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04/10/2022 | FRANCE | N°20BX04004

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 octobre 2022, 20BX04004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge, pour un montant total de 215 600 euros, au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801758 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M.

C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge, pour un montant total de 215 600 euros, au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801758 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, M. C..., représenté par Me Moreu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge, pour un montant total de 215 600 euros, au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a bénéficié d'aucune rémunération ou avantage occulte ; s'agissant des écarts allégués par l'administration entre les bordereaux d'achats et les livres de caisses et agendas, la société Gold Cash Market n'a pas été en mesure de produire devant le service vérificateur les pièces communiquées saisies par l'administration des douanes ; la preuve des dépenses comptabilisées est établie par les décaissements figurant sur les relevés de compte et il n'est pas établi par le service que la société aurait vendu des biens qui n'auraient pas été régulièrement acquis et comptabilisés ; la vente à M. A... pour un montant de 9 938,05 euros payé en quatre versements, a été régulièrement comptabilisée ; la vente de 43 811,63 euros auprès du client Comptoir de l'or a été également régulièrement comptabilisée au grand livre et l'encaissement de cette somme figure bien dans les relevés de compte produits par la société Gold Cash Market ; le local situé à Rivedoux-Plage, a été le siège social de la société jusqu'en novembre 2011 et est devenu, à compter du transfert de ce siège à La Rochelle au mois de novembre suivant, le siège de la direction de l'établissement ;

- les revenus dits d'origine indéterminée correspondant à des ventes privées de biens d'occasion, ne sont pas imposables, ou seulement à hauteur des plus-values réalisées ;

- eu égard aux éléments qui précèdent, il n'y a pas lieu de faire application de la pénalité de 40 % prévue en cas de manquement délibéré, ni de celle de 80 % prévue en cas de manœuvre frauduleuse.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le requérant se borne à reprendre ses écritures de première instance ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C... est président et actionnaire à 70 % de la société Gold Cash Market, société par actions simplifiée exerçant sous l'enseigne " Le comptoir national de l'or " une activité d'achat-revente de métaux précieux depuis le mois de janvier 2011, dans trois établissements situés à La Rochelle depuis sa création, à Royan depuis le 20 décembre 2011 et à Rochefort depuis le 6 août 2011. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et M. C..., de façon parallèle, d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle concernant les revenus des années 2011, 2012 et 2013. Le 31 janvier 2016, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été mises en recouvrement pour un montant total de 246 083 euros, réduit à la somme de 215 600 euros à la suite de dégrèvements partiels. M. C... interjette appel du jugement du 10 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rémunérations et avantages occultes :

2. En premier lieu, en application de l'article 12 du code général des impôts, l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre des deux procédures de contrôle, le service a relevé que, le 15 décembre 2011, la société Gold Cash Market avait établi, au nom de la même bénéficiaire, Mme B..., deux bordereaux de vente portant le même numéro 106, concernant la même opération, à savoir l'achat par la société d'un lingot d'or. Le premier des bordereaux faisait apparaitre que le montant de l'achat s'élevait à 33 605,22 euros, payé par chèque, tandis que l'autre bordereau indiquait un montant de zéro euro. L'administration a estimé que M. C... avait conservé à titre personnel le lingot acquis par la société. Ainsi que le tribunal l'a relevé, selon les affirmations de l'administration, M. C... a reconnu par deux fois avoir conservé personnellement le lingot acheté par la société, d'abord au cours de l'entretien avec le vérificateur le 17 décembre 2014, puis au cours de l'entretien avec la contrôleuse de la 15ème brigade de vérifications de la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest le 25 juin 2015, en présence de son conseil. M. C..., qui conteste, dans ses écritures, avoir fait de telles déclarations, n'apporte toutefois aucune explication pertinente sur les conditions dans lesquelles auraient été réalisées les opérations relatives à ce lingot alors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'une personne autre que lui aurait eu la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et aurait pu contrôler la disposition de ses biens. Dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit considérer que M. C... était bénéficiaire de distributions à raison de l'appréhension d'un lingot acheté par la société.

4. En deuxième lieu, il est loisible à l'employeur d'assurer la prise en charge du logement d'un salarié ou d'un dirigeant, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif. Cet avantage a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.

