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04/05/2022 | FRANCE | N°21BX01248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 mai 2022, 21BX01248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, la décision implicite née le 12 décembre 2019 par le silence gardé par la préfète de la Vienne sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", d'autre part, l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de

renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, la décision implicite née le 12 décembre 2019 par le silence gardé par la préfète de la Vienne sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", d'autre part, l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et enfin l'arrêté du même jour par lequel elle l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2001835 du 3 août 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté la demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée un an et assignant l'intéressé à résidence.

Par un jugement n° 2001120, 2001835 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande d'annulation du refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 mars 2021 et le 23 février 2022, M. D..., représenté par Me Bouillault, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 juillet 2020 en ce qu'il porte refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;

- il méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 313-14-1 du même code ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2022, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien né le 14 janvier 1992, est entré en France en mai 2011. Il a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé pour la période du 14 février 2012 au 22 avril 2014. Par un arrêté du 21 août 2018 dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 3 octobre 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 12 août 2019, M. D... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Une décision implicite est née du silence gardé par la préfète de la Vienne sur cette demande avant que, par un arrêté du 29 juillet 2020, la préfète lui refuse expressément la délivrance d'un titre de séjour, lui fasse obligation de quitter le territoire français, fixe le pays de renvoi et prononce une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence. Par jugement du 3 août 2020, confirmé par arrêt de cette cour du 12 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi, prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'assignant à résidence. Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre le refus de délivrance d'un titre de séjour. Par la présente requête, M. D... demande l'annulation de ce dernier jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision explicite de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 29 juillet 2020.

2. En premier lieu, l'arrêté du 29 juillet 2020 vise notamment l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il cite des dispositions, ainsi que la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par voie postale par M. D.... Il décrit les conditions de séjour de M. D... depuis son entrée sur le territoire le 20 mai 2011, faisant notamment mention des titres de séjour obtenus en raison de son état de santé entre 2012 et 2014. Il fait état de sa situation personnelle et de ses liens familiaux sur le territoire français. Ainsi, la décision litigieuse comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut dès lors qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète de la Vienne a procédé à un examen particulier de la situation de M. D.... La circonstance que son patronyme serait mal orthographié, alors au demeurant qu'il est transcrit du géorgien, ou encore celle qu'il est fait état d'une interpellation le 29 juillet 2019 alors qu'elle a eu lieu le 29 juillet 2020, sont sans incidence sur la régularité formelle de la décision. En outre, le fait que la préfète n'a pas repris les articles L. 313-14-1, L. 313-15 et L. 313-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités dans la demande n'est pas de nature à établir un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors que la préfète de la Vienne a estimé que l'intégration de M. D... dans la société française n'était pas suffisante pour justifier son admission exceptionnelle au séjour sur quelque fondement que ce soit. Enfin, si M. D... conteste l'appréciation de la préfète selon laquelle il est connu défavorablement des services de police et ne respecte pas les lois de la République du fait de son maintien sur le territoire français en situation irrégulière, ces affirmations ne révèlent pas davantage un défaut d'examen de sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

5. M. D... soutient qu'il est présent en France depuis neuf ans, qu'il vit avec une compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu une fille née le 23 janvier 2015 et des jumelles nées le 17 septembre 2017 et que ses parents et sa sœur résident également sur le territoire national en situation régulière. Il ajoute qu'il travaille depuis juin 2016 à temps plein pour la communauté Emmaüs, ce qui lui procure un pécule mensuel de 286 euros, après avoir bénéficié d'un contrat à durée déterminée d'insertion pour la période de juillet 2014 à février 2015. Toutefois, il s'est maintenu sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 21 août 2018, l'actualité de sa relation conjugale est remise en cause par l'attestation de la mère de sa fille, datée du 8 février 2019, qui évoque leur séparation, il n'a reconnu les jumelles nées en 2017 que postérieurement à l'arrêté contesté et les membres de sa famille résident à Metz. Il est par ailleurs pris en charge pour l'hébergement et la nourriture par l'association Emmaüs. Dans ces circonstances, en estimant qu'il n'existait pas de motif humanitaire ou exceptionnel de nature à justifier l'admission exceptionnelle au séjour de M. D..., la préfète de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-25 de ce code, l'étranger qui sollicite son admission exceptionnelle au séjour sur ce fondement produit " 1° Les pièces justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de l'organisme, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration ; / 2° Un rapport établi par le responsable de l'organisme d'accueil mentionné au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles précisant notamment la nature des missions effectuées et leur volume horaire, permettant de justifier de trois années d'activité ininterrompue exercée en son sein, ainsi que du caractère réel et sérieux de cette activité ; ce rapport précise également les perspectives d'intégration de l'intéressé au regard notamment du niveau de langue, des compétences acquises et le cas échéant, de son projet professionnel ainsi que des éléments tirés de la vie privée et familiale (...) ".

7. M. D... produit pour la première fois en appel une attestation du responsable de la communauté Emmaüs de Chatellerault-Naintré, établie le 14 janvier 2021 soit postérieurement à l'arrêté en litige, indiquant qu'il travaille à temps plein depuis juin 2016, en tant que rippeur puis en qualité de chauffeur, qu'il est consciencieux, autonome, et respectueux du matériel, qu'il maîtrise la langue française et qu'il saura trouver un emploi dans le domaine du transport de marchandises. Toutefois, alors notamment que M. D... a été interpelé le 29 juillet 2020 lors d'un contrôle routier, pour défaut de permis de conduire, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en lui refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de la Vienne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Ainsi qu'il a été dit, si M. D... est présent en France depuis neuf ans, il a été durant toute cette période pris en charge par une association. Bien qu'il travaille à temps complet pour l'association Emmaüs, sa situation professionnelle reste précaire. Alors qu'il se prévaut d'une relation de concubinage avec la mère de sa fille née en 2015, l'existence et la stabilité d'une telle relation, ainsi que l'intensité des liens avec son enfant ne sont pas établies par les pièces produites. Dans ces conditions, notamment au regard des conditions de séjour en France de l'intéressé, la préfète de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En l'occurrence, le refus d'admission au séjour opposée à M. D... n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer de sa fille alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il résiderait avec l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour du 29 juillet 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01248
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BOUILLAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-04;21bx01248 ?
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