Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association du Sporting Langevin a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la Ligue réunionnaise de football (LRF) à lui verser la somme de 60 653,14 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en raison de la faute commise par la ligue qui s'est abstenue d'exécuter la mesure proposée par le conciliateur du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Par un jugement n° 1901600 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la LRF à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires enregistrés les 20 août 2021, 1er avril 2022 et 29 juillet 2022 la Ligue réunionnaise de football, représentée par la SELAS KGA avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande de l'association du Sporting Langevin ;
3°) de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande est irrecevable en ce que l'association ne justifie pas de la qualité de son président pour la représenter en justice ;
- elle est tardive ;
- elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable ;
- elle n'a pas été précédée de la saisine préalable du CNOSF ;
- la requête méconnait le principe de l'autorité de la chose jugée ;
- la créance alléguée était prescrite ;
- la demande indemnitaire est infondée en l'absence de faute commise par la LRF, de préjudice subi par l'association et de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués.
Par deux mémoires enregistrés les 2 mars 2022 et 8 juin 2022, l'association du Sporting Langevin demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du 28 juin 2021 en ce qu'il a mis à la charge de la LRF la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;
2°) de réformer le jugement du 28 juin 2021 pour le surplus et condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la LRF la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Par une ordonnance du 10 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sébastien Ellie ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de Me Derouesne représentant la ligue Réunionnaise de football.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 avril 2014, le bureau de la Ligue réunionnaise de football (LRF) a retiré l'association du Sporting Langevin des compétitions officielles de la saison 2014 séniors et jeunes à compter du 30 avril 2014. Le 12 mai 2014, la commission régionale de validation des dossiers a indiqué que les licenciés du club étaient libres de signer dans un nouveau club, en étant dispensés du cachet de mutation. Le conciliateur désigné par le Comité national olympique et sportif français, saisi par l'association du Sporting Langevin, a proposé que la LRF rapporte ces deux décisions. Par une décision du 15 septembre 2014, la LRF a rapporté la décision du 29 avril 2014 et autorisé l'association du Sporting Langevin à participer à nouveau aux compétitions, sous réserve du respect de plusieurs conditions. La LRF demande à la cour d'annuler le jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à l'association du Sporting Langevin la somme de 44 260 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de l'inexécution de cette conciliation. Par la voie de l'appel incident, l'association demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la LRF à lui verser la somme de 60 653,14 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de la réclamation préalable de l'association, le 7 octobre 2014 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". L'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date, dispose que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative s'appliquent aux décisions prises par les personnes privées participant à l'exécution d'une mission de service public administratif, telle qu'une ligue régionale de football. Le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration lorsque cette décision est expresse. Le manquement à l'obligation de mention des voies et délais du recours contentieux a ainsi pour conséquence, en principe, de faire obstacle à ce que le délai à l'intérieur duquel doit être exercé le recours contentieux contre une décision administrative soit opposé au requérant. Toutefois, l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit à nouveau le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.
4. Il résulte de l'instruction que l'association du Sporting Langevin a formulé auprès de la LRF, association chargée d'une mission de service public administratif, une demande indemnitaire préalable le 7 octobre 2014, par laquelle elle demandait le versement d'une indemnité de 40 000 euros destinée à réparer l'ensemble de ses préjudices. La LRF a rejeté cette demande par un courrier du 28 octobre 2014, lequel ne mentionnait pas les voies et délai de recours. L'association a contesté cette décision dans le cadre du contentieux introduit devant le tribunal administratif de La Réunion puis la cour administrative d'appel de Paris et ayant donné lieu au jugement n° 1500378 du 20 avril 2017 et à l'arrêt n° 17PA22202 du 4 juillet 2019. Par cet arrêt la cour a rejeté définitivement la demande en raison de son irrecevabilité. Ainsi, l'association requérante ne pouvait pas introduire à nouveau un recours contre la décision du 28 octobre 2014 après rejet de son premier recours par la cour administrative d'appel de Paris, en application des textes précités. Par suite, la LRF est fondée à soutenir que la demande de l'association du Sporting Langevin était tardive et, par suite, irrecevable.
5. Il résulte de ce qui précède que la LRF est fondée à demander l'annulation du jugement du 28 juin 2021, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, et que l'appel incident de l'association du Sporting Langevin doit être rejeté.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association du Sporting Langevin la somme de 1 500 euros à verser à la LRF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901600 du 28 juin 2021 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association du Sporting Langevin devant le tribunal administratif de La Réunion ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : L'association du Sporting Langevin versera à la Ligue réunionnaise de football la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue régionale de football et à l'association du Sporting Langevin.
Copie pour information en sera adressée au Comité national olympique et sportif français.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 où siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
Le rapporteur,
Sébastien Ellie
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre des sports en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX03447