Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2017 par lequel le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon a refusé de la titulariser.
Par un jugement n° 1800286 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 janvier 2020 et le 29 novembre 2021, Mme C..., représentée par Me Noël, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2017 par lequel le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon a refusé de la titulariser ;
3°) d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale d'Arcachon de prononcer sa titularisation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale d'Arcachon la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour avoir omis de prendre en considération le fait que les missions à elle confiées excédaient la durée hebdomadaire de travail de sorte qu'elle n'a pas été mise en mesure de faire valoir ses qualités professionnelles ;
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, dès lors que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la décision de ne pas la titulariser aurait été prise en réalité dès l'année 2016, soit bien avant que son stage ne soit prolongé ;
- la décision contestée de ne pas la titulariser à l'issue de son stage a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que l'administration avait, dès septembre 2016, clairement pris sa décision de non titularisation alors même que son stage n'avait pas encore été prolongé ;
- la décision de ne pas la titulariser repose sur des faits matériellement inexacts ou sur des faits dont l'ampleur a été surestimée ; ses prétendues lacunes organisationnelles tenant à un manque d'anticipation ne reposent que sur deux incidents isolés qui se sont déroulés les 19 et 20 avril 2017 pour n'avoir pas été présente à des réunions hebdomadaires ; le grief tiré de ce qu'elle serait réticente à informer son équipe et sa hiérarchie de son emploi du temps est partiellement inexact ; son prétendu manque de réactivité résulte en réalité d'une mauvaise organisation générale de la structure ; ses absences de réponse aux demandes de sa hiérarchie étaient fondées sur leur absence de pertinence ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le refus de réaliser certaines tâches dans un délai raisonnable relève d'un comportement constitutif d'insubordination et, par suite, passible de sanction disciplinaire mais ne caractérise pas une insuffisance professionnelle ; les conditions matérielles de déroulement de son stage ne lui ont pas permis de faire valoir la potentialité de ses capacités, ayant été affectée sur deux équivalents temps plein ; les conditions matérielles ont été compromises par un déménagement temporaire des locaux et de difficultés d'accès au serveur interne de la structure et du fait du changement de supérieur hiérarchique ; elle établit avoir mené à bien les projets confiés durant la période de prolongation de stage ;
- la décision refusant de la titulariser est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de prolongation de stage.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021 le centre communal d'action sociale d'Arcachon représenté par Me Boissy conclut au rejet de la requête de Mme C... et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 92-853 du 28 août 1992 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2012-1293 du 22 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Bourjol,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Noël, représentant Mme C..., et de Me Taormina, représentant le centre communal d'action sociale d'Arcachon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été recrutée le 12 décembre 2008 par le centre communal d'action sociale d'Arcachon en qualité de psychologue. Son contrat à durée déterminée d'un an a été renouvelé puis transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 12 décembre 2014. A compter du 1er décembre 2015, elle a été nommée dans le cadre d'emplois des psychologues territoriaux en application de l'article 18 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, en qualité de psychologue stagiaire pour une durée de six mois. Par un arrêté du 24 février 2017, le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon l'a autorisée à effectuer un stage complémentaire de six mois à compter du 9 février 2017. Par un arrêté du 27 juillet 2017, le président du centre communal d'action sociale a refusé de titulariser Mme C... à l'issue de son stage et l'a replacée sur son ancien poste de chargée de mission " psycho-gérontologue " en contrat à durée indéterminée. Mme C... relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont omis d'examiner le moyen soulevé en première instance par la requérante, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision de ne pas la titulariser avait été prise en réalité dès le mois de septembre 2016. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen présenté par Mme C... à l'encontre du jugement attaqué, ce jugement doit être annulé. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C....
Sur les conclusions en annulation du refus de titularisation :
3. Aux termes des dispositions de l'article 15 du décret du 22 novembre 2012 pris pour l'application du chapitre II du titre Ier de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Les agents recrutés en application du présent décret sont nommés en qualité de fonctionnaires stagiaires au plus tard le 31 décembre de l'année au titre de laquelle le recrutement réservé est organisé. Ils effectuent un stage d'une durée de six mois. Pendant cette période, ils sont placés, au titre de leur contrat, en congé sans rémunération et sont soumis aux dispositions du décret du 4 novembre 1992 susvisé, à l'exception de celles relatives à la durée du stage ". Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage./ Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. S'il est loisible à l'autorité administrative d'alerter, en cours de stage, l'agent sur ses insuffisances professionnelles et, le cas échéant, sur le risque qu'il encourt de ne pas être titularisé s'il ne modifie pas son comportement, la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 5 du décret du 4 novembre 1992.
