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21/03/2024 | FRANCE | N°21BX02969

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 21BX02969


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C..., M. E... L..., M. I... L..., M. G... J..., M. F... H... et la fédération Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) Landes ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, le récépissé de déclaration du 21 juin 2018 délivré à M. B... au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, en vue de l'exploitation d'un élevage de 10 000 canards sur le territoire de la co

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C..., M. E... L..., M. I... L..., M. G... J..., M. F... H... et la fédération Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) Landes ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, le récépissé de déclaration du 21 juin 2018 délivré à M. B... au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, en vue de l'exploitation d'un élevage de 10 000 canards sur le territoire de la commune de Bordères-et-Lamensans, d'autre part, le récépissé de déclaration du 18 janvier 2019 par lequel le préfet des Landes a donné acte du changement d'exploitant de cette installation en faveur du GAEC de Capblanc et, enfin, la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020, délivrée au GAEC de Capblanc en vue de l'exploitation d'un élevage de 9 000 canards sur la commune de Bordères-et-Lamensans.

Par un jugement n° 1802508, 1901368, 2001157 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des récépissés de déclaration des 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 et rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, Mme M... K..., l'EARL Coupet, Mme A... N..., M. D... C..., M. E... L..., M. I... L..., M. G... J..., M. F... H... et la SEPANSO Landes, représentés par Me Ruffié, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 avril 2021 ;

2°) d'annuler la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020 ;

3°) d'annuler le récépissé de déclaration du 21 juin 2018 ;

4°) d'annuler le récépissé de déclaration du 18 janvier 2019 ;

5°) de prononcer, à titre subsidiaire, des prescriptions complémentaires consistant en la mise en place de talus visant à éviter que les eaux de ruissèlement se trouvent en connexion avec le réseau hydrographique et en la diminution du nombre d'animaux ou la prescription d'un maximum de bandes par an ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat et du GAEC de Capblanc la somme de 1 200 euros à verser à chacun d'entre eux.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la recevabilité :

- ils disposent d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- leur demande tendant à l'annulation de l'acte n°2019/IC/014 en date du 18 janvier 2019 n'était pas tardive ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'irrégularité, dès lors que, lors de l'audience, le rapporteur de l'affaire et le rapporteur public n'ont pas fait état de leur mémoire en réplique produit le 13 janvier 2021, antérieurement à la clôture d'instruction, ni des moyens nouveaux mais également des arguments et pièces produites que ce mémoire comportait ;

- le jugement est irrégulier en l'absence de visa et d'analyse du moyen tiré de l'incomplétude du dossier de déclaration ;

- le jugement est irrégulier en l'absence d'analyse du moyen tiré de ce que le projet déclaré méconnait les dispositions de l'article 2.1 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- en soumettant l'élevage en litige à un régime de déclaration, la nomenclature ICPE méconnaît l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages car le régime de la déclaration le soustrait à l'obligation de faire l'objet d'une étude d'incidences Natura 2000 ;

- la déclaration présentée par le GAEC Capblanc était incomplète au regard des exigences fixées au 3° du II de l'article R. 512-47 du code de l'environnement en ce qu'elle ne comportait pas les informations suffisantes quant au nombre de bandes de canards, et à ce titre, ne permettait pas au préfet de s'assurer de la conformité du projet avec les dispositions de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013, et avec celles de l'arrêté du préfet de Nouvelle-Aquitaine du 12 juillet 2018 établissant le programme d'actions régional en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole ;

- la surface des parcours des canards et le volume annuel de canards sont nécessaires pour vérifier la conformité du projet à l'article V.1 de l'arrêté du 12 juillet 2018 établissant le programme d'actions régional ;

- le dossier de déclaration ne localise pas les parcours extérieurs des canards, en méconnaissance des exigences du III de l'article R. 512-7 du code de l'environnement ;

- aucun plan indiquant les réseaux enterrés n'a été joint au dossier ;

- le tribunal a opéré au point 11 de son jugement une confusion entre les dispositions de l'article R. 512-47 du code de l'environnement et les prescriptions de l'arrêté du 27 décembre 2013 ;

- le dossier ne précise pas les modalités de gestion des effluents suscités par l'installation en méconnaissance du V de l'article R. 512-47 du code de l'environnement ;

- le dossier n'apporte aucune précision sur les émanations d'ammoniac dans l'atmosphère qui seront engendrées par le projet ;

- le III et le IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement méconnaissent l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- pour donner une portée utile au 4° de l'article R. 512-47 du code de l'environnement et dès lors que le projet est susceptible d'avoir des incidences sur le site Natura 2000 de l'Adour, référencé FR7200724 localisé à proximité des parcelles du projet, le dossier de déclaration aurait dû comporter une évaluation de ses incidences sur ce site ;

