Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
L'association APPY et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet de la Charente a délivré à la société Eole Res l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Brossac, Bardenac, Saint-Vallier et Yviers.
Par un jugement n° 1801843 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a admis l'intervention de l'association Charente nature et de Mme A... et a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020 et des mémoires enregistrés les 7 février 2022, 14 mars 2022 et 15 avril 2022, l'association APPY et Mme C..., représentées par Me Cadro, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles justifient d'un intérêt à agir ;
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas mis en œuvre l'article R. 612-5 du code de justice administrative relatif à l'acquiescement aux faits ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'étude d'impact est entachée d'insuffisances qui ont nui à l'information du public et ont pu exercer une influence sur le sens de la décision prise ;
- l'étude est lacunaire pour ce qui est du volet acoustique, avec une seule campagne de mesure effectuée et une seule direction de vent étudiée, sur une période peu représentative de l'état sonore initial, et sans analyse de l'effet cumulé avec le fonctionnement de la LGV ; l'autorité environnementale a souligné cette insuffisance ; le tribunal a écarté le moyen en s'appuyant sur une étude complémentaire sur laquelle aucune information n'est apportée et qui ne lève pas toutes les réserves émises ;
- l'étude est également insuffisante en ce qui concerne les effets des travaux de raccordement au poste source sur la biodiversité, en méconnaissance du 2° du II de l'article R. 512-8 du code de l'environnement ; à supposer que l'invocation de ces dispositions soit inopérante comme l'a jugé le tribunal, le pétitionnaire n'était pas dispensé d'analyser ces effets en application du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ; au vu de la jurisprudence invoquée par la société C.E.P.E. Les Lorettes, elle admet néanmoins la position de l'inopérance ;
- l'étude est encore insuffisante sur l'état initial de l'avifaune et notamment sur le circaète Jean-le-Blanc, comme l'a relevé l'autorité environnementale ; le tribunal a écarté le moyen en jugeant l'étude suffisante quant à la nidification mais sans se prononcer sur la délimitation du territoire de chasse ; le tribunal s'est également fondé sur une étude complémentaire de 2015 qui ne traite pas des zones de chasse et n'a pas été intégrée à l'étude d'impact initiale ;
- l'avis de l'autorité environnementale est illégal dès lors qu'il a été rendu sur un dossier entaché de nombreuses lacunes ;
- le parc portera atteinte à la faune, en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il doit s'implanter dans un secteur boisé classé comme très contraint dans le schéma régional éolien, traversé par une zone Natura 2000 et une ZNIEFF de type I ce qui a d'ailleurs motivé l'avis défavorable de l'autorité environnementale ; de nombreux rapaces appartenant à des espèces sensibles à l'éolien sont présents sur le site notamment en période de reproduction ; l'atteinte à l'avifaune concerne notamment le circaète Jean-le-Blanc ; en particulier, le maintien de l'éolienne E1 dans la pinède de la Casse à Paviot supprime un secteur de reproduction voire de nidification du fait du défrichement nécessaire et crée une zone de chasse attractive aux abords immédiats de l'éolienne ; la réalisation du projet entraînera une perte de zone de chasse pour l'espèce ; le busard Saint-Martin niche au droit de l'éolienne E2 et perdra une zone de reproduction ; cette espèce, de même que la bondrée apivore, le busard cendré et le milan noir perdront une zone de chasse préférentielle ; un risque de collision ne peut pas être écarté ;
- en méconnaissance des mêmes dispositions, des atteintes significatives aux chiroptères résulteront également du projet ; l'autorité environnementale a souligné ce risque ; la zone spéciale de conservation Natura 2000 abrite 13 espèces de chiroptères toutes protégées dont certaines très sensibles à l'éolien ; le projet prévoit d'implanter les éoliennes à des distances très inférieures à 200 mètres des haies, qui est la distance préconisée par Eurobats ; de plus, les distances données par l'étude d'impact sont des distances non par rapport aux pales mais par rapport au pied des éoliennes ; les mesures de suivi ne sont des mesures de réduction des atteintes et les mesures de bridage sont insuffisantes comme l'a relevé l'autorité environnementale ;
- en méconnaissance des mêmes dispositions, le projet est de nature à porter atteinte à la commodité du voisinage ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point mais seulement sur l'atteinte aux paysages.
