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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX00435

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 19BX00435


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er février 2019, le 22 mai 2019, le 21 octobre 2019 et le 21 mars 2020, et un mémoire récapitulatif du 24 octobre 2021, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, représentée par Me Briec, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de Gujan-Mestras a délivré à la société civile immobilière (SCI) La ferme de Gujan un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'une jardinerie à l'enseigne " Pépini

res Le B... " d'une surface de vente de 4 952 mètres carrés, située 111 à 117 avenue...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er février 2019, le 22 mai 2019, le 21 octobre 2019 et le 21 mars 2020, et un mémoire récapitulatif du 24 octobre 2021, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, représentée par Me Briec, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de Gujan-Mestras a délivré à la société civile immobilière (SCI) La ferme de Gujan un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'une jardinerie à l'enseigne " Pépinières Le B... " d'une surface de vente de 4 952 mètres carrés, située 111 à 117 avenue de Césarée ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Gujan-Mestras la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 4 décembre 2018 ne comprend pas les visas des textes législatifs et réglementaires applicables ;

- le pétitionnaire, qui ne justifie pas de sa qualité de futur propriétaire, n'a pas qualité pour demander le permis de construire qui lui a été délivré ;

- l'avis défavorable du ministre chargé de l'urbanisme du 7 novembre 2018 n'a pas été pris en compte, ce qui a privé les parties d'une garantie ;

- le dossier de demande d'autorisation est irrégulièrement composé dès lors que le pétitionnaire n'a fait procéder à aucune étude ou évaluation des flux journaliers de circulation, qu'il est incomplet en ce qui concerne les mesures pour la maîtrise de l'environnement immédiat et qu'il n'est pas démontré que les aménagements décrits par le projet seront effectivement réalisés ;

- le signataire de l'avis rendu pour le ministre chargé du commerce ne disposait pas d'une habilitation régulière ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial ayant rendu l'avis du 8 novembre 2018 était irrégulièrement composée dès lors qu'il ne ressort d'aucun document que les personnes désignées ont reçu l'autorisation des collectivités territoriales ou des établissements publics, et que l'avis ne comporte pas l'identité et la qualité des membres présents au sein de la commission ;

- il ne ressort pas des visas de l'avis du 8 novembre 2018 que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués ;

- la zone de chalandise n'a pas été délimitée correctement au regard du secteur d'activité du projet et de sa taille, ce qui a empêché la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier l'impact réel du projet ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation sur les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine ; en effet, le projet aura un effet attractif au détriment de l'animation de la vie urbaine et rurale dès lors qu'il est implanté sur un site excentré et porte atteinte aux commerces du centre-ville ; le projet n'est pas satisfaisant au regard de l'objectif de la consommation économe d'espace ; l'imperméabilisation des sols est excessive et aura un effet délétère en matière de développement durable ; le projet aura tendance à augmenter les déplacements motorisés des consommateurs du centre-ville et entraîner une augmentation du trafic, alors qu'il existe déjà des offres concurrentes dans la zone de chalandise ; ce projet porte atteinte à la politique de revitalisation du tissu commercial et à la préservation du centre-ville poursuivie par la commune de Gujan-Mestras ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux effets du projet sur les flux de circulation ; en effet, le projet, qui se situe dans une zone de chalandise où les conditions de trafic sont très difficiles, induira une forte augmentation des flux routiers ; s'il évoque la réalisation de plusieurs aménagements, il n'est pas démontré qu'ils seront effectivement réalisés à la date de l'ouverture de l'équipement commercial ; ces aménagements ne pouvaient donc pas être pris en compte dans l'appréciation de l'effet du projet sur les flux de circulation ; la pétitionnaire n'a par ailleurs produit aucune étude des flux de circulation générés par le projet ; le service de transport à la demande est inadapté, et aucun aménagement n'a été réalisé pour les vélos et les piétons ;

- les mesures prévues par le projet sont insuffisantes pour considérer que l'objectif de qualité environnementale est rempli ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation quant aux effets du projet sur la protection des consommateurs dès lors qu'il n'est pas desservi par des aménagements spécifiques aux modes de déplacement doux, et qu'il ne présente aucun concept novateur, ne permettant pas une variété de l'offre dans ce secteur géographique ;

- le projet comporte des risques pour la sécurité des consommateurs, qui sont soumis à un risque d'incendie et alors qu'aucun accès sécurisé ne sera permis autrement que par véhicule personnel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 mai 2019, le 24 juin 2019 et le 19 juin 2020, la commune de Gujan-Mestras, représentée par Me Borderie, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest n'a pas d'intérêt à agir dès lors qu'elle ne démontre pas que l'activité de la SCI La ferme de Gujan serait en concurrence avec sa propre activité ;

- les moyens de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 septembre 2019, le 25 février 2020 et le 11 novembre 2021, la SCI La ferme de Gujan, représentée par Me Renaux, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest est irrecevable en tant qu'elle n'a pas limité sa demande à l'annulation de l'arrêté de permis de construire du 4 décembre 2018 en tant qu'il vaut autorisation commerciale ;

- la société requérante n'a pas respecté les prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest ne sont pas fondés.

La Commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces, enregistrées le 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Quincy, représentant la société Gamm Vert Synergies

Sud-Ouest, de Me Borderie, représentant la commune de Gujan-Mestras et de Me de Cirugeda, représentant la SCI La ferme de Gujan.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 mai 2018, la SCI La ferme de Gujan a présenté une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'une jardinerie de secteur 2 à l'enseigne " Les pépinières Le B... " d'une surface de vente totale de 4 952 mètres carrés située 111 à 117 avenue de Césarée, au sein de la zone " Actipole ", à Gujan-Mestras (Gironde). La commission départementale d'aménagement commercial de la Gironde a émis un avis favorable à ce projet le 17 juillet 2018. Saisie d'un recours de la société par actions simplifiées (SAS) Espaces Verts, devenue la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable à ce projet le 8 novembre 2018. Par un arrêté du 4 décembre 2018, le maire de Gujan-Mestras a accordé à la SCI La ferme de Gujan le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale demandé. Par la présente requête, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté (...) ". L'article A. 424-2 du même code dispose : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : / a) Indique la collectivité au nom de laquelle la décision est prise ; / b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : nom et adresse du demandeur, objet de la demande, numéro d'enregistrement, lieu des travaux ; / c) Vise les textes législatifs et réglementaires dont il est fait application ; / d) Vise les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens. / L'arrêté mentionne, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire ".

3. Si l'arrêté du 4 décembre 2018 vise les dispositions applicables du code de l'urbanisme sans faire référence à la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et au décret du 15 février 2015 relatif à l'aménagement commercial ayant modifié le code de commerce, cette omission est toutefois sans incidence sur sa légalité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes ; (...) ".

5. La SCI La ferme de Gujan a présenté une demande d'autorisation d'exploitation commerciale en tant que futur acquéreur du terrain en joignant le compromis de vente conclu entre la société France Littoral développement et M. et Mme A... B..., gérants de la SCI La ferme de Gujan. Ce compromis comportait une clause de substitution, laquelle a été mise en œuvre avant l'intervention de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Ainsi, la Commission nationale d'aménagement commercial a pu se fonder sur ces éléments, qui ne révèlent aucune fraude, pour retenir que la pétitionnaire justifiait d'un titre au sens de l'article R. 752-4 du code de commerce. Par ailleurs, si l'une des conditions suspensives du compromis de vente initial était l'obtention d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial avant le 15 avril 2018, ce délai a été prorogé jusqu'au 30 septembre 2018 par l'avenant n° 1 à ce compromis du 17 janvier et 2 février 2018, puis par l'avenant n° 2 qui, prenant acte des recours formés devant la Commission nationale d'aménagement commercial, a modifié cette condition en fixant le 15 décembre 2018 comme date butoir pour l'intervention de l'avis de cette commission. Par suite, le moyen tiré du défaut de qualité du pétitionnaire doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 751-6 du code de commerce : " La Commission nationale d'aménagement commercial se compose de : (...) 6° Quatre représentants des élus locaux : un représentant les communes, un représentant les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, un représentant les départements, un représentant les régions. ". Il ne résulte d'aucun texte législatif ou règlementaire que les représentants des élus locaux doivent recevoir une autorisation des collectivités territoriales ou des établissements publics concernés pour siéger au sein de la Commission nationale d'aménagement commercial, contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest. En outre, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de l'identité et de la qualité des personnes présentes. Si la société requérante soutient que l'absence de ces mentions ne permet pas de vérifier les éventuelles situations d'incompatibilité visées à l'article L. 751-6 du code de commerce, elle ne précise aucunement quelles incompatibilités auraient pu affecter l'avis en cause, alors qu'il n'est ni établi ni allégué qu'elle aurait demandé en vain la composition de la commission qui a siégé le 8 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 22 octobre 2018, le secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial a adressé à onze des membres de cette commission une convocation pour la réunion du 8 novembre 2018, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés au même article étaient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de la séance que dix membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, tous régulièrement convoqués, ont participé à la réunion du 8 novembre 2018 et ont délibéré sur le projet de la SCI La ferme de Gujan. Ce nombre étant supérieur au quorum de six membres fixé par l'article R. 752-37 du code de commerce, la commission a ainsi pu valablement délibérer, alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'irrégularité affectant la convocation du douzième membre de la commission aurait exercé une influence sur le sens de l'avis émis le 8 novembre 2018, qui était favorable à l'unanimité, ou aurait privé la société requérante d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce doit être écarté.

