droit au maintien sur le territoire protégé par l'article
L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention de Genève ;
- la décision méconnaît les garanties d'information prévues par l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation, au regard notamment de l'état de santé de sa fille ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision est entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur manifeste d'appréciation ;
s'agissant de la détermination du pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2021, la préfète de Lot-et-Garonne, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fabienne Zuccarello a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité béninoise, née le 10 août 1982 à Cotonou, est entrée en France le 20 décembre 2018, avec deux de ses filles mineures, sous couvert de visas de court séjour. Elle a sollicité, pour elles trois, le bénéfice de l'asile en France. Par une décision du 26 août 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée, a rejeté leur demande d'asile. Mme B... a fait appel de cette décision le 20 octobre 2020 devant la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 16 décembre 2020, la préfète de Lot-et-Garonne lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a refusé le séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de renvoi. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente de ce tribunal du 28 décembre 2020 rejetant sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme B... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision lui refusant le séjour en France auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le juge de première instance.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une décision de son conseil d'administration du 29 septembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a décidé la suspension du Bénin de la liste des pays considérés comme pays d'origine sûr. Il n'est pas contesté que cette décision n'est entrée en vigueur que le lendemain de sa publication au Journal officiel intervenue le 23 octobre 2020. Il en résulte que les ressortissants béninois ayant déposé une demande d'asile avant le 24 octobre 2020 pouvaient être placés en procédure accélérée au sens de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par suite, la demande d'asile de Mme B... ayant été introduite le 4 février 2019, elle pouvait faire d'objet d'un traitement en procédure accélérée. Dès lors, en se référant aux dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable pour estimer que le rejet de la demande d'asile de Mme B... entrainait la perte de son droit à se maintenir sur le territoire en dépit du recours formé contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, la préfète de Lot-et-Garonne n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En troisième lieu et ainsi qu'il vient d'être dit au point 3, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, relatif au droit de se maintenir sur le territoire français pendant l'examen du recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile, dès lors qu'elle entrait dans le cas, dérogatoire à ce droit, prévu au 7° de l'article L. 743-2 de ce code. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
5. En quatrième lieu, et ainsi que l'a jugé le juge de première instance dans son point 8, Mme B... n'est pas fondée à invoquer à son profit les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ", dès lors que ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er mars 2019, soit postérieurement à la demande d'asile de Mme B..., enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 4 février 2019.
6. Enfin, Mme B... qui se prévaut d'un contrat de travail saisonnier en qualité d'ouvrière agricole de décembre 2019 à juillet 2020, n'apporte pas la preuve d'une insertion professionnelle suffisante depuis son entrée en France, au demeurant sous couvert d'un visa de court séjour, de nature à lui ouvrir un droit au séjour. Le seul certificat médical faisant état, en termes peu précis, d'un suivi pédopsychiatrique de sa fille C..., et la convocation de celle-ci à des séances d'orthophonie en novembre 2020, ne sauraient davantage suffire à permettre de considérer que la préfète de Lot-et-Garonne aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, l'arrêté portant refus de séjour n'étant pas illégal, Mme B... n'est pas fondée à en invoquer l'illégalité par la voie de l'exception pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, Mme B... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu.
Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
10. Mme B... ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire national, elle a déclaré que deux autres de ses filles, de nationalité béninoise, n'étaient pas présentes en France au moment de sa demande d'asile, elle est hébergée avec ses deux filles mineures dans un logement réservé aux demandeurs d'asile à Tonneins et elle ne dispose pas ainsi d'un domicile stable. Par suite, en refusant d'accorder à l'intéressée un délai de départ volontaire, la préfète de Lot-et-Garonne a entendu expressément se placer dans l'hypothèse visée au 3° f) de l'article L. 511-1 précité. Dès lors la préfète de Lot-et-Garonne, qui a exactement apprécié les faits, n'a pas commis l'erreur de droit alléguée.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi :
11. Mme B... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le juge de première instance.
12. Par ailleurs, la seule production d'une sommation d'interpellation de son époux rédigée au Bénin et datée du 9 septembre 2015 ne suffit pas à établir la réalité du risque encouru par Mme B... en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la préfète n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable en fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
13. Il est fait droit à la demande de suspension de la mesure d'éloignement si le juge a un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet ou d'irrecevabilité opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la demande de protection, au regard des risques de persécutions allégués ou des autres motifs retenus par l'Office.
14. En l'espèce, Mme B... ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au regard des risques de persécution allégués. En l'absence d'éléments suffisamment sérieux pour justifier son maintien en France le temps de l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, la requérante n'est pas fondée à contester le rejet par le premier juge de sa demande de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement ni à demander à la cour qu'elle y procède.
Sur les autres conclusions :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'annulation présentées par Mme B..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il y a lieu par conséquent de rejeter les conclusions de la requête présentées à fin d'injonction et d'astreinte.
16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la requérante demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2021.
La rapporteure,
Fabienne ZuccarelloLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01859