Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle le recteur de la région académique Nouvelle-Aquitaine a rejeté sa demande tendant à reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 8 mars 2011.
Par un jugement n°1904730 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 19 juillet 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2021, M. B... C..., représenté par Me Merlet-Bonnan, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 juillet 2021, en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de première instance ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire médicale pour se prononcer sur les conséquences de l'accident du 8 mars 2011 sur son état de santé et sur le lien de causalité entre les symptômes invoqués et le service ainsi que les préjudices qu'il a subis et d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de première instance ;
3°) d'enjoindre au recteur de la région académique Nouvelle-Aquitaine de reconnaître l'imputabilité au service de son accident dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au recteur de la région académique Nouvelle-Aquitaine de le placer en en congé longue maladie imputable au service, de le rétablir dans ses droits à compter du 8 mars 2011 et de lui attribuer le bénéfice de l'article 34-2 alinéa 2 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime d'un accident de service, le 8 mars 2011, en inhalant des substances nocives pour ses voies respiratoires, dégagées par des produits d'entretien utilisés pendant ses heures de cours ; les locaux dans lesquels il enseignait étaient dépourvus d'aération et l'entretien était réalisé trois fois par jour ; cet incident a déclenché une crise d'hyper réactivité bronchique sévère, qui perdure toujours aujourd'hui ;
- le refus de reconnaître l'imputabilité de l'accident au service procède d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, la décision n'étant pas conforme aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et notamment son article 21 bis.
Par ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.
Un mémoire en défense présenté par la rectrice de l'académie de Bordeaux a été enregistré le 5 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Merlet-Bonnan, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., jusqu'à son admission à la retraite, le 1er octobre 2017, était professeur de physique au lycée Kastler de Talence. Il a été reconnu travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées le 1er décembre 2008 en raison d'un handicap sévère des voies respiratoires. Le 25 mars 2011, il a déposé une demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident intervenu le 8 mars 2011 qui a été rejetée par des décisions de l'inspecteur académique de la Gironde du 8 juillet et du 15 septembre 2011. Par un jugement n°1104545 en date du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces deux décisions pour vice de procédure. Par une nouvelle décision du 25 avril 2014, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde a pris une nouvelle décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement n°1402985 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 25 avril 2014 pour vice de procédure et a enjoint au directeur académique des services de l'éducation nationale, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, de prendre une nouvelle décision, après une nouvelle instruction de sa demande. Par une nouvelle décision du 16 juin 2017, le recteur de l'académie de Bordeaux a de nouveau rejeté la demande d'imputabilité au service formée par M. C.... Par un jugement n°1801320 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 16 juin 2017 pour insuffisance de motivation ainsi que par voie de conséquence, la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision. Par une nouvelle décision du 19 juillet 2019, le recteur de la région académique Nouvelle-Aquitaine a de nouveau rejeté la demande d'imputabilité au service. Par un jugement n°1904730 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 19 juillet 2019 pour vice de procédure. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de première instance.
2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
3. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Or, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas en vigueur à la date à laquelle est intervenu l'accident de service invoqué par M. C..., soit le 8 mars 2011. Sa situation était dès lors régie par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) ; / A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...)/ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
5. Il ressort de la déclaration d'accident de service complétée par M. C... que le 8 mars 2011, en fin de journée, les travaux de nettoyage au 3ème étage du bâtiment E réalisés pendant les heures de cours auraient provoqué des émanations de substance chlorées en direction de sa salle de classe. M. C... produit un certificat médical du 9 mars 2011 dans lequel son médecin généraliste déclare qu'il a subi un accident du travail à la suite de l'inhalation, pendant ses heures de cours, de produits chlorés, irritants pour ses voies respiratoires, utilisés lors de travaux d'entretien. Le rapport d'expertise du docteur A..., pneumologue, en date du 3 juin 2011, indique que si le 8 mars 2011, l'intéressé s'est dit victime d'une crise d'hyperactivité bronchique dont il attribue la responsabilité à l'inhalation de vapeurs issues de produits de nettoyage utilisés aux abords de sa salle de cours, le produit utilisé, à savoir du " JD Jontec 300 Conc Nc " ne fait pas état dans sa contenance de produits chlorés. Ce rapport indique également qu'à l'auscultation broncho-pulmonaire, aucune anomalie et aucun râle bronchique n'est détecté de sorte qu'aucune séquelle objective ne peut être retenue et qu'il n'est pas possible d'établir de lien objectif entre les faits invoqués et les lésions constatées. La circonstance que M. C... ait déposé une plainte auprès de l'ordre national des médecins concernant le rapport du docteur A..., ayant abouti à un rendez-vous de conciliation le 23 juin 2014, ne permet pas de remettre sérieusement en cause les conclusions de ce rapport. Par ailleurs, si le requérant produit des éléments laissant entendre que des produits dangereux étaient présents dans l'établissement en 2011 et 2012, et notamment la saisine du comité hygiène, sécurité, conditions de travail académique par un syndicat le 5 juin 2012 qui comporte des photographies de produits chimiques ainsi qu'un constat d'un inspecteur hygiène sécurité en date du 3 novembre 2011 recommandant à l'équipe de direction du lycée de procéder à une analyse de l'air des lieux de travail, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'un produit ménager aurait été à l'origine de la crise d'hyperréactivité bronchique dont le requérant prétend avoir été victime le 8 mars 2011 et les conditions dans lesquelles ce produit aurait été utilisé à proximité de sa salle de classe. Le rapport du 15 octobre 2019 rédigé par un médecin conseil de victimes, qui reprend les affirmations de l'appelant concernant l'incident du 8 mars 2011, ne suffit pas à établir que l'intéressé aurait subi ce jour-là une hyperréactivité bronchique en lien avec les produits ménagers chlorés utilisés pour l'entretien des locaux du lycée Kastler. Enfin, si le requérant se prévaut de troubles respiratoires depuis l'incendie survenu dans son lycée en 2004 et indique que l'incident du 8 mars 2011 a aggravé son état de santé, le docteur A... indique dans son expertise du 3 juin 2011, confirmé sur ce point par une nouvelle expertise ordonnée par le tribunal en référé le 22 août 2012, que le lien de causalité entre les affections respiratoires dont souffre le requérant et ses conditions de travail depuis 2004 n'est pas établi. Par ailleurs, les différents experts médicaux, spécialisés en pneumologie qui, de 2004 à 2013, ont examiné le requérant ont tous conclu à l'absence d'imputabilité au service, et notamment à l'incendie survenu en novembre 2004, des troubles respiratoires dont il souffre. Dans ces conditions, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait été victime, le 8 mars 2011, d'une lésion résultant d'un événement survenu sur son lieu de travail. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par le requérant le 8 mars 2011, l'administration n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
6. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point précédent, les conclusions subsidiaires de M. C... sollicitant l'organisation d'une nouvelle expertise doivent être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la rectrice de la région académique Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Edwige MichaudLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03677