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26/10/2023 | FRANCE | N°23BX01244

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 26 octobre 2023, 23BX01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202399 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 10 juin 2022 et enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de délivrer à M. A... un ti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202399 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 10 juin 2022 et enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, la préfète des Deux-Sèvres demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Elle soutient que :

- les liens personnels et familiaux de M. A... ne sont caractérisés ni par leur ancienneté, ni par leur stabilité, ni par leur intensité ; il n'est plus en couple avec la mère de son enfant, celle-ci étant d'ailleurs comorienne et non française, et les éléments qu'il produit pour établir l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec elles sont peu nombreux et postérieurs à l'arrêté en litige ; il ne justifie pas davantage de son insertion sociale et professionnelle, laquelle ne saurait résulter d'attestations d'associations faisant état d'une aide ponctuelle, ni de ses conditions d'existence ;

- les autres moyens soulevés en première instance, tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté et de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- il ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors qu'il n'a ni pour objet, ni pour effet de priver l'enfant de sa mère, chez laquelle elle réside, et que M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants pour établir l'existence de liens familiaux réguliers et continus avec sa fille.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Donzel, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", que ce soit sur le fondement de l'article L. 423-23 ou de

l'article L. 435-1 du code, dès lors qu'il s'occupe de sa fille, atteinte d'un syndrome drépanocytaire majeur ;

- la préfète, qui ne pouvait ignorer la situation de sa fille, aurait dû instruire une demande d'autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, ce qui caractérise un défaut d'examen de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde.

Par une décision du 24 août 2023, M. A... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée le 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 3 octobre 1982, est entré en France le 1er juin 2018 afin de solliciter l'asile. Sa demande de protection a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 26 septembre 2019. Par un arrêté du

4 novembre 2019, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un courrier du 7 décembre 2021, M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 10 juin 2022, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Saisi par M. A..., le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 11 avril 2023, annulé cet arrêté et enjoint à la préfète des

Deux-Sèvres de délivrer le titre sollicité. Par la présente requête, la préfète relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était présent en France depuis quatre ans à la date de la décision en litige et qu'il est le père d'une enfant, née le 21 mai 2021, qu'il a eue avec une ressortissante comorienne, dont il est désormais séparé. Si la mère de l'enfant a, à l'appui de la demande de titre de séjour de l'intéressé, attesté de ce qu'ils restaient en lien pour l'enfant, il ne ressort pas des attestations produites, peu circonstanciées, que M. A... s'occuperait de sa fille de manière régulière. La circonstance que l'enfant, qui vit chez sa mère, est atteinte d'une drépanocytose nécessitant un suivi médical régulier n'est pas de nature à ouvrir un droit au séjour à M. A.... Par ailleurs, les attestations d'associations selon lesquelles M. A... a apporté une aide ponctuelle, une fois par semaine, ne sont pas suffisantes à caractériser une insertion notable dans la société française. L'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral en litige, portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté préfectoral du 10 juin 2022.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la cour.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, M. Xavier Marotel, secrétaire général de la préfecture, a reçu une délégation de la préfète des Deux-Sèvres, par arrêté du 6 mai 2022 régulièrement publié le jour même, à l'effet de signer tout arrêté relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de quelques domaines au nombre desquels ne figure pas le droit des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'incompétence doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de la demande de titre, reçue le 10 décembre 2021, que M. A... a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Si l'intéressé a mentionné, dans son courrier, que sa fille devait être suivie pour une drépanocytose, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait dû, pour cette raison, instruire sa demande sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en tant que parent d'enfant malade, qui n'était pas le fondement invoqué. Par suite, l'arrêté, qui au demeurant mentionne l'état de santé de l'enfant et souligne qu'elle vit chez sa mère, n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation de M. A....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, notamment sur le fait qu'il n'est pas établi que M. A... s'occuperait de manière régulière de sa fille, la circonstance qu'elle nécessite un suivi médical régulier ne constitue pas un motif exceptionnel ou une circonstance humanitaire susceptible de justifier l'admission exceptionnelle au séjour de M. A.... Par suite, l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

10. En dernier lieu, le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la préfète des Deux-Sèvres est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 10 juin 2022.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01244
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : DONZEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-26;23bx01244 ?
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