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2020, Mme B... A..., représentée par Me Cadro, déclare intervenir au soutien de la requête et conclut à l'annulation du jugement du 24 septembre 2020 et de l'arrêté du préfet de la Charente du 16 avril 2018.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à intervenir ;
- elle s'associe aux moyens développés par les requérantes.
Par des mémoires enregistrés les 19 mai 2021 et 14 mars 2022, la société C.E.P.E. Les Lorettes, représentée par Me Cambus, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants et intervenants le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable en tant qu'elle émane de Mme C..., qui ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- le moyen relatif à l'insuffisance de l'étude d'impact quant aux travaux de raccordement au poste source est inopérant et, au surplus, non fondé ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 8 février 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement est irrecevable, l'application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative relevant d'un pouvoir propre du juge ; au surplus, il est infondé, un mémoire en défense ayant été produit ;
- les autres moyens invoqués par les requérants sont infondés.
Par ordonnance du 14 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadro, représentant l'association APPY, Mme C... et Mme A..., et de Me Cambus, représentant la société Res.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 avril 2018, sur une demande déposée au mois de septembre 2015, le préfet de la Charente a délivré à la société Eole Res l'autorisation d'exploiter un parc éolien comportant cinq éoliennes d'une hauteur de 165 mètres en bout de pale pour les éoliennes E1, E2 et E5 et 180 mètres en bout de pale pour les éoliennes E3 et E4, et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Brossac, Bardenac, Saint-Vallier et Yviers. L'association APPY et Mme C... font appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral. Par courrier du 6 octobre 2020, la préfète a donné acte d'un changement d'exploitant, l'installation devant être exploitée par la société C.E.P.E. Les Lorettes.
Sur l'intervention de Mme A... :
2. Il résulte de l'instruction que Mme A... réside à Yviers à une distance de plus de 3 km de l'éolienne la plus proche du projet. En l'absence de tout élément permettant d'estimer qu'elle pourrait subir une gêne, notamment visuelle, liée au projet, elle ne peut être regardée comme ayant un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Ainsi, son intervention ne peut être admise.
Sur la recevabilité de la requête :
3. L'association APPY, créée en 2014, a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, la promotion, la préservation de la vocation agricole, environnementale, touristique, culturelle d'Yviers et de ses environs. Elle justifie, au regard de cet objet, d'un intérêt à demander l'annulation de la décision contestée. Aux termes de l'article 13 des statuts, le président dispose du pouvoir d'agir en justice au nom de l'association. La recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de l'association APPY n'est d'ailleurs pas contestée. Dès lors que l'association est recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2018, les conclusions de la requête collective tendant à l'annulation de cet arrêté sont recevables dans leur ensemble, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir de Mme C... qui est contesté.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
5. Les dispositions du code de justice administrative n'imposent pas au tribunal d'adresser une mise en demeure à une partie qui n'a pas produit d'observations ni, par suite, de mettre en œuvre les dispositions de l'article R. 612-6 précité du code de justice administrative. Si le préfet de la Charente n'a pas produit de mémoire en défense devant le tribunal administratif, celui-ci a pu statuer régulièrement sur le litige sans mettre en œuvre ces dispositions. Au demeurant, et alors que la société C.E.P.E. Les Lorettes a produit des écritures en défense devant le tribunal, les requérantes ne font état d'aucun fait auquel le ministre aurait pu être réputé avoir acquiescé. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.
