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24/03/2022 | FRANCE | N°19BX03070

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 24 mars 2022, 19BX03070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... ainsi que Mme A... et M. G... F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, C... F..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à leur verser la somme totale de 221 391,74 euros en réparation des préjudices subis par leur enfant et frère, E... F..., et en réparation de leurs préjudices propres.

Par un jugement n°1802054 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Tou

louse a condamné le CHU de Toulouse à verser une somme de 35 000 euros à Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... ainsi que Mme A... et M. G... F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, C... F..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à leur verser la somme totale de 221 391,74 euros en réparation des préjudices subis par leur enfant et frère, E... F..., et en réparation de leurs préjudices propres.

Par un jugement n°1802054 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser une somme de 35 000 euros à Mme A..., une somme de 38 244,07 euros à M. G... F..., une somme de 15 000 euros à Mme B... F..., une somme de 15 000 euros à Mme A... et à M. G... F... en leur qualité de représentants légaux de leur fille C... F... ainsi qu'une somme de 4 000 euros aux requérants en leur qualité d'ayant-droits d'Inacio F..., et a mis à la charge du CHU de Toulouse les frais d'expertise d'un montant de 2 129,70 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2019 et 5 décembre 2019, le CHU de Toulouse, représenté par Me Cara, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 27 mai 2019 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a alloué une somme de 35 000 euros chacun à Mme A... et M. G... F... et une somme de 15 000 euros chacune à Mmes B... et C... F... en réparation de leur préjudice d'affection ;

2°) de ramener ces indemnités à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- les sommes allouées par le tribunal en réparation du préjudice d'affection des parents d'Inacio F... sont excessives au regard de la fragilité de l'état de santé de l'enfant ; la jurisprudence évalue en général le préjudice d'affection lié à la perte d'un enfant entre 15 000 et 25 000 euros ;

- les sommes allouées par le tribunal en réparation du préjudice d'affection des sœurs d'Inacio F... sont également excessives ;

- les conclusions des consorts F... tendant à la réparation d'un préjudice exceptionnel sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; les parents d'Inacio F... reconnaissent que l'état de leur enfant était fragile dès sa naissance ; l'état initial de leur enfant ne lui est pas imputable, et le décès n'est pas intervenu dans des circonstances exceptionnelles ; aucun élément médical ou de suivi psychologique n'est produit permettant de s'assurer du caractère pathologique du deuil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, Mme A... et M. G... F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, C... F..., et Mme B... F..., représentés par Me Benayoun, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du CHU de Toulouse d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de leur allouer une indemnisation complémentaire d'un montant total de 30 000 euros en réparation de leur " préjudice exceptionnel ".

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier ne conteste pas, en appel, son entière responsabilité dans la survenue du décès d'Inacio F... ;

- la fragilité de l'état de santé d'Inacio F... ne laissait pas présager son décès soudain, auquel ils ne pouvaient s'être préparés ; l'expert a relevé qu'aucune malformation n'engageait son pronostic vital ; Mme A... a été placée en arrêt de travail le 28 novembre 2017 pour cause " d'anxiété généralisée suite au décès de son enfant " ;

- l'intensité du lien fraternel qui unissait le jeune E... à ses sœurs ne peut être appréciée au regard du seul jeune âge d'Inacio ; ce lien était renforcé par l'état de santé de ce dernier ;

- le décès est survenu dans des circonstances dramatiques ; Mme A... et M. G... F... ont dû prendre la décision d'arrêter les soins qui le maintenaient artificiellement en vie ; l'enfant est décédé au terme d'un processus de sédation, dans les bras de sa mère ;

- le tribunal a ainsi fait une juste appréciation de leur préjudice d'affection, et ils peuvent en outre prétendre à l'indemnisation d'un préjudice exceptionnel à hauteur de 10 000 euros pour chacun des parents et 5 000 euros pour chacune des sœurs.

Par une ordonnance du 1er février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique

- le rapport de Mme Beuve Dupuy, première conseillère,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Montamat, représentant le CHU de Toulouse, et de Me Antoniolli, représentant Mme A... et M. G... F... agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, C... F... et Mme B... F....

