Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la restitution, à hauteur de 769 313,30 euros, des sommes qu'il a versées au titre de la taxe sur les salaires des années 2017, 2018 et 2019.
Par un jugement n° 2101091 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2022, le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, représenté par la SELARL Onelaw - Leyton Legal, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges du 3 mars 2022 ;
2°) d'annuler la décision de rejet de la direction générale des finances publiques du 5 mai 2021 ;
3°) de prononcer la restitution des cotisations primitives de taxe sur les salaires dont il s'est acquitté au titre des années 2017 à 2019 pour un montant total de 769 313,21 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le maintien du traitement d'un agent public placé en congé de maladie ordinaire doit faire l'objet d'une exonération de la taxe sur les salaires sur le fondement du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dès lors que la taxe sur les salaires a la même assiette que la CSG et porte ainsi sur les revenus d'activité ;
- le maintien du traitement d'un agent public doit être regardé comme un revenu de remplacement exclu de la taxe sur les salaires, ainsi qu'il ressort de la doctrine fiscale (BOI-TPS-TS-20-10, §40 et 80) ;
- la réponse du ministre de l'économie et des finances à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, publiée au Journal officiel du Sénat du 2 janvier 2020, fait ressortir que seul le demi-traitement versé sur une période supérieure à 90 jours est inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;
- l'administration fiscale a accordé des dégrèvements pour ce motif à d'autres organismes publics.
Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
- le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 3 décembre 2020, le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a sollicité la restitution partielle de la taxe sur les salaires au titre des années 2017, 2018 et 2019, soit 769 313 euros, au motif que les traitements versés à ses agents en situation d'arrêt maladie n'auraient pas dû être soumis au paiement de cette taxe. Il relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2017 et 2018 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de ces mêmes dispositions, dans leur rédaction applicable à l'année d'imposition 2019 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés sont soumises à une taxe au taux de 4,25 %. Les sommes prises en compte sont celles retenues pour la détermination de l'assiette de la contribution prévue à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale à l'exception des avantages mentionnés aux I des articles 80 bis et 80 quaterdecies du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale généralisée, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2017 et 2018 : " I. La contribution est assise sur le montant brut des traitements (...) et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) II.- Sont inclus dans l'assiette de la contribution : (...) 7° Les indemnités journalières ou allocations versées par les organismes de sécurité sociale ou, pour leur compte, par les employeurs à l'occasion de la maladie, de la maternité ou de la paternité et de l'accueil de l'enfant, des accidents du travail et des maladies professionnelles, à l'exception des rentes viagères et indemnités en capital servies aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ou à leurs ayants droit (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 136-1-2 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 2019 : " I.-La contribution prévue à l'article L. 136-1 est due sur toute somme destinée à compenser la perte de revenu d'activité, y compris en tant qu'ayant droit, et versée sous quelque forme que ce soit et quelle qu'en soit la dénomination (...) ".
3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1960 : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocations temporaires et soins), aux agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial, affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " I. En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le Code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 321-1 dudit code, a droit à une indemnité (...) II - Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie, d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les prestations en espèces visées aux articles 4 à 7 ci-dessus sont liquidées et payées par les collectivités ou établissements dont relèvent les agents intéressés ".
5. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. Les prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, lesquelles sont exclues expressément de l'assiette de la taxe sur les salaires par le 1 de l'article 231 dans sa rédaction en vigueur pour les années d'imposition 2017 et 2018, doivent s'entendre des indemnités et allocations versées par l'employeur, pour le compte des organismes de sécurité sociale, au bénéfice des salariés à l'occasion de la survenance de risques sociaux tels que notamment la maladie. Le maintien d'un plein ou d'un demi-traitement au fonctionnaire malade, dont peuvent notamment bénéficier les fonctionnaires hospitaliers en cas de maladie en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, constitue en revanche un avantage statutaire ayant le caractère d'une rémunération, et non une prestation de sécurité sociale versée par l'employeur pour le compte d'un organisme de sécurité sociale au sens de l'article 231. Cette rémunération statutaire est également distincte des indemnités prévues aux I et II de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, pris en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale qui porte définition de l'assurance-maladie, lesquelles sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale versées aux fonctionnaires en cas de maladie par leur collectivité ou établissement de rattachement.
6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde n'est pas fondé à soutenir que les traitements versés à ses agents publics ayant bénéficié d'un congé de maladie au cours de la période d'imposition en litige devaient, en tant que revenus de remplacement assimilables à des prestations de sécurité sociale, être exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires.
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". La taxe sur les salaires dont le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde demande la restitution a été établie sur la base de ses déclarations. En l'absence de rehaussement, l'établissement n'est donc pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des points 40 et 80 de la documentation fiscale référencée BOI-TPS-TS-20-10 du 30 janvier 2019 et de la réponse du ministre de l'économie, des finances et de la relance à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, du 2 janvier 2020. En tout état de cause, le centre hospitalier ne peut pas utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ces interprétations de la loi fiscale dès lors qu'elles sont postérieures à l'imposition en litige, établie au titre des années 2017, 2018 et 2019.
8. Il résulte des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales que la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A précité n'est applicable que lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. La décision de dégrèvement du 3 mars 2021, dépourvue de toute motivation, n'a pas constitué une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision constitue une prise de position invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
Le rapporteur,
Sébastien A...
Le président,
Luc Derepas
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01244