6. Dans leurs écritures de première instance, les requérantes ont invoqué, dans une partie de leurs écritures intitulée " B. L'atteinte aux paysages ", la visibilité du parc depuis l'unité paysagère des collines de Montmoreau et depuis plusieurs monuments inscrits ou classés. Si elles ont aussi, dans cette partie de leurs écritures, souligné la proximité, à moins de 1,5 km, du futur parc avec plusieurs hameaux dont les habitants seraient impactés pour ce qui est de leur cadre de vie, elles n'ont pas invoqué l'atteinte à la commodité du voisinage qui est au nombre des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Le tribunal, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments des parties, a exposé les motifs pour lesquels il a estimé que le projet de parc ne portait pas atteinte aux paysages. Alors qu'il n'avait pas à se prononcer sur la commodité du voisinage, son jugement est suffisamment motivé.
7. Enfin, si les requérantes invoquent une erreur de droit, un tel moyen se rattache au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
Sur le fond :
En ce qui concerne l'étude d'impact :
8. L'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose que : " I. ' Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact (...) II. ' Lorsque ces projets concourent à la réalisation d'un même programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d'ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-1-2. Un programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages est constitué par des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d'ouvrage et constituant une unité fonctionnelle. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 de ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.- L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) VII.- Pour les installations classées pour la protection de l'environnement relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IV de la loi du 13 juin 2006 susmentionnée, le contenu de l'étude d'impact est précisé et complété en tant que de besoin conformément aux articles R. 512-6 et R. 512-8 du présent code et à l'article 9 du décret du 2 novembre 2007 susmentionné ". En application de l'article R. 512-8 du même code, alors applicable, " 2° Les mesures réductrices et compensatoires mentionnées au 7° du II de l'article R. 122-5 font l'objet d'une description (...) du transport des produits fabriqués (...) ".
9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
10. L'étude acoustique contenue dans l'étude d'impact expose la méthodologie suivie, dont il n'est pas contesté qu'elle est conforme à la norme NFS 31 114 prescrite par l'arrêté du 26 août 2011 comme l'a relevé le tribunal, et porte sur 8 points de mesures. Si les requérantes, se référant à l'avis de l'autorité environnementale, critiquent le recours à une seule campagne de mesures et l'étude d'une seule direction de vent, aucune disposition n'impose de procéder à plusieurs campagnes de mesures ni d'étudier systématiquement plusieurs directions de vent et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les choix du pétitionnaire auraient pu conduire à fausser les résultats de l'étude et notamment qu'une direction de vent représentative aurait été négligée. De plus, l'étude a été complétée dans un mémoire en réponse à l'avis de l'autorité environnementale qui a été versé au dossier de l'enquête publique. Un effet directionnel ayant été estimé possible en période nocturne à partir d'une vitesse de 6 m/s, cette note complémentaire analyse deux secteurs directionnels et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce complément serait insuffisant sur ce point. La note du pétitionnaire précise également que les bruits du chantier de la LGV ont été filtrés dès lors que le chantier aura pris fin lorsque le parc sera mis en service et que, selon la norme NFS 31 114, compte tenu notamment du temps de passage d'un train, le bruit de ce passage n'a pas à être retenu au titre des effets cumulés. Aucun élément de l'instruction ne permet de mettre en doute les données exposées sur ce point dans le mémoire du pétitionnaire en réponse à l'avis de l'autorité environnementale. Ainsi, et alors même que cette note n'émane pas d'un bureau d'études extérieur à la société Eole Res, non plus d'ailleurs que l'étude acoustique initiale, et dès lors qu'elle indique la source des données sur lesquelles elle s'appuie, et notamment une modélisation émanant de la SNCF s'agissant du bruit généré par le passage des trains, les données qu'elle comporte quant aux impacts acoustiques du projet permettent d'estimer que les éventuelles insuffisances de l'étude d'impact sur ce point n'ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population et n'ont pas été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative
