Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2006397 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 juin 2020, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 22BX00044 enregistrée le 6 janvier 2022, le préfet de
la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 décembre 2021.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'avis rendu le 13 novembre 2019 n'a pas été émis au terme d'une délibération collégiale : cet avis, qu'il produit en appel, démontre, jusqu'à preuve du contraire, qu'aucune irrégularité de procédure n'a été commise en ce qu'il indique que l'avis est " issu du collège des médecins de l' Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), émis après délibération " et est signé par les trois médecins ;
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté : Mme C... a reçu délégation générale et permanente de signature par arrêté du 2 avril 2020 publié au recueil des actes administratifs du même jour ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé : le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; dès lors il n'y a pas lieu de regarder si le traitement approprié est disponible dans le pays d'origine et l'intéressé peut voyager sans risque ; il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas dépourvue de base légale ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II. Par une requête n° 22BX00043 enregistrée le 6 janvier 2022, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement n° 2006397 du 3 décembre 2021.
Il fait valoir que sa requête au fond est justifiée.
Par décisions du 10 février 2022, M. A... a obtenu l'aide juridictionnelle totale.
Par des mémoires en défense identiques, enregistrés le 25 février 2022, M. A..., représenté par Me Tercero conclut au rejet des deux requêtes, à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, en lui délivrant immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'Etat de deux sommes de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
Par des ordonnances du 25 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée
au 7 mars 2022 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique,
sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, est entré irrégulièrement en France
le 19 janvier 2015 et a demandé l'asile. Cette demande a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 avril 2016. La demande de réexamen qu'il a formulée ensuite a été définitivement rejetée par ordonnance de la CNDA du 8 août 2017. Par un arrêté du 20 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 7 décembre 2018, M. A... a sollicité un titre
de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juin 2020, le préfet
de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour qu'il avait obtenu, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays
de renvoi. Par un jugement n° 2006397 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, sur la demande de M. A..., l'arrêté du 2 juin 2020, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution. Il y a lieu de joindre ses deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 22BX00044 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à
l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de
l'article R. 313-22 du même code, applicable au litige : " Pour l'application du 11° de
l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins ".
3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis,
conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour déposée par M. A... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis le 13 novembre 2019. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que, compte tenu de l'absence de production de cet avis, le préfet ne pouvait être regardé comme établissant que celui-ci a été rendu à la suite d'une délibération collégiale. Le préfet produit en appel l'avis rendu le 13 novembre 2019 par le collège des médecins de l'OFII mentionné dans l'arrêté. Cet avis a été signé par les trois médecins qui ont formé le collège qui s'est prononcé sur la demande de M. A.... En outre, le bordereau de transmission de cet avis, en date du même jour, indique que ce dernier a été émis après délibération. Dès lors, la garantie tenant à la collégialité des débats entre médecins du collège de l'OFII a bien été respectée. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur un vice de procédure résultant de l'absence de preuve de la collégialité des débats pour annuler son arrêté du 2 juin 2020.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance.
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
6. Mme E... C..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation, par arrêté du 2 avril 2020 du préfet de
la Haute-Garonne publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer les décisions de refus de titre de séjour, les décisions prévues à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties,
il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration
et de l'intégration (OFII) doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature
à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Dans son avis du 13 novembre 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les certificats médicaux, en date des 26 septembre 2018 et 10 juin 2019, établis par son psychiatre indiquent qu'en raison de l'origine traumatique des terreurs nocturnes, du tableau anxieux et des troubles thymiques de l'intéressé, son séjour en France serait justifié. Cependant, les allégations relatives à des tortures subies dans son pays, où il aurait été emprisonné, ne sont assorties d'aucune justification, et la CNDA, devant laquelle toutes précisions pouvaient être apportées sur ces points, a rejeté la demande d'asile. Le certificat établi par le même praticien le 26 juin 2020 reprend les déclarations de M. A... quant aux risques que ce dernier estime encourir en cas de retour dans son pays, et évoque une possible rechute de psychose et un risque pour sa vie " selon lui ", ce qui ne permet pas de retenir que l'absence de prise en charge médicale aurait pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, la circonstance que le collège de médecins se serait abstenu de se prononcer sur la disponibilité du traitement dans son pays ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse se prévaloir de l'absence de démonstration de l'indisponibilité d'un traitement psychiatrique au Bangladesh. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper d'une prétendue illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
13. M. A..., qui se limite à soutenir que la décision en litige l'exposerait à un risque de traitement inhumain ou dégradant en raison de l'impossibilité pour lui de se soigner au Bangladesh, n'assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 juin 2020.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :
15. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 décembre 2021, les conclusions
de la requête n° 22BX00043 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
16. M. A... étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 décembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 22BX00043 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.
La présidente-assesseure,
Anne Meyer
La présidente, rapporteure,
Catherine D...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00043, 22BX00044 2