Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Messanges Environnement a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le maire de Messanges a délivré à M. B... C... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AH n° 323 située 2053 route de la Côte d'Argent.
Par un jugement n°1802363 du 3 février 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars, 16 novembre et 23 décembre 2021, la commune de Messanges, représentée par Me Anceret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de l'association Messanges Environnement le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'association Messanges Environnement justifiait d'un intérêt sûr donnant qualité pour agir ;
- le terrain d'assiette du projet, qui comportait un bâti existant, est entouré de parcelles déjà construites et est desservi par un chemin de servitude existant depuis la route des Lacs, principal axe de circulation, ainsi que par les réseaux publics ; à proximité du terrain d'assiette du projet, se trouvent plusieurs équipements collectifs privés : le quartier de La Prade accueille un nombre de constructions qui ne peuvent être qualifiées d'habitations diffuses ; le plan d'occupation des sols en vigueur à la date de la décision contestée permettait la construction de nouvelles habitations ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet ne méconnait pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le permis contesté est régularisable en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel qu'issu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite ELAN dès lors que le projet consiste à urbaniser une " dent creuse " ; c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par deux mémoires, enregistrés les 21 septembre 2021 et 31 janvier 2022 (ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué), l'association Messanges Environnement, représentée par Me Cofflard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens développés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A... ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bonnet, représentant la commune de Messanges.
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 septembre 2018, le maire de Messanges a délivré à M. B... C... un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AH n° 34p, devenue AH 323, située 2053 route de la Côte d'Argent. L'association Messanges Environnement a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Pau. La commune de Messanges relève appel du jugement du 3 février 2021 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 3 des statuts de l'association Messanges Environnement : " L'association a pour objet : de représenter ses adhérents et mener toute action de préservation ou promotion (sur tout le territoire communal) de l'environnement, et de la qualité de vie de ses membres résidents à Messanges ; ces actions portent sur : - les espaces naturels, leurs paysages, leur faune et leur flore, - le type d'habitat, son architecture et son esthétique en harmonie avec son environnement, - les infrastructures adaptées à la sécurité et aux besoins des résidents, ou la protection de la qualité de vie des effets des activités humaines, qui sont les critères majeurs du choix des membres de l'association de résider à Messanges ".
3. Il résulte de ces stipulations que l'association ne s'est pas donné seulement pour objet de défendre le cadre de vie de ses membres résidant sur le territoire de Messanges, de sorte que son intérêt à agir serait exclusivement subordonné à celui des personnes physiques la composant, mais aussi celui de " mener toute action de préservation ou promotion (sur tout le territoire communal) de l'environnement ". Par suite, l'arrêté par lequel le maire de Messanges accorde un permis de construire permettant la réalisation d'une maison individuelle sur une parcelle boisée dépourvue de toute construction, située à proximité d'une zone Natura 2000, susceptible de porter atteinte à l'environnement, est au nombre des décisions que l'association est recevable à contester devant le juge administratif.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
4. Eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu par les articles L. 131-1, L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme entre les documents d'urbanisme qu'ils mentionnent et entre ces documents et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 121-1 et suivants de ce code.
5. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que le plan local d'urbanisme d'une commune littorale peut prévoir l'extension de l'urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en délimitant une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Toutefois, l'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale, aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AH n° 323, terrain d'assiette du projet en litige, est entièrement boisée, dépourvue de toute construction et s'ouvre sur un vaste espace naturel au nord et à l'ouest. Cette parcelle se situe à deux kilomètres du bourg de Messanges et si des constructions sont implantées à l'est et au sud, elles ne présentent pas un nombre et une densité suffisants permettant de regarder ce secteur comme une agglomération ou un village existant. En outre, ni la desserte du terrain d'assiette du projet par un chemin de servitude existant depuis la route des Lacs, principal axe de circulation, ainsi que par les réseaux publics, ni la présence d'équipements collectifs privés à proximité ne suffisent à caractériser l'existence d'un village ou d'une agglomération au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Enfin, la circonstance que le plan d'occupation des sols aurait classé la parcelle en litige en zone NB autorisant les constructions est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Ainsi, le projet ne peut être regardé comme devant s'implanter en continuité avec une agglomération ou un village existant. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
8. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la cour statue : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) : " (...) II. Il peut être recouru, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites : / 1° A la procédure de modification simplifiée prévue aux articles L. 143-37 à L. 143-39 du code de l'urbanisme, afin de modifier le contenu du schéma de cohérence territoriale pour la mise en œuvre de la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 121-3 du même code ou du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 dudit code, et à condition que cette procédure ait été engagée avant le 31 décembre 2021 ; / 2° A la procédure de modification simplifiée prévue aux articles L. 153-45 à L. 153-48 du même code, afin de modifier le contenu du plan local d'urbanisme pour la mise en œuvre du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 dudit code, et à condition que cette procédure ait été engagée avant le 31 décembre 2021. III.-Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que dans le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud, approuvé le 4 mars 2014, le projet se situe en dehors des agglomérations et villages et que le plan local d'urbanisme intercommunal, tel qu'issu de la première modification simplifiée du 6 mai 2021 classe la parcelle AH 323 en zone naturelle. Par ailleurs, si le schéma de cohérence territoriale est en cours de modification, il résulte de l'instruction que ce document n'est pas en vigueur à la date à laquelle la cour statue et au demeurant, il résulte de la notice de présentation de la modification simplifiée n° 1 que seul le secteur du quartier de Caliot à Messanges a été identifié comme un secteur déjà urbanisé. Par suite, et dès lors que le terrain d'assiette du projet constitue un espace d'urbanisation diffuse et qu'en tout état de cause, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 ne s'applique pas au-delà du 31 décembre 2021, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut être régularisé et il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Messanges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 6 septembre 2018.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Messanges le versement à l'association Messanges Environnement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Messanges Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Messanges au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la commune de Messanges est rejetée.
Article 2 : La commune de Messanges versera à l'association Messanges Environnement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Messanges, à l'association Messanges Environnement et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
La rapporteure,
Nathalie A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01279 2