La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2022 | FRANCE | N°19BX02256

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 31 janvier 2022, 19BX02256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme de 64 384 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2017, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de son changement d'affectation sur le poste de chargée de missions au sein de Toulouse Métropole.

Par un jugement n° 1701771 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Toulouse à verser à Mme B

... la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme de 64 384 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2017, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de son changement d'affectation sur le poste de chargée de missions au sein de Toulouse Métropole.

Par un jugement n° 1701771 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Toulouse à verser à Mme B... la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 31 mai 2019, le 29 juillet 2019 et le 15 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Thalamas, demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser les sommes de 60 000 euros en réparation de son préjudice moral, de 6 000 euros au titre des frais exposés par elle pour assurer sa défense, et de 5 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préjudice moral subi résultant de l'illégalité fautive de la décision portant changement d'affectation a été insuffisamment évalué par le tribunal ; eu égard à la violence de la situation qui lui a été infligée pour l'avoir brutalement déchargé des fonctions qu'elle assumait, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice du fait de son aggravation, en lui allouant la somme de 60 000 euros, dès lors que l'administration n'a pas tiré les conséquences de sa condamnation et qu'elle demeure écartée de ses fonctions d'encadrement, maintenue dans des fonctions inconsistantes, en l'absence de toute lettre de mission, alors que son nom ne figure plus dans l'organigramme depuis fin 2018 ; son préjudice moral présente le caractère d'un dommage continu qui perdure depuis sa demande indemnitaire préalable du 27 janvier 2017 ;

- elle justifie, par les factures qu'elle produit, les frais qu'elle a dû engager pour sa défense à hauteur de 6 000 euros ;

- elle est fondée à solliciter, pour la première fois en appel, l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, chef de préjudice qui procède du même fait générateur, dès lors qu'elle vit dans l'angoisse de voir ses fonctions incessamment modifiées sans procédure administrative préalable et régulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2019, la commune de Toulouse, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les prétentions indemnitaires de la requérante au titre du caractère évolutif de son préjudice moral et du trouble d'anxiété allégué sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laclau, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., attachée territoriale principale au sein de la commune de Toulouse depuis le 29 septembre 2013, occupait depuis le mois de septembre 2012 les fonctions de directrice du centre culturel Henri Desbals. Le 21 janvier 2015, le maire de Toulouse lui a signalé qu'il serait procédé à son changement d'affectation. Elle a pris son poste de chargée de mission du muséum d'histoire naturelle à compter du 16 novembre 2015 à son retour de congé de maladie dans le cadre d'une mise à disposition temporaire au sein de Toulouse Métropole. Par une réclamation préalable du 27 janvier 2017, reçue le 1er février 2017, Mme B... a demandé à la commune de Toulouse le versement d'une indemnité de 64 384 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision de changement d'affectation illégale. Sa réclamation ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, elle a alors saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme de 64 384 euros en réparation de ses préjudices. Par jugement n° 1701771 du 5 avril 2019, ce tribunal a condamné la commune de Toulouse à verser à Mme B... la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice moral subi. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses prétentions indemnitaires.

Sur le montant de la réparation :

En ce qui concerne la demande de majoration du préjudice moral :

2. Mme B... soutient en appel qu'elle est fondée à solliciter la majoration de l'indemnité allouée en première instance au titre de son préjudice moral en se prévalant de la circonstance que, depuis l'intervention du jugement attaqué, la commune de Toulouse n'a pas tiré les conséquences de sa condamnation dès lors que sa situation reste inchangée, qu'elle n'a pas été repositionnée sur un poste d'encadrement et que ses fonctions de chargée de mission, totalement inconsistances, ont aggravé son préjudice.

3. Il résulte de l'instruction que les missions confiées à Mme B... en qualité de chargée de mission de partenariats opérationnels au muséum d'histoire naturelle, qui consistent à assurer le suivi et la rationalisation du réseau des partenaires, le développement économique du muséum d'histoire naturelle en participant à la rédaction des rapports d'activités, bien que conformes à celles qui sont susceptibles d'être confiées à un attaché principal, étaient de responsabilité et d'une diversité sensiblement différentes de celles qui lui étaient précédemment confiées en qualité de directrice d'un centre culturel. Toutefois, la circonstance qu'elle ne soit pas positionnée sur un poste assorti de fonctions d'encadrement n'est pas de nature à justifier une majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges dès lors que ces fonctions sont conformes au grade d'attaché principal d'administration de Mme B..., lequel grade n'implique pas nécessairement l'exercice de fonctions d'encadrement, au sens du décret

n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux, et, ce, nonobstant la circonstance que les agents de ce corps ont vocation à les exercer. De surcroît, si la requérante fait valoir qu'en la maintenant sur un poste de chargée de mission, la commune de Toulouse n'a pas tiré les conséquences de sa condamnation par le jugement attaqué, sur le fondement de l'illégalité fautive de son changement d'affectation, décision verbale dont elle n'a par ailleurs pas demandé l'annulation, l'exécution du jugement attaqué, qui ne statuait que sur un litige indemnitaire, n'impliquait de replacer Mme B... ni dans l'emploi qu'elle occupait précédemment ni de lui proposer un poste de direction ou comportant des fonctions d'encadrement.