11. S'agissant de la biodiversité, comme l'a relevé le tribunal, les requérantes s'appuient sur l'avis de l'autorité environnementale qui indique que l'étude d'impact " minimise l'attractivité et l'utilisation des espaces boisés par les oiseaux sur l'aire d'étude rapprochée ". Comme l'a également relevé le tribunal, l'autorité environnementale a effectivement émis ces observations et a relevé de possibles améliorations, mais a également indiqué que les inventaires réalisés " concernent tous les groupes d'espèces " et que " les méthodologies employées sont adaptées aux espèces en présence ". De plus, la critique concernant la minimisation de certains aspects des enjeux ne concerne que la synthèse de l'étude Faune, flore et habitats naturels et non l'étude dans son entier et sur ce point, dès lors que l'autorité environnementale a signalé cette faiblesse de la synthèse, ni le public ni l'autorité administrative compétente n'ont été privées des informations utiles permettant de se reporter aux développements de l'étude autres que la seule synthèse. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les sessions de comptage réalisées en début et en fin de saison de nidification, soit 23 visites réalisées entre avril 2012 et mars 2013 et 2 visites complémentaires en 2014 sur plusieurs points d'écoute, pour les oiseaux nicheurs, ainsi que sur des points fixes d'observation lors de la période de reproduction, ont permis d'identifier notamment le circaète Jean-Le-Blanc comme " nicheur probable " et le busard Saint-Martin comme " nicheur certain " sur le site. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'étude avifaunistique, en page 142, indique expressément que le site constitue un territoire de chasse important pour le circaète Jean-le-Blanc. Par ailleurs, un document intitulé " diagnostic circaète Jean-le-Blanc en Charente et Charente-Maritime " réalisé en décembre 2015, a été apporté en complément du dossier du pétitionnaire et a été versé au dossier de l'enquête publique. Ce document comporte une partie consacrée au projet de parc éolien des Lorettes et apporte des précisions sur la localisation des zones où la présence de circaètes a été observée, notamment à environ 750 mètres à l'ouest des éoliennes E1 et E2. Cette étude détaille également, en page 97, les impacts consistant en un risque de dérangement en phase de travaux, une faible destruction d'habitat liée à l'implantation de l'éolienne E1, un risque de perte d'utilisation de pinèdes et une non-utilisation d'habitats de chasse dans un rayon de 200 mètres autour de chaque éolienne. La même étude expose, enfin, les mesures de réduction et de compensation de ces impacts. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que des investigations autres auraient permis d'identifier d'autres espèces ou d'apporter une meilleure connaissance des risques que représente le projet pour les espèces identifiées.
12. S'agissant, enfin, des travaux de raccordement du parc au poste source, le raccordement d'une installation de production d'électricité aux réseaux de transport de distribution et de transport d'électricité, qui incombe aux gestionnaires de ces réseaux et qui relève d'une autorisation distincte, ne constitue pas un transport des produits fabriqués au sens des dispositions précitées de l'article R. 512-8 du code de l'environnement. Les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'environnement n'imposaient pas davantage au pétitionnaire d'analyser les impacts des travaux de raccordement du parc éolien au poste source, dont le tracé n'était d'ailleurs pas entièrement défini.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
13. Si l'autorité environnementale a émis plusieurs critiques à l'encontre de l'étude d'impact et a recommandé que des compléments soient apportés à cette étude sur plusieurs points, les éléments complémentaires produits par la société pétitionnaire n'étaient pas destinés à combler des lacunes d'une importance telle que l'autorité environnementale ne pouvait, en leur absence, rendre un avis sur la demande d'autorisation, en ce qui concerne ses effets sur l'environnement. Par suite, l'avis du 21 mai 2016 n'a pas été rendu sur la base d'éléments insuffisants et l'autorité administrative n'avait pas à soumettre à l'autorité environnementale les compléments apportés par la société à son dossier.
En ce qui concerne les atteintes aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
14. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
15. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation est sollicitée, que même l'édiction de telles prescriptions ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qu'il ne peut légalement délivrer cette autorisation.
