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23/02/2023 | FRANCE | N°21BX00510

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2023, 21BX00510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Biarritz a constaté la désaffectation des locaux et du terrain de l'école maternelle d'Alsace situés sur la parcelle cadastrée section AB n° 210 et a prononcé le déclassement de cette parcelle du domaine public et son intégration dans le domaine privé de la commune.

M. et Mme A... ont également demandé au tribunal administratif

de Pau d'annuler la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Biarritz a constaté la désaffectation des locaux et du terrain de l'école maternelle d'Alsace situés sur la parcelle cadastrée section AB n° 210 et a prononcé le déclassement de cette parcelle du domaine public et son intégration dans le domaine privé de la commune.

M. et Mme A... ont également demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal de Biarritz a décidé de céder la parcelle cadastrée section AB n° 210 au groupe Pichet au prix de 3 150 000 euros.

Par un jugement n° 1901343, 1901346 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, M. et Mme A..., représentés par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les délibérations du conseil municipal de Biarritz du 8 février 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Biarritz la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la délibération portant désaffectation et déclassement :

- cette délibération ne justifie pas de l'intérêt général de la procédure de déclassement ;

- à défaut d'un tel motif d'intérêt général, la délibération doit être regardée comme entachée d'un détournement de pouvoir ; la décision de vente du terrain par la commune est intervenue avant le transfert des élèves et la libération des locaux ; cette délibération a donc pour objet de régulariser une désaffectation de fait irrégulière et a pour seule finalité la vente de cette parcelle à un groupe immobilier ;

En ce qui concerne la délibération portant sur la cession de l'immeuble :

- les élus n'ont pas reçu une information suffisante dès lors qu'ils n'ont pas été informés du montant des offres mieux-disantes ; ils n'ont ainsi pas pu délibérer en toute connaissance de cause ;

- la délibération est entachée d'une erreur d'appréciation quant au prix de vente, le service des domaines ayant estimé cette parcelle à 3 630 000 euros ; l'offre d'achat du groupe Pichet n'était arrivée qu'en troisième position ; le prix de cession est manifestement inférieur à la valeur vénale du bien ;

- cette délibération est entachée d'un détournement de pouvoir, et avait pour seul but de satisfaire aux intérêts privés du groupe Pichet.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la commune de Biarritz, représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Caparros, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 2 du 8 février 2019, le conseil municipal de Biarritz a constaté la désaffectation du terrain de l'école maternelle d'Alsace situé 14 rue de l'Alsace et cadastré section AB n° 210 et a prononcé son déclassement du domaine public en vue de sa vente. Par une délibération n° 20 du même jour, le conseil municipal de Biarritz a décidé de céder la parcelle cadastrée section AB n° 210 au groupe Pichet au prix de 3 150 000 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces délibérations.

Sur la légalité de la délibération du 8 février 2019 portant désaffectation et déclassement du domaine public :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".

3. La parcelle cadastrée section AB n° 210, qui était affectée au service public de l'éducation et accueillait une école maternelle, a été désaffectée à la suite du transfert des élèves vers un groupe scolaire voisin, la commune ayant constaté que son patrimoine scolaire était trop étendu au regard de la baisse des effectifs et souhaitant mutualiser les infrastructures scolaires afin d'optimiser son patrimoine. Il ressort des pièces du dossier que cette parcelle a été déclassée du domaine public en vue de sa vente pour la réalisation par une personne privée d'un programme immobilier comprenant au moins 30 % de logements sociaux. Le déclassement décidé par la délibération litigieuse répond donc à un motif d'intérêt général. Par ailleurs, aucun texte ni principe n'impose qu'une décision de déclassement du domaine public d'un terrain, qui n'a pas le caractère d'une décision individuelle, soit motivée. En tout état de cause, la délibération litigieuse indique que le regroupement des écoles répond à la baisse des effectifs scolaires constatée à Biarritz, vise une précédente délibération du 5 avril 2018, laquelle évoquait " le projet de développement territorial " de la commune par la vente de la parcelle en vue de produire des logements sociaux, et mentionne l'appel à candidature lancé dans le cadre du projet de développement territorial afin de " contribuer à une mixité sociale et harmonieuse ". Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération n° 2 du 8 février 2019 n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne le motif d'intérêt général justifiant le déclassement doit être écarté.