- le projet étant susceptible d'avoir des effets significatifs sur le site Natura 2000 de l'Adour, le préfet a commis une erreur de droit en ne faisant pas application du IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- l'article R. 122-2 du code de l'environnement méconnaît la directive 2011/92/UE du parlement européen et du conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement dès lors que les dispositions de cet article ne permettent pas de soumettre à évaluation environnementale les projets d'élevage susceptibles de présenter des incidences pour l'environnement ; le préfet des Landes aurait dû exiger du GAEC Capblanc la réalisation d'une étude d'impact du projet en application de l'annexe III de cette directive ;

- le projet méconnaît l'article V.1 de l'arrêté du 12 juillet 2018 établissant le programme d'actions régional en vue de la protection contre la pollution par les nitrates d'origine agricole pour la région Nouvelle-Aquitaine dès lors que le nombre de canards mulards prêts à gaver sur l'exploitation projetée est de 6171 ;

- une canalisation d'irrigation est enterrée à moins de 35 mètres des bâtiments de l'élevage, en violation des dispositions de l'article 2.1 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux ICPE soumises à déclaration sous les rubriques n°2101, 2102 et 2111 ;

En ce qui concerne le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal :

- la preuve de dépôt du 18 janvier 2019, qui n'a pour seul objet que d'acter du changement du nom de l'exploitant, n'a pas pour effet d'abroger la preuve de dépôt du 21 juin 2018 ; la cour devra donc se prononcer sur la déclaration initiale qui fonde le changement d'exploitant et sans laquelle le changement d'exploitant ne saurait être valable ;

En ce qui concerne le récépissé de déclaration du 18 janvier 2019 :

- en soumettant l'élevage en litige à un régime de déclaration, la nomenclature ICPE méconnaît l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages car le régime de la déclaration le soustrait à l'obligation de faire l'objet d'une étude d'incidences Natura 2000 ;

- le dossier de déclaration complété en 2018 et transféré en 2019, est incomplet en ce qu'il ne comporte pas d'étude d'incidences sur le site Natura 2000 de l'Adour ;

- la déclaration est incomplète quant au volume de l'activité en méconnaissance du 3° du II de l'article R. 512-47 du code de l'environnement ;

- la déclaration est erronée concernant l'emplacement du réseau d'eau enterré ;

- le dossier ne précise pas les modalités d'évacuation et d'épuration en méconnaissance du V de l'article R. 512-47 du code de l'environnement ;

- le dossier n'apporte aucune précision sur les émanations d'ammoniac dans l'atmosphère qui seront engendrées par le projet ;

- il a lieu d'annuler le récépissé de déclaration délivré le 21 juin 2018 au regard de l'inconventionnalité de l'article R. 511-9 du code de l'environnement ;

- l'exploitation en litige devait être soumise à étude d'impact au regard de l'inconventionnalité de l'article R. 122-22 du code de l'environnement ;

- le projet méconnaît l'article V.1 de l'arrêté du 12 juillet 2018 établissant le programme d'actions régional en vue de la protection contre la pollution par les nitrates d'origine agricole pour la région Nouvelle-Aquitaine dès lors que le nombre de canards mulards prêts à gaver sur l'exploitation projetée est de 5907 ;

- l'exploitation projetée est située sur une canalisation d'irrigation en méconnaissance des dispositions de l'article 2.1 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux ICPE soumises à déclaration sous les rubriques n°2101, 2102 et 2111.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2022, le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Capblanc, représenté par Me Loubère, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la SEPANSO des Landes n'apporte pas la preuve qu'elle était recevable à intenter une action en justice ;

- aucun des requérants personnes physiques n'apporte la preuve qu'il subit une éventuelle atteinte directe à ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété ;

- l'EARL Coupet ne démontre pas dans quelle mesure la réalisation du projet serait de nature à modifier les conditions d'exploitation de son activité ;

- l'argument tiré de l'absence de mention de la surface des parcours et de leur localisation est inopérant ;

- en matière de réseau d'assainissement, aucun texte n'imposait d'apporter des précisions dans la déclaration sur le rejet des eaux pluviales qui seront naturellement évacuées ;

- les autres moyens soulevés par Mme K... et autres ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2023.

