Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par un arrêt avant dire droit n° 20BX02676 du 7 juillet 2022, la cour, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la requête de M. D... A... jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois imparti à M. A... et à la commune de Bordeaux pour justifier d'une mesure de régularisation du vice entachant le permis de construire qui lui a été délivré le 6 octobre 2017 par le maire de Bordeaux pour des travaux d'extension et de surélévation d'une maison d'habitation située au n°23 rue Cadroin à Bordeaux.
Les pièces du dossier de la demande de permis de démolir et le permis de démolir du 11 octobre 2022, portant régularisation du permis de construire, ont été communiqués à la cour par M. A... les 28 septembre 2022 et 20 octobre 2022.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Manetti, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté de permis de démolir du 11 octobre 2022 et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bordeaux et de M. A..., chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le permis de démolir, dont les démolitions déclarées ne correspondent pas aux démolitions effectivement opérées, est entaché de fraude et ne peut légalement régulariser le permis de construire attaqué ;
- compte tenu de l'ampleur des démolitions opérées sur des éléments de gros œuvre de la construction initiale, les travaux ne peuvent être regardés comme étant effectués sur une construction existante mais doivent être regardés comme une construction nouvelle soumise aux règles du PLU 3.1 relatif aux constructions nouvelles.
Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Achou-Lepage,conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Il soutient que :
- les travaux entrepris sont soumis, en application de l'article 2.1.5 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme, aux règles applicables aux constructions existantes ;
- les photographies des travaux en cours ne démontrent pas la réalité des travaux de démolition supplémentaires qui n'auraient pas été déclarés ;
- aucune autorisation de démolir n'était requise pour la dépose du plafond briquette situé à l'intérieur de la construction et qualifié de plancher des combles par Mme B... ; le salivage constituant le premier étage a été strictement conservé, et l'échafaudage a été installé entre le plancher existant et la façade brique qui a été avancée de 90 centimètres ; la façade sur rue n'a pas été démolie mais seulement modifiée ; en tout état de cause, l'exécution des travaux est sans incidence sur la légalité du permis de démolir ;
- le permis de démolir, qui est exempt de tout illégalité, régularise le permis initial.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- les observations de Me Achou-Lepage, représentant M. A..., de Me Berard, représentant la commune de Bordeaux, et de Me Gournay, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., propriétaire d'une maison d'habitation située 23 rue Cadroin à Bordeaux, a déposé, le 11 juillet 2017, une demande de permis de construire en vue de l'extension et de la surélévation d'une construction existante. Par un arrêté du 6 octobre 2017, le maire de Bordeaux a accordé le permis de construire sollicité. Saisi par Mme B..., propriétaire voisine du projet, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté. M. A... ainsi que la commune de Bordeaux relèvent appel de ce jugement
2. Par un arrêt avant-dire droit du 7 juillet 2022, la cour, après avoir écarté les autres moyens invoqués à l'encontre du permis de construire, a retenu comme fondé le moyen tiré de l'absence, au dossier de demande de permis de construire, d'une demande de permis de démolir en méconnaissance des articles R. 421-27 et R. 431-21 du code de l'urbanisme. En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois pour permettre à M. A... et à la commune de Bordeaux de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.
3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ". Il appartient au juge d'appel, lorsqu'il a sursis à statuer en application de ces dispositions, de se prononcer directement sur la légalité du permis de construire modificatif délivré à fin de régularisation.
4. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
5. L'article L. 451-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition ". Aux termes de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction située dans une commune ou une partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instituer le permis de démolir ". Selon l'article R. 431-21 du même code : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement ".
6. En premier lieu, postérieurement à l'arrêt du 7 juillet 2022, un permis de démolir a été délivré le 11 octobre 2022 à M. A.... Eu égard à ce qui a été dit au point 4, les moyens tirés de ce que les démolitions déclarées ne correspondraient pas aux démolitions effectivement réalisées et de ce que l'ampleur des travaux révèlerait une construction nouvelle au sens du plan local d'urbanisme, qui ne se fondent sur aucun élément nouveau révélé par la procédure de régularisation, doivent être écartés dès lors que la cour y a déjà répondu au point 14 de son arrêt avant dire droit du 7 juillet 2022.
7. En deuxième lieu, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.
8. En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme B..., le dossier de permis de démolir ne peut être regardé comme comportant une ambigüité s'agissant du plancher des combles dès lors que seuls les planchers du rez-de-chaussée et du premier étage sont mentionnés comme conservés sur les plans de coupe. Il ne ressort pas davantage des photographies produites que le pétitionnaire aurait procédé de manière illégale à la démolition du plancher du premier étage et d'une partie de la façade sur rue qui étaient mentionnés comme conservés dans le dossier de permis de démolir. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le pétitionnaire aurait procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à induire en erreur le service instructeur sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme que Mme B... au demeurant ne précise pas.
9. Par suite, le vice tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 421-27 et R. 431-21 du code de l'urbanisme a été régularisé.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le permis de construire du 6 octobre 2017, qui a été régularisé par l'arrêté du 11 octobre 2022, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juin 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation du permis de construire du 6 octobre 2017, ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... B... et à la commune de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
La rapporteure,
Birsen F...La présidente,
Marianne HardyLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20BX02676