5. Mme C... soutient avoir été informée dès le 1er septembre 2016 de l'intention de l'administration ne pas la titulariser à l'issue de son stage, qui devait initialement prendre fin le 16 octobre 2016. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ces allégations, alors que son stage a été prolongé et prorogé à plusieurs reprises jusqu'au 8 août 2017, pour tenir compte tant de son congé de maternité que de ses congés pour maladie, à compter du 28 septembre 2016. Les circonstances invoquées que le président du centre communal d'action sociale a saisi pour avis la commission administrative paritaire avant la fin de son stage initialement prévue au 16 octobre 2016 et qu'à l'occasion de l'évaluation du stage effectuée le 1er septembre 2016, la directrice du centre communal d'action sociale et le directeur de la proximité aient émis un avis défavorable à sa titularisation, ne permettent pas d'en déduire que l'administration avait, dès le mois de septembre 2016, d'ores et déjà décidé de ne pas la titulariser. Dès lors, le moyen doit être écarté.
6. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.
7. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.
8. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
9. Pour refuser de titulariser Mme C... à l'issue de son stage, prorogé de six mois, le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon s'est fondé sur " l'insuffisance professionnelle de Mme C..., notamment en matière de management, d'organisation, de gestion et de conduite de projet ainsi que des difficultés récurrentes à entendre et répondre aux consignes émanant de sa hiérarchie ". Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'évaluation établi le 27 juin 2017 par la supérieure hiérarchique de l'intéressée mentionne en particulier une attitude d'insubordination en refusant d'accomplir les tâches demandées ou en les discutant systématiquement, un positionnement inadapté à la bonne marche du centre communal d'action sociale, l'absence de partage des dossiers compromettant la continuité du service en cas d'absence, un non-respect des procédures, des demandes de sa hiérarchie restées sans réponse, et des objectifs et des engagements pris auprès de partenaires non tenus. Il résulte également des mentions précises et circonstanciées de ce rapport que Mme C... a fait preuve d'un manque de réactivité dans ses relations avec son équipe, sa hiérarchie et les partenaires extérieurs du centre communal d'action sociale d'Arcachon, de difficultés à respecter les consignes données, d'une absence d'anticipation tant dans l'organisation quotidienne de son service que dans la gestion de ses dossiers, d'une incapacité à prioriser ses missions générant des difficultés organisationnelles et relationnelles notamment en contraignant sa hiérarchie à multiplier les rappels voire à la suppléer dans l'accomplissement de ses taches.
10. Mme C..., à qui il n'appartient pas, contrairement à ce qu'elle soutient, d'apprécier l'opportunité de donner suite aux demandes de sa hiérarchie, ne conteste pas sérieusement son manque d'anticipation et de réactivité tant dans la conduite de projets que dans ses réponses à des demandes de sa hiérarchie en mettant en cause, sans autre précision, l'organisation générale de la structure. Si elle soutient que le centre communal d'action sociale ne lui aurait pas permis d'effectuer son stage dans des conditions matérielles lui permettant de valoriser ses compétences professionnelles, d'une part, elle n'établit ni même n'allègue s'être plainte de ses conditions de travail durant le stage, d'autre part, la circonstance qu'elle aurait été temporairement privée d'accès au réseau informatique interne du centre communal d'action sociale à l'occasion d'un déménagement des locaux n'est pas de nature à l'exonérer de son obligation de servir avec rigueur et ponctualité en accomplissant les missions qui lui étaient confiées et en s'adaptant aux méthodes de travail et aux procédures mises en place dans cette structure. De surcroît, la circonstance invoquée que sa période probatoire évaluée par Mme D..., remplaçant Mme A... aux fonctions de responsable au centre communal d'action sociale, n'ait portée que sur trois semaines en jours ouvrables, ne suffit pas à établir qu'elle aurait été privée, comme elle le soutient, de la possibilité de faire ses preuves dans le cadre de son stage. Compte tenu de l'absence d'amélioration de la manière de servir de l'intéressée en dépit de la prolongation de son stage, le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de la titulariser.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la circonstance invoquée que le refus de réaliser certaines tâches dans un délai raisonnable relèverait d'un comportement constitutif d'insubordination et donc passible de sanction disciplinaire ne fait pas obstacle à ce que ce fait relève de l'insuffisance professionnelle de Mme C....
12. L'arrêt de la cour n° 20BX00292 du même jour confirme la légalité de la décision de prorogation du stage de Mme C... pour une durée de six mois. L'intéressée ne peut dès lors, et en tout état de cause, soutenir utilement, par la voie de l'exception, que l'arrêté contesté du 27 juillet 2017 par lequel le président du centre communal d'action sociale a refusé de la titulariser est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté par lequel son stage a été prorogé de six mois à compter du 9 février 2017, dès lors qu'il ne saurait être regardé comme un acte d'application de l'arrêté du 24 février 2017 et que celui-ci n'en est pas la base légale.
13. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2017 par lequel le président du centre communal d'action sociale d'Arcachon a refusé de la titulariser doit être rejetée.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale d'Arcachon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le centre communal d'action sociale d'Arcachon sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800286 du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... et les conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale d'Arcachon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre communal d'action sociale d'Arcachon.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.
La rapporteure,
Agnès BOURJOLLe président,
Didier ARTUSLa greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00271