Par une lettre du 15 janvier 2024 rectifiée le 22 janvier 2024, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la cour est susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que l'annulation éventuelle du récépissé de déclaration du 21 juin 2018 entraînerait, par voie de conséquence, l'annulation de celui du 18 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Ruffié, représentant Mme K... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 mai 2018, M. B... a déposé auprès de la préfecture des Landes un dossier de déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) soumise à la rubrique n° 2111 de la nomenclature des ICPE, en vue de l'exploitation d'un élevage de 10 000 canards prêt à gaver sur le territoire de la commune de Bordères-et-Lamensans (Landes). Le préfet des Landes lui a délivré le récépissé de cette déclaration initiale le 21 juin 2018. Le 14 janvier 2019, M. B... a sollicité du préfet des Landes le transfert de la qualité d'exploitant au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Capblanc. Par un récépissé du 18 janvier 2019, le préfet des Landes a abrogé le récépissé de déclaration du 21 juin 2018 et a délivré au GAEC un nouveau récépissé de déclaration constatant le changement d'exploitant. Le 26 février 2020, le préfet des Landes a délivré au GAEC de Capblanc une preuve de dépôt de déclaration, au titre de la même rubrique et pour le même site, concernant un élevage de 9 000 canards prêt à gaver. Mme K... et autres relèvent appel du jugement du 7 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leurs conclusions tendant à l'annulation des deux récépissés de déclaration du 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 ou à l'adjonction de prescriptions complémentaires, et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes, tendant notamment à l'annulation de la preuve du dépôt de déclaration du 26 février 2020.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R.514-3 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 211-6 et L. 214-10 et au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions (...) ". M. F... H... qui a été autorisé par le préfet des Landes, par un arrêté du 2 août 2019, à exercer une activité de pisciculture sur un plan d'eau situé sur la parcelle cadastrale n°102G, se prévaut d'un risque de pollution de son exploitation par les fientes provenant de l'élevage de canard litigieux du fait de la configuration des fossés et du réseau hydrographique. Compte tenu de la distance entre l'installation classée pour la protection de l'environnement du GAEC de Capblanc et l'exploitation de M. H..., située à moins de 250 mètres, ce dernier justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. Par suite, dès lors que la recevabilité d'une requête collective est assurée lorsque l'un au moins des requérants est recevable à agir, la fin de non-recevoir opposée par le GAEC de Capblanc ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020 :

3. Aux termes de l'article R. 512-47 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige : " I. - La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. II. - Les informations à fournir par le déclarant sont : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms et domicile et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du déclarant ; 2° L'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée ; 3° La nature et le volume des activités que le déclarant se propose d'exercer ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles l'installation doit être rangée ; 4° Si l'installation figure sur les listes mentionnées au III de l'article L. 414-4, une évaluation des incidences Natura 2000. III. - Le déclarant produit : - un plan de situation du cadastre dans un rayon de 100 mètres autour de l'installation ; - un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum, accompagné de légendes et, au besoin, de descriptions permettant de se rendre compte des dispositions matérielles de l'installation et indiquant l'affectation, jusqu'à 35 mètres au moins de celle-ci, des constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d'eau, canaux, cours d'eau et réseaux enterrés. L'échelle peut être réduite au 1/1 000 pour rendre visibles les éléments mentionnés ci-dessus. IV. - Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. La déclaration mentionne, en outre, les dispositions prévues en cas de sinistre. V. - Un arrêté du ministre chargé des installations classées fixe le modèle national de déclaration et les conditions dans lesquelles cette déclaration et les documents mentionnés au présent article sont transmis par voie électronique ". Aux termes de l'article R.512-48 du même code dans sa version applicable au litige : " Il est délivré immédiatement par voie électronique une preuve de dépôt de la déclaration ". Aux termes de l'article R. 512-49 du même code : " Le site internet mis à disposition du déclarant donne accès aux prescriptions générales applicables à l'installation, prises en application de l'article L. 512-10 et, le cas échéant, en application de l'article L. 512-9. Le déclarant reconnaît, avant de solliciter la délivrance de la preuve de dépôt, avoir pris connaissance de l'ensemble des prescriptions générales applicables à son installation. / La preuve de dépôt est mise à disposition sur le site internet de la ou des préfectures où est projetée l'installation, pour une durée minimale de trois ans. Le maire de la commune où l'installation doit être exploitée et, à Paris, le commissaire de police en reçoit une copie. "

4. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l'installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime.

