Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2102324 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 mars 2022 et le 30 décembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Gand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 31 mars 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé, et la préfète n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, ses trois enfants sont de nationalité française et disposent de ressources suffisantes pour l'aider financièrement ; elle vit sur le territoire français avec sa mère, à laquelle elle apporte un soutien quotidien indispensable ; elle n'a plus aucun lien au Maroc ; elle est investie dans deux associations à Poitiers ; elle rencontre en outre des problèmes de santé nécessitant un suivi régulier par son médecin traitant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de Mme A... B... ne sont pas fondés.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 3 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 3 février 1963, entrée sur le territoire français au mois de novembre 2019, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par un arrêté du 31 mars 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... B... relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2021.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté du 31 mars 2021 vise les textes applicables, fait état de la situation administrative de Mme A... B... et de l'ensemble des pièces produites à l'appui de sa demande, et mentionne qu'en dépit de la présence en France de ses trois fils, son frère, sa sœur, ses neveux et ses nièces, elle ne démontre pas avoir tissé des liens personnels et familiaux particulièrement intenses ni être insérée dans la société française. Ainsi, la décision de refus de titre en litige énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par ailleurs, les circonstances que la préfète n'a pas mentionné qu'elle a appelé les services préfectoraux dès le 18 novembre 2019 pour obtenir un rendez-vous et qu'elle a vécu en France entre 1985 et 1989, et a indiqué qu'elle était divorcée de son époux alors qu'elle en est seulement séparée ne sont pas de nature à révéler, dans les circonstances de l'espèce, un défaut d'examen de sa situation personnelle, alors que ces éléments n'auraient au demeurant eu aucune influence sur le sens de la décision en litige. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... B... doivent être écartés.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
4. Mme A... B... est entrée récemment sur le territoire français au mois de novembre 2019, sous couvert d'un visa de court séjour. Si elle fait valoir que ses trois fils majeurs sont de nationalité française et que sa mère, sa sœur et ses neveux et nièces vivent en France, elle a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc, éloignée des membres de sa famille et ne produit pas d'éléments permettant d'attester de liens particulièrement intenses avec les différents membres de sa famille, hormis sa mère avec laquelle elle vit. Par ailleurs, les deux certificats médicaux versés au dossier, tous deux datés du mois d'octobre 2021, qui sont au demeurant postérieurs à la décision de refus de titre en litige, s'ils indiquent que la présence d'une personne tierce auprès de la mère de l'intéressée est nécessaire à temps complet, de jour comme de nuit, ne permettent pas de conclure que seule Mme A... B... serait à même de la prendre en charge, alors même que son frère présente un handicap physique et que sa sœur travaille et a un fils à charge. En outre, la circonstance qu'elle est adhérente de l'association Toit du monde et du centre d'animation de Beaulieu ne permet pas à elle seule de considérer qu'elle serait particulièrement insérée dans la société française, alors par ailleurs qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait impliquée dans le fonctionnement de ces associations. A cet égard, au regard de son ancienneté, son séjour en France entre 1985 et 1989 ne peut être pris en compte pour apprécier son insertion dans la société française, contrairement à ce que soutient Mme A... B.... Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier du certificat établi le 7 avril 2021 par le médecin généraliste de l'intéressée, qu'une absence de traitement de la " polypathologie sévère " dont elle souffre, entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'un traitement ne serait pas disponible au Maroc. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, Mme A... B... ne peut être regardée comme ayant fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, notamment en l'absence de liens suffisamment anciens ou stables, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans. Ainsi, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante au regard des buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celle de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A... B... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète doivent être écartés.
Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre des décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
La rapporteure,
Charlotte C...La présidente,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00874 2