Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par trois requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, et de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1801295-1801298-1801415 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces trois demandes, a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions des demandes.
M. et Mme C... ont également demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, et de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1805363-1805364 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
I° Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2020 et le 28 janvier 2021 sous le n° 20BX01454, M. et Mme C..., représentés par Me Bouclier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mars 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ;
2°) de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C... soutiennent que :
- s'agissant de la procédure, l'administration s'est fondée implicitement sur l'abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que les acquisitions et cessions successives d'immeubles que le contribuable affecte à sa résidence principale et dont l'administration n'établit pas qu'il ne les aurait pas occupés à ce titre, ne peuvent pas, compte tenu de l'exonération des plus-values de cession de résidence principale, caractériser une activité de marchand de biens, sauf abus de droit ;
- s'agissant du bien-fondé des impositions, le nombre d'opérations d'achat et de revente s'est élevé à neuf entre 1999 à 2012 soit plus de douze ans ; quels que soient les profits et le nombre de transactions réalisées, la vente de résidences principales ne permet jamais de qualifier une activité d'activité de marchand de biens, sauf pour l'administration à invoquer l'abus de droit ;
- la demande de compensation présentée à titre subsidiaire par l'administration ne peut pas être satisfaite, dès lors que l'administration n'établit pas que les ventes des 11 août 2011 et 3 octobre 2012 ont généré une plus-value et ne justifie pas de son montant.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2020 et 14 juin 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, les deux cessions pour lesquelles les requérants ne soutiennent pas qu'elles ont porté sur leur résidence principale doivent être imposées dans la catégorie des plus-values des particuliers.
Par ordonnance du 12 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2021.
II° Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2020 et le 28 janvier 2021 sous le n° 20BX01455, M. et Mme C..., représentés par Me Bouclier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mars 2020 ;
2°) de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015 et de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C... soutiennent les mêmes moyens que sous le n° 20BX01454.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2020 et 14 juin 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, l'imposition relative à la cession du 25 avril 2015 ayant été dégrevée, il y aurait lieu de rétablir cette imposition.
Par ordonnance du 12 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
-le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,
- et les observations de Me Bouclier, représentant M. et Mme C....
Une note en délibéré présentée par M. et Mme C... a été enregistrée le 24 décembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... C... ont procédé entre 1999 et 2012 à neuf opérations d'achat de terrains et de revente de maisons. L'administration les considérant du fait de ces opérations comme des marchands de biens, ils ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service les a informés de son intention de mettre à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2011 et 2012, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période. Sous le n° 20BX01454, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée trouvant leur origine dans ce contrôle.
2. M. et Mme C... ont fait l'objet d'une nouvelle vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service les a informés de son intention de mettre à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2013 et 2014, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Sous le n° 20BX01455, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions.
3. Les requêtes n° 20BX01454 et n° 20BX01455 présentées par M. et Mme C... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la procédure :
4. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, par propositions de rectification des 11 août 2014 et 29 septembre 2016, l'administration, constatant que M. et Mme C... avaient réalisé entre 1999 et 2012 neuf opérations d'achat-revente de terrains et de maisons, s'est fondée, pour qualifier leur activité d'activité de marchands de biens, sur le caractère habituel des opérations et l'intention spéculative dont elles procédaient. Dans leurs observations en date des 10 octobre 2014 et 16 décembre 2016, les contribuables ont fait valoir que sept de ces cessions avaient porté sur des immeubles constituant leur résidence principale. En écartant cette argumentation au motif que les factures d'électricité et de téléphone produites montraient une consommation trop faible pour établir que la famille résidait effectivement dans ces maisons, l'administration n'a pas invoqué implicitement les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à l'abus de droit, mais s'est bornée à relever que les contribuables n'apportaient pas la preuve de leurs affirmations. Par suite, le moyen tiré par M. et Mme C... de ce que l'administration aurait appliqué l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sans leur permettre de bénéficier des garanties qu'il prévoit, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
6. D'une part, aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent (...) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable est réputé exercer une activité de marchand de biens lorsqu'il réalise de manière habituelle des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative.