En ce qui concerne le régime applicable :

5. Aux termes de l'article R. 511-9 du code de l'environnement : " La colonne " A " de l'annexe au présent article constitue la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. ". Il ressort de la rubrique 2111 de l'annexe à cet article R. 511-9 de la nomenclature des installations classées que les installations de volailles détenant un nombre d'emplacements supérieur à 30 000 emplacements (équivalents à 30 000 animaux) relèvent du régime de l'enregistrement et que les installations dont le nombre d'animaux-équivalent est compris entre 5 000 et 30 000 relèvent du régime de la déclaration. Il ressort de la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020 que le GAEC de Capblanc envisage une activité d'élevage de volailles d'une capacité de 18 000 animaux-équivalents. Dans ces conditions, cette installation relève bien du régime de la déclaration.

En ce qui concerne la complétude du dossier :

6. En premier lieu, les appelants soutiennent que l'existence d'une canalisation souterraine d'irrigation de l'association syndicale autorisée (ASA) du Nord Adour située à moins de 35 mètres de l'installation projetée n'est pas mentionnée sur les plans joints au dossier de déclaration. Si le GAEC de Capblanc conteste la localisation d'une canalisation souterraine à moins de 35 mètres du bâtiment d'élevage, les requérants produisent les plans des servitudes d'utilité publique annexées au plan local d'urbanisme communal et intercommunal de la communauté de communes du pays grenadois qui font apparaître l'emplacement de cette canalisation à proximité immédiate du projet. Par ailleurs, si le préfet fait valoir que cette canalisation figurerait sur les plans joints au premier dossier de déclaration déposé en 2018, cette circonstance n'est pas de nature à pallier l'insuffisance du dossier de déclaration déposé le 26 février 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier concernant l'emplacement des réseaux enterrés, en méconnaissance du III de l'article R.512-47 du code de l'environnement doit être accueilli.

7. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le dossier de demande ne contient pas les modalités de gestion des effluents rejetés par l'installation. L'exploitant fait valoir qu'aucune eau résiduaire ne sera rejetée par l'installation dès lors que les seuls effluents consisteront en du fumier sec et qu'il a prévu un plan d'épandage, rappelé dans le dossier de déclaration, afin d'épandre ce fumier sec sur 29 hectares de terres agricoles. Toutefois, le dossier de demande ne comporte aucune précision sur le rejet des eaux de nettoyage alors qu'il indique qu'un vide sanitaire du bâtiment de 14 jours minimum sera réalisé entre chaque bande après nettoyage et désinfection, opération qui entrainera nécessairement la production d'eaux usées. Dans ces conditions, le dossier de déclaration ne contient pas, en méconnaissance des dispositions précitées du IV de l'article R. 512-47 du code de l'environnement, l'ensemble des informations précisant le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature.

8. En troisième lieu, le dossier ne précise pas si l'exploitation projetée engendrera ou non des rejets d'ammoniac dans l'atmosphère. Si le dossier indique dans l'encadré relatif au plan d'épandage que 3 744 kg d'azote seront épandus sur les terres de l'exploitation, il n'apporte aucune précision sur les rejets d'ammoniac qui seront nécessairement engendrés par le fumier dégagé par les 9 000 canards, sur leurs parcours, au sein de l'exploitation. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier concernant les émanations d'ammoniac, en méconnaissance du IV de l'article R.512-47 du code de l'environnement, est également fondé.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que le dossier ne peut être regardé comme complet et que dès lors, le préfet des Landes ne pouvait légalement délivrer la preuve de dépôt de déclaration le 26 février 2020.

10. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés ni de se prononcer sur la régularité du jugement en tant qu'il rejette la demande de première instance enregistrée sous le n° 2001157, que Mme K... et autres sont fondés à demander l'annulation de la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020.

Sur la régularité du jugement en tant qu'il se prononce sur les demandes de première instance enregistrées sous les n°1802508 et 1901368 :

11. L'annulation de la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020 a eu pour effet de rétablir les récépissés antérieurement délivrés les 21 juin 2018 et 18 janvier 2019. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a jugé que les conclusions à fin d'annulation des récépissés des 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 étaient dépourvues d'objet.

12. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation des récépissés délivrés les 21 juin 2018 et 18 janvier 2019.

Sur la recevabilité des demandes de première instance tendant à l'annulation des récépissés délivrés les 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 :

13. En premier lieu, la fin de non-recevoir tirée de ce que les demandeurs de première instance ne justifiaient pas d'intérêt à agir pour demander l'annulation des récépissés délivrés les 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 512-49 du code de l'environnement dans sa version en vigueur entre le 16 octobre 2007 et le 1er janvier 2016 : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation. (...). ". Aux termes du même article dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2016 : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation. (...)". Le préfet des Landes faisait valoir devant le tribunal que la requête tendant à l'annulation du récépissé délivré le 21 juin 2018 était irrecevable dès lors que ce récépissé de déclaration qui n'est plus prévu par les textes depuis le 1er janvier 2016 est superfétatoire et ne fait pas grief. Toutefois, le récépissé délivré le 21 juin 2018 est en réalité une preuve de dépôt de déclaration délivrée en application de l'article R. 512-49 dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2016. En outre, la preuve de dépôt de déclaration issue du décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 constitue une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives par application des articles L. 512-8 et L. 514-6 du code de l'environnement. Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.