Considérant ce qui suit

1. E... F..., qui présentait un retard de croissance intra utérin, est né le 29 avril 2014, à 35 semaines d'aménorrhée, à la maternité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. L'enfant présentait à sa naissance un syndrome poly-malformatif caractérisé par une syngnathie osseuse, soit une fusion entre les os du massif facial et de la mandibule, et des malformations cardiaque, digestive et oculaire. Il a subi au cours des années 2014 et 2015, au sein de l'établissement, plusieurs interventions chirurgicales ayant permis de traiter avec succès ses malformations cardiaque, digestive et oculaire, et une intervention de levée de la synostose maxillaire a été réalisée le 21 avril 2015. En raison d'une récidive de la fusion osseuse, il a subi le 16 janvier 2016 une reprise chirurgicale de la synostose maxillaire. Le 17 janvier 2016 au matin, il a présenté un arrêt cardio-respiratoire provoqué par une obstruction de sa canule de trachéotomie. L'enfant présentant des lésions cérébrales irréversibles, une décision d'arrêt des soins a été prise en concertation avec ses parents. Le jeune E... est décédé le 25 janvier 2016, à l'issue d'un processus de sédation.

2. Mme A... et M. G... F..., ses parents, agissant en leur nom et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, C... F..., et Mme B... F..., sœur aînée d'Inacio, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le CHU de Toulouse à leur verser la somme totale de 221 391,74 euros en réparation des préjudices subis par leur enfant et frère, E... F..., et en réparation de leurs préjudices propres. Par un jugement du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la responsabilité de l'établissement était engagée à raison d'un défaut de surveillance et d'un important retard de prise en charge de l'enfant lors de l'obstruction de sa canule de trachéotomie survenue le 17 janvier 2016. Il a condamné l'établissement à verser une somme de 35 000 euros à Mme A..., une somme de 38 244,07 euros à M. G... F..., une somme de 15 000 euros à Mme B... F..., une somme de 15 000 euros à Mme A... et à M. G... F... en leur qualité de représentants légaux de leur fille C... F... ainsi qu'une somme de 4 000 euros aux requérants en leur qualité d'ayant-droits d'Inacio F..., et a mis à la charge du CHU de Toulouse les frais d'expertise d'un montant de 2 129,70 euros. Le CHU de Toulouse, qui ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité à raison des fautes retenues par les premiers juges, relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a alloué une somme de 35 000 euros chacun à Mme A... et M. G... F... et une somme de 15 000 euros chacune à Mmes B... et C... F... en réparation de leur préjudice d'affection. Par la voie de l'appel incident, Mme A... et M. G... F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille alors mineure, C... F..., et Mme B... F... demandent à la cour de leur allouer une indemnisation complémentaire d'un montant total de 30 000 euros en réparation de leur " préjudice exceptionnel ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme A... et M. G... F..., parents du jeune E... F... dont le pronostic vital n'était pas engagé selon l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, ont, du fait des fautes commises par le CHU de Toulouse, d'abord assisté à la déchéance de leur jeune enfant, ce dernier ayant été mis en sédation après une décision d'arrêt des soins compte tenu du caractère irréversible des lésions cérébrales provoquées par son arrêt cardio-respiratoire, puis perdu leur fils, âgé de seulement 21 mois. Dans ces conditions, le tribunal ne s'est pas livré à une évaluation excessive de leur préjudice d'affection en leur allouant, chacun, une somme de 35 000 euros.

4. Eu égard aux conditions dans lesquelles est survenu le décès du jeune frère de Mmes B... F... et C... F..., âgées respectivement de 17 ans et 13 ans à la date du décès, le tribunal a fait une juste appréciation de leur préjudice d'affection en leur allouant, chacune, une indemnité de 15 000 euros.

5. Enfin, le " préjudice exceptionnel " au titre duquel les intimés demandent, par la voie de l'appel incident, une indemnisation complémentaire, est déjà réparé au titre de leur préjudice moral d'affection. Leurs conclusions d'appel ne peuvent donc qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Toulouse.

6. Il résulte de ce qui précède que ni le CHU de Toulouse, ni les intimés ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHU de Toulouse est rejetée.

Article 2 : Le CHU de Toulouse versera à Mme A... et M. G... F... et Mme B... F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme A... et M. G... F..., Mme B... F... et Mme C... F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à Mme D... A..., représentante unique pour l'ensemble des intimés.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03070
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DENIS BENAYOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;19bx03070 ?
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