Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
A... F... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2100730 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, A... B..., représentée par Me Ali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 18 janvier 2021 ne lui a pas été régulièrement notifié lors de sa présentation au guichet le 6 avril 2021 dès lors qu'il ne lui a pas été remis en main propre contre signature ;
- par ailleurs, cet arrêté lui a été envoyé à son ancienne adresse, alors que l'administration était valablement informée de son changement de résidence ;
- elle a contesté l'arrêté litigieux dans un délai raisonnable ;
- cet arrêté n'est pas suffisamment motivé dès lors que le préfet ne démontre pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de son enfant par un ressortissant français ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; en effet, elle vit à La Réunion avec sa fille française ; ses trois autres enfants, avec lesquels elle entretient des liens forts et sur lesquels elle exerce toujours l'autorité parentale, y résident avec leur père ; elle s'occupe de son fils aîné et l'accompagne régulièrement à ses rendez-vous médicaux ; elle a travaillé en tant qu'hôtesse de caisse pendant la crise sanitaire ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors que le dernier alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ne lui était pas opposable, sa demande de titre de séjour ayant été formulée avant le 1er mars 2019 ;
- le préfet n'établit pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de sa fille née le 29 septembre 2011 par un ressortissant de nationalité française.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2022, le préfet de la Réunion conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de A... B... enregistrée au greffe du tribunal administratif de La Réunion était irrecevable dès lors qu'elle a eu connaissance de l'arrêté litigieux, qui mentionnait les voies et délais de recours, le 6 avril 2021 ;
- les moyens de A... B... ne sont pas fondés.
A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 7 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de A... D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A... B..., ressortissante comorienne née le 31 mars 1984, entrée à La Réunion au mois de février 2017, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 6° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 18 janvier 2021, le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. A... B... relève appel du jugement du 12 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de La Réunion a rejeté comme irrecevable la demande présentée par A... B... au motif que cette demande, enregistrée au greffe du tribunal le 15 juin 2021, était tardive. Toutefois, s'il est constant que la requérante a eu connaissance de l'existence de l'arrêté du 18 janvier 2021 lors de sa présentation au guichet de la préfecture le 6 avril 2021, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet arrêté, qui comportait la mention des voies et délais de recours, lui aurait effectivement été remis à cette date, ni qu'elle aurait été informée des voies et délais de recours ouverts à son encontre. Ainsi, le délai de recours contentieux n'a pu commencer à courir à compter du 6 avril 2021, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Par suite, alors que la demande de A... B... a été présentée dans le délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la décision attaquée, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement du 12 janvier 2022 doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par A... B... devant le tribunal administratif de La Réunion.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé du fils aîné E... A... B..., né en 2010, nécessite une prise en charge médicale sur le territoire français, ainsi qu'en atteste l'avis émis le 13 mai 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que les soins doivent être poursuivis " en l'état " pour une durée de 24 mois. Le préfet n'a toutefois pas pris en compte cet élément pour apprécier si la décision de refus de titre était susceptible de porter atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressée dès lors qu'il a indiqué dans l'arrêté attaqué que la cellule familiale de A... B... avec ses enfants avait vocation à se reformer dans son pays d'origine. Par suite, le préfet, qui avait connaissance de l'état de santé du fils de A... B... dès lors qu'il indique lui-même que cette dernière bénéficiait, avant sa demande de titre de séjour en tant que parent d'enfant français, d'une autorisation provisoire de séjour en tant que parent accompagnant d'enfant malade, a entaché l'arrêté attaqué d'un défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par A... B..., que la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 janvier 2021.
Sur l'injonction :
6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que le préfet de La Réunion procède au réexamen de la situation de A... B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de La Réunion de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois suivant la date de notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour. En revanche, n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser au conseil de A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2022 et l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 janvier 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de procéder au réexamen de la situation de A... B... dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Ali une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de A... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à A... F... B..., au préfet de La Réunion, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Mihidoiri Ali.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
A... Christelle Brouard-Lucas, présidente,
A... Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
A... Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
La rapporteure,
Charlotte C...La présidente,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX01646 2