Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société IPRASUP a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 octobre 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de lui délivrer le récépissé prévu à l'article L. 731-3 du code de l'éducation pour l'établissement d'enseignement de préparation aux concours et examens de droit et de sciences politiques à Bordeaux, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 29 mars 2018.
Par un jugement n° 1804467 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 octobre 2017 du recteur de l'académie de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2020 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la société IPRASUP ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il ne contient pas l'exposé des moyens et conclusions des parties et n'est pas signé ;
- l'établissement en cause ne pouvait être regardé comme un établissement d'enseignement supérieur au sens des articles L. 731-1 et suivants du code de l'éducation mais constitue une activité de soutien pédagogique complémentaire des cours dispensés à l'université et n'est ni diplômant, ni qualifiant, ni ne s'apparente aux classes préparatoires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2022, la société IPRASUP, représentée par Me Ferrer, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société IPRASUP, qui a pour objet social " l'enseignement supérieur technique ", exploite un établissement d'enseignement privé hors contrat sous l'enseigne IPRASUP à Bordeaux. Cet établissement exerce une activité de soutien à l'enseignement universitaire et de préparation aux concours d'entrée des instituts d'études politiques par la délivrance de formations dans les différentes matières juridiques. Par un courrier du 10 juillet 2017, elle a adressé au recteur de l'académie de Bordeaux une déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé en application des articles L. 731-1 et suivants du code de l'éducation. Mais par une décision du 6 octobre 2017 le recteur a refusé de lui délivrer le récépissé de sa déclaration d'ouverture aux motifs que l'objet des enseignements dispensés ne permettait pas d'évaluer le caractère supérieur de la formation et que cette formation ne correspondait pas à un cursus diplômant. Ce refus a été implicitement confirmé sur recours gracieux présenté, par un courrier du 29 mars 2018, par la société IPRASUP. Saisi par cette dernière, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions de refus par un jugement du 9 juillet 2020. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Contrairement à ce que soutient la ministre appelante, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué mentionne dans ses visas tous les moyens soulevés par les demandeurs, ainsi que leurs conclusions et vise les textes dont il a été fait application.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'éducation : " Le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels ". Selon l'article L. 123-3 de ce code : " Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont : / 1° La formation initiale et continue ; (...) / 3° L'orientation et l'insertion professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " L'enseignement supérieur est libre ". Et selon l'article L. 613-2 dudit code : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations (...) préparant à des examens ou des concours ". L'article L. 731-14 du code précise que : " Les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités. Les certificats d'études qu'on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat (...) ". Enfin l'article L. 731-5 du même code prévoit que : " (...) Les établissements d'enseignement supérieur privés doivent préciser sur leurs documents d'inscription les formations sanctionnées par un diplôme qui fait l'objet d'une reconnaissance par l'Etat ". Il résulte de ces dispositions que les établissements d'enseignement supérieur privés ne délivrent pas nécessairement de diplôme aux étudiants mais que si tel est le cas ils doivent informer les étudiants de la reconnaissance ou non de ce diplôme par l'Etat.
6. D'autre part, les articles L. 731-1 à L. 731-18 du code de l'éducation régissent les conditions d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé. Aux termes de l'article L. 731-1 de ce code : " Tout Français (...) ainsi que les associations formées légalement dans un dessein d'enseignement supérieur, peuvent ouvrir librement des cours et des établissements d'enseignement supérieur, aux seules conditions prescrites par le présent titre (...) ". L'article L. 732-2 du même code précise que : " Les associations formées pour créer et entretenir des cours ou établissements d'enseignement supérieur doivent établir une déclaration indiquant les noms, professions et domiciles des fondateurs et administrateurs desdites associations, le lieu de leurs réunions et les statuts qui doivent les régir. / Cette déclaration doit être faite : 1° Au recteur ; 2° Au représentant de l'Etat dans le département ; 3° Au procureur général de la cour du ressort ou au procureur de la République (...) ". Selon l'article L. 731-3 de ce code : " L'ouverture de chaque cours doit être précédée d'une déclaration signée par l'auteur de ce cours. / Cette déclaration indique les nom, qualité et domicile du déclarant, les locaux où seront faits les cours, et l'objet ou les divers objets de l'enseignement qui y sera donné. / Elle est remise au recteur dans les départements où est établi le chef-lieu de l'académie, et à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans les autres départements. Il en est donné immédiatement récépissé. / L'ouverture du cours ne peut avoir lieu que dix jours francs après la délivrance du récépissé (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans l'académie doit, sans délai, donner récépissé aux déclarations d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur, à condition que ces demandes entrent dans le champ d'application des articles
L. 731-1 à L. 731-4 du code de l'éducation.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement IPRASUP délivre un enseignement destiné aux étudiants en droit, notamment de l'université de Bordeaux, dans les différentes branches de la matière juridique (droit civil, droit des obligations, droit constitutionnel, droit administratif, droit des affaires, droit de l'union européenne) et couvrant le programme universitaire de licence et de master à raison de deux heures hebdomadaires par matière. D'une part, si la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation fait valoir que l'établissement IPRASUP ne relèverait pas de l'enseignement supérieur mais constituerait un établissement de soutien pédagogique complémentaire des cours dispensés à l'université, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'établissement accueille des étudiants, notamment se préparant aux examens et concours de la faculté de droit et aux instituts d'étude politiques. D'autre part, contrairement à ce que soutient la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, la circonstance que l'établissement ne délivre pas de diplôme n'est pas de nature à lui ôter la qualité d'établissement d'enseignement supérieur dès lors que les dispositions citées au point 5 ne l'exigent pas. Par suite, l'établissement doit être regardé comme dispensant une formation postsecondaire, préparant les étudiants à des examens ou des concours, conformément aux dispositions citées au point 5. C'est donc à bon droit que les juges de première instance ont décidé que le motif de refus opposé par le recteur à la demande de délivrance du récépissé par IPRASUP était erroné et l'ont censuré.
8. Enfin, il n'est pas contesté que la société IPRASUP a déposé une déclaration dans les formes et selon les règles prévues par les articles L. 731-1 à L. 731-18 du code de l'éducation précités pour ouvrir un établissement ayant la qualité d'établissement d'enseignement supérieur privé. Les motifs opposés par le recteur pour refuser de délivrer à cette société le récépissé de sa déclaration d'ouverture n'étant pas au nombre de ceux, limitativement énumérés par ces mêmes dispositions, qui peuvent être invoqués par l'autorité administrative, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions contestées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 octobre 2017 et la décision implicite de rejet par lesquelles le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de délivrer à la société IPRASUP, pour son établissement, le récépissé prévu par les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'éducation.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qu'il versera à la société IPRASUP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société IPRASUP la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la société IPRASUP.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.
La rapporteure,
Fabienne B... La présidente,
Marianne HardyLa greffière,
Marion Azam-Marche
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03622