15. En troisième lieu, le préfet des Landes soutient que la SEPANSO Landes n'a pas exercé de recours gracieux à l'encontre du récépissé du 21 juin 2018, et que par suite, elle est tardive pour demander l'annulation de ce récépissé. Toutefois, la demande de première instance enregistrée sous le n°1802508 était une requête collective. Le préfet ne conteste pas que les autres demandeurs ont formé un recours gracieux et il ne soutient pas que les autres demandeurs auraient été tardifs. Par suite, l'absence de recours gracieux de la SEPANSO Landes ne permet donc pas à elle seule d'établir la tardiveté de cette requête collective. Cette fin de non-recevoir ne peut donc qu'être écartée.

16. En dernier lieu, le récépissé délivré le 18 janvier 2019 à la suite de la déclaration de changement d'exploitant qui abroge le récépissé délivré le 21 juin 2018 constitue un acte faisant grief. Par suite la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Landes et par M. et Mme B... ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'annulation du récépissé du 21 juin 2018 :

17. En premier lieu, les appelants établissent que le plan joint à la déclaration du 3 mai 2018, qui fait apparaître un réseau d'eau enterré dans un sens ouest-est, ne correspond pas à l'emplacement de la canalisation de l'ASA du Nord Adour située dans un sens nord-sud. Dans ces conditions, le dossier est incomplet concernant l'emplacement de la canalisation souterraine située à proximité de l'installation. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier concernant l'emplacement des réseaux enterrés, en méconnaissance du III de l'article R.512-47 du code de l'environnement doit être accueilli.

18. En deuxième lieu, et d'une part, si le dossier de la déclaration initiale mentionne le rejet d'eaux résiduaires issues de l'exploitation, il se borne à indiquer dans l'encadré relatif à ces rejets : " gouttière et nettoyage ". Il ne comporte ainsi aucune précision dans la case prévue à cet effet relative à un traitement ou prétraitement sur site. D'autre part, si ce même dossier mentionne des déchets provenant des animaux morts, il n'apporte aucune précision sur les conditions de leur élimination. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier concernant les modalités de gestion des effluents et de gestion des déchets de l'exploitation, en méconnaissance du IV de l'article R. 512-47 du code de l'environnement, est également fondé.

19. En troisième lieu, le dossier indique que l'exploitation n'engendrera aucun rejet dans l'atmosphère. Il n'apporte ainsi aucune précision sur les rejets d'ammoniac qui seront nécessairement engendrés par le fumier dégagé par les 10 000 canards, sur leurs parcours, au sein de l'exploitation. Par suite, les requérants sont également fondés à soutenir que le dossier de déclaration est incomplet sur ce point.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 19 que le dossier ne peut être regardé comme complet et que dès lors, le préfet des Landes ne pouvait légalement délivrer le récépissé de déclaration le 21 juin 2018.

21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme K... et autres sont fondés à demander l'annulation du récépissé de déclaration du 21 juin 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation du récépissé de déclaration du 18 janvier 2019 :

22. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé.

23. Le récépissé de déclaration du 18 janvier 2019 qui a pour objet d'abroger le récépissé du 21 juin 2018 et d'acter le changement d'exploitant de l'installation n'aurait pu être légalement pris en l'absence du récépissé de déclaration du 21 juin 2018. L'annulation de ce dernier récépissé entraine donc, par voie de conséquence, l'annulation de celui du 18 janvier 2019.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 1802508, 1901368, 2001157 du 7 avril 2021 du tribunal administratif de Pau doit être annulé.

Sur les frais liés au litige :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme K... et autres et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802508, 1901368, 2001157 du 7 avril 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Les récépissés de déclaration des 21 juin 2018 et 18 janvier 2019 et la preuve de dépôt de déclaration du 26 février 2020 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Mme K... et autres une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... K..., l'EARL Coupet, Mme A... N..., M. D... C..., M. E... L..., M. I... L..., M. G... J..., M. F... H..., à la fédération Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) Landes, au GAEC de Capblanc et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02969
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : RUFFIE FRANCOIS CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;21bx02969 ?
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