16. S'agissant de la protection de la faune, le projet constitué de deux postes de livraison et de cinq éoliennes d'une hauteur de 165 mètres pour les deux éoliennes situées au sud et 180 mètres pour les trois éoliennes situées au nord, doit s'implanter dans un secteur boisé constitué d'un massif de pinèdes, présentant des habitats et des espèces similaires à ceux représentés dans la zone spéciale de conservation, site Natura 2000, des landes de Touvérac-Saint-Vallier, située à proximité immédiate de la partie sud du projet, protégée au titre notamment des chiroptères, dont la noctule commune, et de l'avifaune, dont le busard Saint-Martin et le circaète Jean-le-Blanc. Le projet s'implante également dans un couloir de migration de la grue cendrée. L'étude d'impact a d'ailleurs décrit les enjeux avifaunistiques et chiroptérologiques comme forts, modérés ou faibles selon les espèces avec la présence de chiroptères et d'oiseaux sensibles à l'éolien, comme la pipistrelle commune, la pipistrelle de Kuhl, la pipistrelle de Nathusius, la noctule commune et la noctule de Leisler, s'agissant des chiroptères, et la bondrée apivore, le circaète Jean-le-Blanc, le milan noir, le faucon hobereau ou l'engoulevent d'Europe, s'agissant de l'avifaune. Ainsi que l'a relevé par ailleurs l'autorité environnementale, les éoliennes seront implantées à proximité de boisements de feuillus et de lisières boisées, à 36 mètres pour le mât de l'éolienne E1, 59 mètres pour celui de l'éolienne E5 et entre 74 et 181 mètres pour ceux des éoliennes E2, E3 et E4.
17. Toutefois, ainsi que le recommandait l'autorité environnementale en vue de réduire les risques pour les espèces d'oiseaux nicheurs, l'arrêté préfectoral contesté a limité la réalisation des travaux à la période de mi-septembre à mi-mars, soit en dehors de la période de reproduction et l'étude d'impact précise que le chantier sera suivi par un ornithologue. L'arrêté prévoit également une compensation de la perte d'habitat de certains oiseaux par une obligation de gestion d'une surface de 2 hectares sur une parcelle située à un kilomètre au nord du projet, destinée à créer un milieu favorable aux oiseaux nicheurs patrimoniaux. Le pétitionnaire s'est également engagé dans l'étude d'impact à recréer des milieux d'accueil pour l'engoulevent d'Europe. Il résulte aussi de l'instruction que les espèces avifaunistiques présentes ou observées en migration sur le site sont peu sensibles au risque de collision compte tenu de leur hauteur de vol et, s'agissant du milan noir, sensible à ce risque, il résulte de l'instruction qu'il a été observé sur le site, lors de sa migration, en très faibles effectifs. Compte tenu par ailleurs d'une trouée de plus d'un kilomètre entre les trois éoliennes prévues au nord du parc et les deux éoliennes destinées à s'implanter au sud, il n'apparaît pas que le risque de collision puisse être regardé comme significatif, le pétitionnaire ayant également prévu de rendre la base des éoliennes la plus impropre possible à la recherche de proies pour les chiroptères et pour les oiseaux par l'artificialisation des surfaces et par l'entretien des abords pour éviter la formation de végétation de type friche. Il résulte par ailleurs de l'étude d'impact que les campagnes d'observation ont permis d'identifier les principaux territoires de chasse du circaète Jean-le-Blanc, notamment ceux sur lesquels sont présentes de jeunes plantations, et que le pétitionnaire a déplacé l'éolienne E2 pour l'éloigner du territoire de chasse de l'espèce, le bureau d'études ayant d'ailleurs indiqué que les zones identifiées comme territoires de chasse perdraient progressivement leur attractivité pour l'espèce du fait de la croissance des pins. Si le pétitionnaire admet une perte d'habitat du circaète Jean-le-Blanc de 0,5 hectare du fait de l'implantation de l'éolienne E1, l'étude complémentaire produite au dossier concernant cette espèce mentionne sans que cette donnée soit contestée que l'espèce présente une habituation importante et rapide et que les études conduites jusque-là ne permettent pas de la considérer comme sensible à un risque de collision. Enfin, comme l'a relevé le tribunal, un suivi ornithologique est prévu par l'arrêté préfectoral, sur les trois années qui suivront la mise en place des éoliennes. Ce suivi, qui devra donner lieu à un rapport transmis à l'inspection des installations classées, permettra, le cas échéant, d'adapter les mesures de réduction ou de compensation imposées à l'exploitant. Ainsi, compte tenu des mesures prises pour éviter, réduire et compenser les risques pour l'avifaune, il ne résulte pas de l'instruction que ces risques justifiaient un refus d'autorisation ni qu'ils appellent des mesures complémentaires pour assurer la préservation des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