9. En cinquième lieu, si la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest fait état de ce que l'avis du ministre chargé de l'urbanisme étant daté du 7 novembre 2018, les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ont pu en prendre connaissance dans le délai de cinq jours avant la séance du 8 novembre 2018, il ne résulte pas des dispositions citées au point 7 que cet avis devait leur être transmis en même temps que la convocation et le dossier mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce cité ci-dessus. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre chargé de l'urbanisme est visé dans l'avis de la commission nationale, tandis que le compte-rendu de la séance indique que le commissaire du gouvernement a présenté aux membres de la commission cet avis défavorable, conformément aux dispositions de l'article R. 752-36 du code de commerce, lesquelles n'exigent pas que les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce soient communiqués aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial préalablement à sa réunion. Ainsi, l'absence de prise en compte de l'avis du ministre chargé de l'urbanisme du 7 novembre 2018 dans le rapport du service instructeur de la commission nationale n'a pas empêché ses membres de se prononcer en connaissance de cause sur la demande présentée par la SCI La ferme de Gujan. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du 8 novembre 2018 serait entaché d'un vice de procédure pour ce motif doit être écarté.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre chargé du commerce a été signé par M. D... C..., chef du service tourisme, commerce, artisanat et services. Il résulte de l'arrêté ministériel du 19 septembre 2014 portant délégation de signature, publié au Journal officiel le 24 septembre 2014 et librement consultable, que M. C... avait qualité pour signer, au nom du ministre chargé du commerce, l'avis du 31 octobre 2018 recueilli par le commissaire du gouvernement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial au titre de l'article R. 752-36 du code de commerce. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

11. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les éléments suivants : (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes (...) ; f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants (...) ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; (...) ".

12. En premier lieu, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la SCI La ferme de Gujan comprend, dans sa partie 6, consacrée aux effets du projet en matière d'aménagement du territoire, une analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, qui décrit les conditions actuelles de trafic en faisant notamment état des difficultés qui existent sur le carrefour Césarée reliant l'A 660 et l'avenue de Césarée, l'évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les axes principaux de desserte du site et fait état de son impact modéré sur les infrastructures de transport existantes. Ces éléments, qui ont permis à la commission départementale et à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier l'impact des flux de circulation générés par le projet, étaient suffisants au regard des exigences de l'article R. 752-6 du code de l'urbanisme, alors même qu'il n'y figurait pas d'étude sur les capacités résiduelles existantes des infrastructures desservant le projet. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, le dossier de demande d'autorisation indique que les infrastructures existantes desservant la parcelle d'assiette du projet sont suffisantes pour absorber le flux de circulation généré, et ne mentionne les aménagements routiers qui doivent intervenir sur ces axes de circulation qu'à titre superfétatoire. Ainsi, la circonstance que les éléments propres à la réalisation de ces aménagements, qui ne sont pas nécessaires à la réalisation du projet, ne figurent pas au dossier de demande ne permet pas de caractériser une incomplétude de ce dossier. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'à la demande de la Commission nationale d'aménagement commercial, la SCI La ferme de Gujan lui a transmis des éléments relatifs au financement et au calendrier de ces travaux, qui ont été pris en compte dans le rapport d'instruction présenté à cette commission. Par ailleurs, les éléments relatifs au tri sélectif sont précisés dans le V de la partie 7 du dossier de demande, et sont suffisants, contrairement à ce soutient la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest. Par suite, ce moyen doit être écarté.

13. En deuxième lieu, si la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest fait valoir que le dossier est insuffisant en ce qui concerne les mesures propres à limiter les nuisances du projet, elle ne précise pas quel type de nuisances pourrait engendrer le projet litigieux. En outre, il n'est pas contesté que la jardinerie de la SCI La ferme de Gujan s'implante dans la zone " Actipole " de Gujan-Mastras, soit une zone entièrement dévolue aux activités économiques, que les nuisances sonores générées par le projet ne seront pas perceptibles par les riverains proches, et que l'exploitation ne présente pas de risque de nuisances olfactives. Par ailleurs, le dossier de demande indique que tous les éléments lumineux seront éteints en période d'inoccupation afin de limiter les nuisances visuelles ou lumineuses. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. Enfin, la SCI La ferme de Gujan a défini, dans son dossier de demande de permis de construire, une zone de chalandise comprenant six communes du département de la Gironde et un temps de trajet pour l'accès au projet de vingt minutes en voiture. La société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest se borne à soutenir que la zone de chalandise du projet en litige est " en réalité plus vaste ", sans apporter aucun élément qui permettrait de remettre en cause la zone telle qu'elle a été définie par la pétitionnaire. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

17. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI La ferme de Gujan, qui prévoit une surface de vente de 4 952 mètres carrés, s'implante sur une parcelle de 13 444 mètres carrés, dans une zone à urbaniser AUx du plan local d'urbanisme de Gujan-Mestras, destinée à l'accueil des activités commerciales, industrielles, artisanales et de services, pour laquelle un permis d'aménager a d'ailleurs été délivré en 2011 pour la création d'un lotissement dénommé " Actipole " dédié aux activités économiques. Selon l'arrêté préfectoral du 9 mai 2018 accordant la dérogation prévue à l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme, et contrairement à ce que mentionne l'avis du 7 novembre 2018 du ministre chargé de l'urbanisme, le terrain en question, qui a déjà fait l'objet d'un défrichement et de travaux de voirie et de réseaux, présente un caractère déjà artificialisé. Par ailleurs, le projet prévoit des mesures destinées à compenser la consommation de l'espace, telles qu'un dispositif de recueil des eaux de ruissellement impactant les surfaces imperméabilisées, qui seront progressivement infiltrées dans le sol, et la collecte des eaux pluviales de toutes les toitures dans cinq cuves enterrées, ayant une capacité totale de cinquante mètres cubes, tandis que près de 28 % de la surface du terrain d'assiette du projet sera affecté à la création d'espaces verts en pleine terre. En outre, le projet litigieux est situé à quatre kilomètres du centre-ville de Gujan-Mestras, soit à moins de dix minutes en voiture de ce centre. Il ressort des pièces du dossier que les produits offerts à la vente par la jardinerie " Les pépinières Le B... " présentent une complémentarité avec les produits vendus dans le

centre-ville, lequel ne dispose au demeurant pas d'un espace suffisant pour accueillir une jardinerie de cette ampleur. Dans ces conditions, le projet, qui ne concurrence pas les commerces du centre-ville, ne fait pas obstacle à la revitalisation du tissu commercial de Gujan-Mestras, alors même que la commune a bénéficié d'un financement au titre du fonds FISAC, lequel concernait au demeurant une étude préalable à une opération urbaine. En outre, alors que la loi n'implique pas que le critère de contribution à la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville, cet équipement commercial sera situé dans la zone commerciale de la commune de Gujan-Mestras, contribuant ainsi à diminuer l'évasion commerciale vers les pôles d'attractivité proches de La Teste-de-Buch et de Biganos, et limitera les déplacements à l'échelle de la commune. Enfin, le projet de jardinerie de la SCI La ferme de Gujan est accessible par l'avenue de Césarée, connectée à un giratoire situé sur l'autoroute A 660. Il ressort des estimations de flux de circulation précisées dans le dossier de demande, qui ne sont pas sérieusement contestées, que le projet génèrera un trafic supplémentaire compris entre 100 et 550 clients selon le jour ou la saison, soit une augmentation de 2%, qui ne devrait pas avoir un impact significatif sur le trafic routier. Par ailleurs, les aménagements routiers de la route nationale RN 250 et du giratoire de l'A 660 ayant pour objet de désencombrer ces axes de circulation, lesquels connaissent un trafic important, dont le calendrier des travaux a été fourni à la Commission nationale d'aménagement commercial, et dont la réalisation était suffisamment certaine à la date de l'ouverture de la jardinerie, ont pu être pris en compte par la commission pour évaluer l'impact du projet sur les flux de circulation, contrairement à ce que soutient la société requérante. En outre, eu égard à l'activité de jardinerie du projet, qui propose des articles d'un volume important et qui a ainsi vocation à attirer une clientèle véhiculée, la circonstance que le terrain d'assiette n'est actuellement pas adapté aux modes de circulation " doux " et ne sera desservi que par un service de transport à la demande ne saurait caractériser une insuffisance significative du projet en ce qui concerne son accessibilité. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

18. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit un dispositif de récupération des eaux de pluie des toitures dans cinq cuves enterrées d'une capacité de cinquante mètres cubes, ayant vocation à satisfaire 30 % de la consommation globale en eau de l'établissement. Par ailleurs, le dossier de demande d'autorisation indique que la jardinerie procédera au tri sélectif, au stockage et à l'évacuation régulière des déchets, en précisant la fréquence d'enlèvement. Le projet prévoit également l'apposition en toiture de panneaux photovoltaïques sur une surface de deux cent-dix mètres carrés, qui a pour objet de réaliser une économie d'énergie d'environ 10 % sur la consommation totale générée par l'activité de la jardinerie, ainsi que sept places destinées à l'accueil des véhicules électriques sur le parc de stationnement. S'il ressort des pièces du dossier que le projet aboutira à une imperméabilisation de 9 653 mètres carrés de la surface disponible, soit 72 % du terrain d'assiette, il prévoit un dispositif de récupération et de stockage des eaux de ruissèlement impactant ces surfaces imperméabilisées qui permettra ensuite une infiltration progressive sur le site, avec deux zones de stockage sous voirie, afin de compenser ce phénomène. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, la parcelle accueillant le projet se situe au sein de l' " Actipole " de Gujan-Mestras, qui a une vocation industrielle et commerciale, et prévoit une végétalisation de près de 3 791 mètres carrés, soit 28 % des espaces, comprenant la conservation de l'essentiel des grands pins et chênes présents sur la parcelle, complétés par dix-neuf plantations en périphérie de l'aire de stationnement. Enfin, l'utilisation importante de bois en bardage et les brise-soleils sur les parties vitrées de la façade commerciale, qui fait référence aux constructions traditionnelles du bassin d'Arcachon, permet de garantir une insertion paysagère de qualité, contrairement à ce que soutient la requérante. Dans ces conditions, et au regard notamment des mesures compensatoires mises en place par la SCI La ferme de Gujan, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que le projet compromettrait l'objectif de développement durable.

S'agissant de la protection des consommateurs :

19. Ainsi qu'il l'a été rappelé au point 17, la circonstance que l'accès au projet sera fera principalement par voiture, ne peut, eu égard à la nature de ce commerce et aux produits qui y seront vendus, être regardée comme ayant un impact négatif sur l'accessibilité de l'offre, dès lors que les articles de jardinerie présentent un volume important dont le transport est incompatible avec les modes de cheminement " doux ". En outre, la circonstance, invoquée par la société requérante qu'il existerait d'autres magasins commercialisant des produits similaires dans la zone de chalandise n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le projet aurait des effets négatifs sur la protection des consommateurs, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la population de cette zone, qui a augmenté de 29 % depuis 1999, est en forte croissance, nécessitant ainsi une offre plus importante pour répondre à ses besoins. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet contribuera à la valorisation des filières de production locale dès lors que 90 % des fournisseurs des fleurs qui y seront vendues sont implantées en

Nouvelle-Aquitaine et que 66 % des achats de l'entreprise proviennent de producteurs français. Enfin, les prescriptions énoncées dans l'avis favorable de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde du 25 juillet 2018 ne concernent pas l'autorisation d'exploitation commerciale mais l'autorisation de construire, que la requérante n'a pas qualité à contester. Au demeurant, il ressort des termes du permis de construire du 4 décembre 2018 litigieux, qui vise ledit avis, que " Toutes les prescriptions imposées par les services susvisés dans leurs avis ci-annexés devront être strictement respectées ". La société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest ne peut davantage se prévaloir de l'avis défavorable de la sous-commission ERP/IGH du 27 juin 2018, dont les motifs ne sont au demeurant pas connus. En outre, il ressort des pièces du dossier que la commission d'accessibilité des personnes handicapées a émis le 24 juillet 2018 un avis favorable au projet, la notice d'accessibilité du projet indiquant d'ailleurs que deux places de stationnement sont prévues pour les personnes à mobilité réduite à proximité de l'entrée du bâtiment, avec un cheminement continu jusqu'à cette entrée. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de protection des consommateurs.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de

non-recevoir opposées par la commune de Gujan-Mestras et la SCI La ferme de Gujan, que les conclusions de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2018, par lequel le maire de Gujan-Mestras a délivré à la SCI La ferme de Gujan un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'une jardinerie de secteur 2 située 111 à 117 avenue de Césarée, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gujan-Mestras, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser chacune à la commune de Gujan-Mestras et à la SCI La ferme de Gujan à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest est rejetée.

Article 2 : La société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest versera à la commune de Gujan-Mestras et à la SCI La ferme de Gujan une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, à la commune de Gujan-Mestras, à la SCI La ferme de Gujan et au ministre de l'économie, des finances et de la relance (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00435 11


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00435
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-02-01-05-01 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial. - Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BORDERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx00435 ?
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