5. L'administration a considéré que les charges locatives correspondant à la maison située à Rivedoux-Plage, résidence personnelle du dirigeant de la société de M. C..., supportées par la société Gold Cash Market, avaient pour la société le caractère d'un acte anormal de gestion et que ces charges avaient été exposées dans l'intérêt personnel de M. C.... Il résulte de l'instruction que le bâtiment est composé, au rez-de-chaussée, d'une entrée, de trois chambres, d'une salle de bain, de toilettes et d'un cellier, et, à l'étage, d'une salle de séjour avec cheminée et d'une cuisine dite américaine. Il résulte encore de l'instruction que cette maison est la résidence principale de M. C... depuis 2010, avant la création de la société Gold Cash Market, et de celle, à la même date, de son établissement principal à La Rochelle. Si M. C... fait valoir que le siège social de la société s'est trouvé dans cette maison, à compter de sa création le 4 janvier 2011 jusqu'au 28 novembre 2011, date à laquelle il a été transféré vers son établissement principal à La Rochelle et que la maison est, depuis cette date, un établissement secondaire de la société, il n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'une quelconque activité professionnelle y serait exercée et il a d'ailleurs reconnu n'en pratiquer aucune à cet endroit. Si, par ailleurs, la prise en charge de ce loyer constitue un avantage en nature pour son bénéficiaire, cette prise en charge n'a pas été, ainsi que l'exigent les prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrite explicitement comme telle en comptabilité par la société. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a imposé cet avantage consenti à M. C... au titre de l'impôt sur les revenus des années 2011, 2012 et 2013, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le compte bancaire de M. C... a été crédité de 39 316 euros le 19 décembre 2012 et de 40 000 euros le 21 décembre 2012. Il résulte encore de l'instruction que M. C... a reconnu, lors de l'entretien avec la contrôleuse de la 15ème brigade de vérifications de la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest le 25 juin 2015, que ces sommes correspondaient à la vente à titre personnel de deux lingots d'or achetés par la société Gold Cash Market. Dès lors, en l'absence de tout élément de nature à mettre en doute ces crédits ou à justifier de leur cause, c'est à bon droit que ces sommes ont été imposées à l'impôt sur le revenu du requérant, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

7. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article L. 192 du même livre : " (...) La charge de la preuve (...) incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ".

8. Il résulte de l'instruction que l'examen des relevés bancaires de M. C... pour les années 2012 et 2013 a fait apparaître des crédits bancaires représentant plus du double des revenus déclarés par le foyer fiscal. La demande d'éclaircissement sur l'origine et la nature des sommes de 68 309 euros pour 2012 et 77 117 euros pour 2013, notifiée le 20 février 2015, est restée sans réponse. A la suite de la mise en recouvrement des suppléments d'impôt correspondants, M. C... a produit des justificatifs, qui ont permis de ramener le montant imposable de ces revenus à 67 169 euros pour l'année 2012, et à 57 606 euros pour l'année 2013. Si M. C... soutient que les sommes restant imposées ne sont pas imposables dès lors qu'elles proviennent de la vente d'un scooter, d'une voiture et de montres de collection, comme l'a relevé le tribunal, il ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément suffisamment précis tels que le nom de l'acquéreur, le prix de cession ou la date de l'opération, permettant d'étayer ses affirmations. Dès lors, c'est à bon droit que le service a soumis ces sommes à l'impôt sur le revenu, au titre des revenus d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux pénalités en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré ; /b. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...).

10. Pour justifier l'application de la majoration pour manœuvres frauduleuses, s'agissant de l'acquisition en 2011 d'un lingot d'or, l'administration se fonde sur la circonstance que cette vente a généré deux bordereaux de vente et, ainsi, révélé une double facturation. L'existence de deux bordereaux d'achat pour une seule et même opération traduit de la part de M. Rabier, président de la société Gold Cash Market, l'utilisation d'un procédé ayant pour but de dissimuler la matière imposable, constitutif de manœuvres frauduleuses. Dans ces conditions, l'administration justifie l'application de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

11. S'agissant de l'application de la majoration pour manquement délibéré aux autres chefs de redressement, l'importance et la nature des sommes dissimulées, dont le contribuable ne pouvait ignorer le caractère imposable, ainsi que, s'agissant des revenus d'origine indéterminée, l'absence de réponse aux demandes d'éclaircissement de l'administration fiscale et l'absence de tout début de justification de l'origine des crédits bancaires imposés, traduisent la volonté du contribuable d'éluder une partie de l'impôt et justifient l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information au directeur spécialisé du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Claire D...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04004
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MOREU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;20bx04004 ?
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