18. Quant aux risques pour les chiroptères, des mesures de réduction ont été prises par la société pétitionnaire et par le préfet, pour ce qui est de la période de réalisation des travaux et du traitement des plateformes au pied des éoliennes, comme rappelé au point précédent. Le pétitionnaire, dans l'étude d'impact s'est également engagé à ne pas mettre en œuvre un éclairage susceptible de nuire aux chiroptères. L'arrêté prévoit par ailleurs, s'agissant des éoliennes E1, E3 et E5, les plus susceptibles, compte tenu de leur implantation à proximité de boisements favorables aux chiroptères, de créer un risque de collision, un dispositif de bridage du mois de mars à mi-octobre par vent inférieur à 5,5 m/s et par température supérieure à 10° C, pendant une durée de trois heures après le coucher du soleil. Enfin, un suivi est imposé, permettant, le cas échéant, de renforcer les prescriptions. Toutefois, compte tenu de la sensibilité à l'éolien de la plupart des espèces protégées présentes sur le site, de la proximité des éoliennes par rapport aux boisements ou lisières et dès lors que les abords des éoliennes E2 et E4 sont susceptibles, ainsi d'ailleurs que le reconnaît l'auteur de l'étude d'impact, d'être fréquentés par les chiroptères, les mesures prises n'apparaissent pas suffisantes pour permettre de préserver la protection de la biodiversité dans ce site, jouxtant, ainsi qu'il a été dit, une zone Natura 2000. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, d'étendre les mesures de bridage à l'ensemble des cinq éoliennes et, d'autre part, de compléter les mesures de réduction prescrites par la mise en place d'un bridage renforcé d'une heure avant le coucher du soleil jusqu'à une heure après le lever du soleil.
19. La circonstance que le projet serait visible depuis les abords des hameaux les plus proches n'est pas de nature à caractériser par elle-même une atteinte au paysage ou à la commodité du voisinage au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
20. Enfin, les requérantes ne reprennent pas en appel le moyen qu'elles avaient soulevé en première instance, tiré de ce que le pétitionnaire aurait dû demander une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, a rejeté la totalité de leurs conclusions et à demander, dans la mesure indiquée au point 18 ci-dessus, la réformation de l'arrêté préfectoral du 16 avril 2018 et du jugement attaqué.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association APPY et de Mme C..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société C.E.P.E. Les Lorettes au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Il ne peut davantage être fait droit aux conclusions de la société dirigées contre Mme A... qui est intervenante et n'a donc pas la qualité de partie à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association APPY d'une somme de 1 500 euros et de rejeter le surplus des conclusions de la requête sur ce point.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de Mme A... n'est pas admise.
Article 2 : Le premier alinéa de l'article 6 de l'arrêté du préfet de la Charente du 16 avril 2018 est remplacé par le paragraphe suivant : " Un plan de bridage de l'ensemble des éoliennes, permettant de réduire les risques de collision des chiroptères, est mis en place de mars inclus à mi-octobre, dès la mise en service du parc, dans les conditions ci-après : - vent inférieur à 5,5 m/s ; - température supérieure à 10° C ; d'une heure avant le coucher du soleil jusqu'à une heure après le lever du soleil ".
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à l'association APPY la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association APPY, à Mme D... C..., à Mme B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société C.E.P.E. Les Lorettes.
Une copie en sera adressée pour information à la préfète de la Charente.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.
La première assesseure,
Nathalie GayLa présidente-rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03817