Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2105459 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, M. A... C..., représenté par Me Kaoula, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Dordogne du 13 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
M. C... soutient que :
- l'arrêté attaqué, pris dans son ensemble, est insuffisamment motivé ;
- il révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il a été édicté en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 631-1 et
L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, le préfet n'établissant pas sa prétendue radicalisation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
n° 2022/005794 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant pakistanais né le 8 janvier 2003, est entré en France le 10 juillet 2017 à l'âge de 14 ans. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance puis a bénéficié, à sa majorité, d'un contrat de jeune majeur conclu avec le même service du 9 janvier au 30 septembre 2021. Titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " délivré le 3 juin 2020 pour une durée d'un an sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a sollicité, le 31 mars 2021, le renouvellement de son droit au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2105459 du 23 février 2022 dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C... au titre de sa vie privée et familiale, le préfet de la Dordogne a relevé que l'intéressé " a opéré un changement radical de comportement en respectant très rigoureusement les principes de l'Islam ", qu' " il peut avoir des positions tranchées et qu'il manque de souplesse et de tolérance sur certains points de la culture française tels que la place de la femme dans la société " et qu' " il ne respecte pas les principes républicains ni les exigences de la vie en société ", et a estimé que " son comportement peut être qualifié de menaçant ".
3. Pour justifier les faits qu'il invoque, le préfet se borne à produire le compte-rendu d'une audition administrative de M. C... le 18 mai 2021 sans préciser dans quel cadre et auprès de quels services cette audition a été menée. Toutefois, aucun propos retranscrit dans ce compte-rendu ne permet d'attester d'un comportement menaçant ou radical de l'intéressé.
M. C... qui, à la date de l'arrêté attaqué, était inscrit dans un centre de formation d'apprentis pour suivre une formation de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de boulanger, produit une attestation du professeur de français qui l'avait accueilli dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, soulignant que l'intéressé était un élève sérieux, volontaire et qui a toujours respecté les personnes et les règles, dont celle de la laïcité, au sein de l'établissement. Dans ces conditions, à supposer que le préfet de la Dordogne ait entendu faire application des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les faits mentionnés dans son arrêté, qui ne sont corroborés par aucune autre pièce du dossier, ne permettent pas d'établir que la présence en France de M. C... constituerait une menace pour l'ordre public justifiant le refus de renouvellement de son titre de séjour. Ainsi, la décision attaquée de refus de séjour repose sur des faits matériellement inexacts.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, il est fondé à en demander l'annulation ainsi que celle de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 13 juillet 2021, en toutes ses dispositions.
Sur les frais d'instance :
5. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kaoula, sous réserve de son renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105459 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2022 et l'arrêté du 13 juillet 2021, par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Kaoula, avocat de M. C..., la somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Kaoula et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
M. Anthony Duplan premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.
Le rapporteur,
Anthony B...
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01349