4. Mme B..., pour justifier de l'aggravation de son préjudice moral, se plaint également de l'inconsistance persistante de ses missions en faisant valoir que, depuis le jugement attaqué, elle n'a reçu aucune fiche de poste et que son nom n'apparaît plus sur l'organigramme de la collectivité depuis 2018. Toutefois, la commune de Toulouse fait valoir en appel, sans être sérieusement contredite, que la réorganisation des services a retardé l'édiction d'un organigramme où figuraient les noms des agents qui étaient jusqu'alors en situation de repositionnement, tels que l'intéressée, alors que l'organigramme établi en 2019 fait apparaître Mme B... en tant que chargée de mission au sein de la mission " développement recherche et partenariat " qui est rattachée directement à la direction de la culture scientifique, technique et industrielle, en vue de renforcer la mission de recherche de partenariats culturels dans un contexte de réorganisation des services, laquelle a fait l'objet de l'avis favorable du comité technique paritaire le 6 mars 2018, avec toutes les conséquences sur le repositionnement des agents et l'évolution de leur mission. Si Mme B..., dans son mémoire en réplique, allègue que la mission " développement " à elle confiée ne lui a jamais été présentée par la directrice et que ses missions se résument pour l'essentiel à collecter des informations et à remplacer ponctuellement son supérieur hiérarchique à des réunions, elle reconnaît néanmoins dans ses écritures avoir assisté à de nombreuses réunions avec des porteurs de projets en lien avec ses missions au sein du muséum et avoir collaboré à l'élaboration des rapports d'activité, sans que les circonstances alléguées que le temps qu'elle prétend y avoir consacré n'excède pas trois mois par an ou que son implication dans une action expérimentale associant des artistes se soit résumée à la commande d'un cabanon de 6 m2, soient de nature à établir l'inconsistance de ses missions. D'ailleurs, la commune de Toulouse produit la fiche de poste de Mme B..., en date du 16 novembre 2015, ainsi que ses comptes rendus d'entretien d'évaluation des années 2016 à 2018, qui font état des missions confiées à l'intéressée, et révèlent une évolution positive de ses appréciations par son supérieur hiérarchique, notamment quant à sa capacité à intégrer ses nouvelles fonctions. Mme B... n'a émis dans aucun de ces comptes rendus des observations sur la prétendue inconsistance de ses missions.

5. Mme B... demande pour la première fois en appel la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété subi, compte tenu du fait que, dotée de fonctions inexistantes, elle subit une situation humiliante, qu'elle vit dans l'angoisse permanente de voir ses fonctions modifiées sans procédure administrative préalable régulière et qu'elle a été mise à disposition d'office auprès de Toulouse Métropole sans son accord. Toutefois, en tout état de cause, Mme B... ne justifie pas de la réalité de ce préjudice particulier qu'elle invoque.

6. N'apportant aucun élément de nature à justifier une majoration de l'indemnité de 7 000 euros allouée par les premiers juges en réparation de son préjudice moral, la demande de Mme B... tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 60 000 euros ne saurait être accueillie.

En ce qui concerne le préjudice lié aux frais destinés à couvrir les frais d'avocat :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) ".

8. Si les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

9. Mme B... réclame la somme de 6 000 euros destinée à couvrir les frais d'avocat exposés pour sa défense dans l'instance ayant donné lieu au jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse, qui a condamné la commune de Toulouse au versement de 1 500 euros au titre des frais d'instance. Toutefois, la facture n° 2015/165 de Me Thalamas datée du 2 juin 2015 d'un montant de 720 euros produite en appel ne comporte pas de précision quant à l'objet de la prestation. Si Mme B... justifie en appel avoir exposée des frais d'avocat destinés à assurer sa représentation dans le cadre de la présente instance ayant donné lieu à la décision du tribunal administratif de Toulouse du 5 avril 2019 en produisant une facture n° 2017/208 du 20 avril 2017 d'un montant de 960 euros, une facture n° 2018/197 du 29 mars 2018 d'un montant de 960 euros, et une facture n°2019/096 du 25 mars 2019 d'un montant de 253 euros, néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu, compte tenu des termes de l'article L. 761-1 précité, d'accorder à l'intéressée l'intégralité des sommes engagées, ait commis une erreur d'appréciation en accordant à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de la commune de Toulouse à réparer son préjudice lié aux frais destinés à couvrir les frais d'avocat doivent être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fixé à 7 000 euros le montant de l'indemnité qu'il lui a allouée au titre de son préjudice moral.

Sur les frais d'instance :

11. La commune de Toulouse n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Toulouse présentées sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Toulouse au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLa présidente,

Brigitte PHEMOLANT

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

2

N° 19BX02256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02256
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : T et L AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-31;19bx02256 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award