4. En second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, le déclassement de la parcelle décidé par la délibération en litige répond à un motif d'intérêt général correspondant à la création de logements sociaux. Par ailleurs, la commune n'avait pas à justifier de ce qu'il était impossible de conserver l'affectation de cet immeuble à un service public ou à l'usage du public, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A.... Enfin, la vente de cette parcelle, qui a été décidée par une délibération du même jour, n'est pas intervenue préalablement à la désaffectation du terrain dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les élèves de l'école maternelle d'Alsace ont été transférés vers le groupe scolaire des Termes Salins à la rentrée scolaire du 7 janvier 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération n° 2 du 8 février 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

Sur la légalité de la délibération du 8 février 2019 décidant la vente de la parcelle cadastrée section AB n° 210 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que les membres du conseil municipal doivent bénéficier, en même temps que la convocation, des documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

6. Le courrier du 29 janvier 2019 adressé aux conseillers municipaux indiquait notamment, en ce qui concerne la vente du terrain de l'école d'Alsace, les éléments relatifs à la procédure de mise en concurrence et à l'examen des candidatures, ainsi que les critères au regard desquels l'offre du groupe Pichet a été retenue et décrivait le projet. Cette note de synthèse mentionnait également de manière explicite, après avoir précisé le prix moyen des propositions, que l'offre de ce groupe constituait la troisième offre la plus élevée sur les quinze offres reçues. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., cette note exposait les raisons pour lesquels il était proposé de passer outre l'avis du service des domaines quant à la valeur du terrain. Enfin, il y était exposé les motifs justifiant la cession, à savoir la production d'un minimum de 30 % de logements locatifs sociaux afin de contribuer à " une mixité sociale équilibrée et harmonieuse ". Au regard de ces éléments, dès lors que les raisons ayant conduit à retenir l'offre du groupe Pichet étaient suffisamment exposées, les membres du conseil municipal ont été mis à même d'appréhender le contexte et les motifs de la mesure envisagée et d'en comprendre les implications, alors même que le montant des deux offres plus élevées que celles du groupe Pichet n'était pas mentionné et que les productions en logements sociaux de chaque candidat n'étaient pas précisées. Enfin, en indiquant que le bénéficiaire de la vente serait le " groupe Pichet ", cette note a apporté aux élus une information suffisante concernant l'identité de l'acheteur. Par suite, le moyen tiré de ce que l'information des élus municipaux n'était pas suffisante doit être écarté.

7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité ". Et aux termes de l'article R. 2241-2 du code général des collectivités territoriales : " L'autorité compétente de l'Etat mentionnée à l'article L. 2241-1 est le directeur départemental des finances publiques ". D'autre part, la cession par une commune d'un terrain à des particuliers pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.

8. Il ressort des pièces du dossier que le service des domaines de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a estimé le 7 janvier 2019 la valeur vénale du terrain d'assiette du projet, selon la méthode du " compte à rebours promoteur ", à 3 630 000 euros pour une surface de plancher de 1 785 mètres carrés dont 30 % de logements sociaux, tandis que la délibération en litige décide la vente de ce bien au groupe Pichet à un prix de 3 150 000 euros. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général correspondant à l'amélioration de l'offre de logements sociaux de la commune, laquelle est actuellement fortement déficitaire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'outre la création d'un minimum de 30 % de logements sociaux sur l'ensemble immobilier envisagé, qui participera à la réalisation des obligations de la commune en matière de dotation en logements sociaux, l'offre du groupe Pichet répondait aux autres critères fixés par le cahier des charges, tels que son insertion architecturale et la conformité au plan local d'urbanisme, lesquels sont indispensables pour la concrétisation de ce projet et la mise en œuvre effective de la production de logements sociaux. Ces contreparties étaient en l'espèce suffisantes pour justifier une différence de prix de seulement 13 % entre le prix de vente et la valeur de la parcelle cadastrée section AB n° 210 telle que fixée par le service des domaines, alors qu'aucune règle, ni aucun principe, n'impose aux collectivités de céder leur domaine privé au mieux-offrant. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du 8 février 2019 serait entaché d'une erreur d'appréciation quant au prix de vente doit être écarté.

9. Enfin, si M. et Mme A... font valoir que le programme issu de la vente du terrain en cause au groupe Pichet prévoit un nombre insuffisant de logements sociaux au regard des besoins de la commune, il ressort notamment de la délibération du 28 juin 2018 que le conseil municipal a décidé de prendre en compte de manière globale la production de logements sociaux sur la parcelle cadastrée section AB n° 210 et une autre parcelle cadastrée section AD n° 196 pour atteindre un objectif de 50 % de création de ce type de logements. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 8, la cession du terrain à un prix inférieur de 13 % à la valeur déterminée par le service des domaines était justifiée. Par suite, alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cession serait intervenue dans le seul but de satisfaire aux intérêts privés du groupe Pichet, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandés.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Biarritz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme 1 500 euros à verser à la commune de Biarritz, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Biarritz une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... A..., à la commune de Biarritz et au groupe Pichet.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

Charlotte B...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00510 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00510
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CAZAMAJOUR et URBANLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-23;21bx00510 ?
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