7. D'autre part, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...) II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont acquis, le 16 octobre 2006, un terrain situé à Marmande, sur lequel ils ont fait édifier une maison achevée le 14 janvier 2008 et vendue le 1er juillet 2008, soit moins de sept mois après l'achèvement des travaux. Ils ont acquis avant cette vente, le 25 avril 2008, un premier terrain à Beaupuy, puis un second le 29 juillet 2008, trois mois plus tard. Ce même délai de trois mois s'est écoulé entre les dates d'ouverture des deux chantiers de construction de maison sur ces terrains. La première maison a été achevée le 8 janvier 2009 et la vente est intervenue deux mois plus tard, le 16 mars 2009. Le second chantier a été achevé le 7 janvier 2010, et, M. et Mme C... ayant acquis le 13 août 2009 un terrain voisin, ce terrain et la maison achevée en janvier 2010 ont été mis en agence en vue de la vente le 1er octobre 2010. À cette date, M. et Mme C... avaient déjà procédé à l'acquisition de trois nouveaux terrains, tous situés sur la commune de Beaupuy, les 31 mars 2010 et 28 juillet 2010, sur lesquels ils ont fait édifier trois maisons. La première, achevée le 14 mars 2011, a été mise en agence en vue de sa vente le 1er octobre 2010, soit antérieurement à son achèvement, et vendue le 18 mars 2011, quelques jours après son achèvement. La seconde, achevée le 2 mai 2011 et mise en agence avant son achèvement, a été revendue trois mois après son achèvement, le 11 août 2011. La troisième a été achevée le 23 août 2011 et revendue le 27 juin 2012. Dans le même temps, M. et Mme C... avaient fait l'acquisition, le 6 août 2011, d'un terrain sur lequel ils ont édifié une maison achevée le 24 mai 2012, postérieurement à sa mise en agence pour la vente le 30 janvier 2012, et cédée le 3 octobre 2012, moins de cinq mois après son achèvement. Trois mois avant cette cession, M. et Mme C... ont acquis un terrain le 13 juillet 2012 à Beaupuy, et la maison qu'ils y ont fait édifier a été achevée le 22 octobre 2012 et vendue le 27 août 2013, alors qu'ils avaient fait l'acquisition à Castelnau-sur-Gupie de trois parcelles sur lesquelles ils ont fait édifier trois maisons achevées entre le 26 juin 2014 et le 6 février 2015 et revendues entre le 18 décembre 2014 et le 25 avril 2015. Il résulte du nombre d'opérations réalisées sur la période, ainsi que du court délai qui a séparé l'achèvement des travaux de construction des maisons de leur vente, et de la circonstance qu'avant même d'avoir réalisé les ventes, les appelants avaient déjà acquis de nouveaux terrains, que ces opérations immobilières ont procédé d'une intention spéculative.
9. Si M. et Mme C... font valoir que sept des opérations mentionnées ci-dessus ont porté sur des habitations qui constituaient, au moment de leur cession, leur résidence principale, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations, qui ne sont pas corroborées par le déroulement des opérations tel qu'il est décrit au point 8.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
10. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. " Et selon l'article 257 du code général des impôts : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. / (...) 2. Sont considérés (...) / 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf (...) ".
11. Les opérations menées par une personne physique, et portant sur l'acquisition de terrains nus afin d'y édifier des immeubles avant de procéder à leur revente, procèdent, non de la simple gestion d'un patrimoine privé comme le soutiennent M. et Mme C..., mais de démarches actives de commercialisation foncière, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et permettent ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.
12. Si M. et Mme C... soutiennent qu'ils se sont bornés à exercer leur droit de propriété et à gérer leur patrimoine, dès lors que sept des opérations en cause ont porté sur des habitations qui constituaient, au moment de leur cession, leur résidence principale, ils n'apportent aucun élément de nature à établir l'exactitude de leurs allégations, qui ne sont pas corroborées par le déroulement des opérations tel qu'il est décrit au point 8 du présent arrêt.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme D... A..., première-conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 13 janvier 2022.
La rapporteure,
Frédérique Munoz-Pauziès Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01454-20BX01455