Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2203145 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Garcia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de parent d'un enfant français ; il est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française ; il justifie d'une intégration dans la société française ; sa présence ne caractérise pas une menace à l'ordre public, la condamnation dont se prévaut la préfète est ancienne et isolée ;
- il méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et réitère les termes de son mémoire de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,
- et les observations de Mme A..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1982, est entré en France le 2 juin 2019, muni d'un visa long séjour valant titre de séjour jusqu'au 9 mai 2020, à la suite de son mariage en décembre 2018 avec une ressortissante française. Il a sollicité le 10 mars 2020 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Compte tenu de la procédure de divorce engagée par son épouse le 5 octobre 2020, la préfète de la Gironde a estimé que l'intéressé ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour sur ce fondement et a examiné sa demande au regard de l'article L. 423-7 du même code en sa qualité de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 9 mai 2022, la préfète a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 10 novembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 mars 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant.
4. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément du bulletin numéro 2 du casier judiciaire de M. B..., que par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 4 décembre 2020, l'intéressé a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, avec interdiction d'entrer en contact avec son ancienne compagne, pour avoir commis, le 12 juillet 2020, des faits de violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours et menaces de mort réitérées sur son ancienne compagne, en présence d'un mineur.
5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. B..., qui réside en France depuis 2019, est parent d'un enfant français né le 3 octobre 2019 avec lequel il a vécu jusqu'à la séparation du couple en juillet 2020, soit une période de dix mois durant laquelle il doit être présumé contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance de protection du 28 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a accordé à M. B... un droit de visite dans le cadre d'un espace rencontre, les termes de cette ordonnance ayant été reconduit pour une nouvelle période de six mois par l'ordonnance de non conciliation du 31 mai 2021, soit jusqu'au 31 novembre 2021. Pour justifier de sa contribution à l'entretien de son enfant à hauteur de ses moyens après la séparation du couple, M. B... produit des justificatifs bancaires permettant d'établir le versement d'une somme de 50 euros par mois pour la période d'octobre à décembre 2021 puis d'une somme de 110 euros par mois à compter de février 2022. M. B... soutient, sans être utilement contredit, que la situation de précarité dans laquelle il s'est retrouvé après la séparation avec son épouse, et l'impossibilité de renouveler son titre de séjour en raison des difficultés pour la transmission de son justificatif de domicile aux service de la préfecture, ne lui ont pas permis d'occuper un emploi jusqu'au mois d'octobre 2021. Il ressort de l'attestation de l'équipe point rencontre Bordeaux Métropole du 22 avril 2022, que depuis le mois de janvier 2022, M B..., qui a retrouvé un emploi, respecte en tous points le droit de visite qui lui a été attribué à raison de deux samedis par mois. Si ces pièces n'établissent pas la régularité des contacts entre M. B... et son enfant pour la période antérieure, elles sont néanmoins suffisantes pour démontrer la réalité des liens entre le requérant et sa fille, âgée de seulement de un an et demi à la date de l'arrêté litigieux, alors au demeurant qu'il était interdit au requérant de rentrer en contact avec la mère de son enfant et que les modalités d'exercice de l'autorité parentale par les deux parents séparés n'étaient plus fixées par la juridiction judiciaire compétente depuis le 31 novembre 2021, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du 1er décembre 2022 du juge de la mise en état qui a étendu le droit de visite et d'hébergement de M. B... à un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires à son domicile. S'il ressort des pièces du dossier que M. B..., a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire en raison de violences conjugales, il justifie avoir constitué sa vie privée et familiale en France. Eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, et notamment aux liens unissant M. B... à son enfant, et en l'absence de signalement portant sur des faits récents, la préfète en refusant de lui délivrer à le titre de séjour qu'il sollicitait, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. La décision l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi, sont par suite privées de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2022 et par suite à en demander son annulation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance à M. B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de de la Gironde de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement, dans l'attente de ce titre, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Garcia avocat de M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Garcia de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2203145 du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 mai 2022 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État versera à Me Garcia, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Garcia et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLe président,
Jean-Claude PauzièsLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03038