Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°2300462 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2023 en tant qu'il annule sa décision de refus de séjour et l'enjoint à délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 200 euros au profit de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil dès lors que l'acte de naissance et la carte consulaire que l'intéressé a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas authentiques ;
- les documents d'état civil présentés par M. B... à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 432-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas authentiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, M. B..., représenté par Me Hugon, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 novembre 2022, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, à défaut, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes soit 1 813 euros toutes taxes et droits de plaidoirie compris à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et reprend ses moyens de première instance.
M. B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Edwige Michaud,
- et les observations de Me Hugon, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France le 14 juillet 2019. Il a été placé auprès du service d'aide sociale à l'enfance à compter du 20 septembre 2019. Il a sollicité le 24 février 2022 auprès de la préfète de la Gironde un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 26 avril 2023 dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu à l'encontre du refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que les documents d'état civil produits par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour ne sont pas frauduleux, l'erreur de droit commise par le préfet qui a examiné si la situation de l'intéressé répondait à des motifs exceptionnels alors que cette condition n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'erreur d'appréciation commise par la préfète de la Gironde dans l'application de ces mêmes dispositions.
3. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...), l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). / (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...). ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a notamment produit afin d'établir sa minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, un jugement supplétif n°4413 de la République du Mali et un acte de naissance n°337/CRK de la République du Mali. Selon les analyses de la cellule " fraude documentaire et à l'identité " de la direction zonale de la police aux frontières sud-ouest consignées dans un rapport du 6 mai 2022, l'acte de naissance présente le caractère d'un faux document en raison de plusieurs anomalies. En revanche, les auteurs du rapport ont estimé que le jugement supplétif d'acte de naissance présentait toutes les caractéristiques d'un acte conforme. En outre, M. B... produit un constat d'un huissier de justice au Mali du 16 décembre 2022 qui indique que le jugement supplétif n°4413 du 30 octobre 2019 est enregistré dans les registres d'état civil du centre principal de Koussané sous le n°337/CRK du registre spécial 6 novembre 2019. L'huissier a en outre joint à son constat la minute du jugement supplétif. Et le préfet de la Gironde ne conteste pas l'authenticité de cet acte d'huissier. Dans ces conditions, les actes d'état civil produits par M. B... étaient authentiques. Par voie de conséquence, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le motif tiré de l'absence de caractère frauduleux de ces actes.
6. En second lieu, le préfet ne conteste pas les autres motifs d'annulation retenus par le tribunal, tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022.
8. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le préfet de la Gironde au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, et dès lors que M. B... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, l'avocat du requérant peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hugon, avocate de M. B..., de la somme de 1 213 euros, droit de plaidoirie compris.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Hugon la somme de 1 213 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à percevoir les sommes correspondantes à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
La rapporteure,
Edwige Michaud La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01445