Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société communale de Saint-Martin, dite Semsamar, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune du Gosier à lui verser une provision d'un montant de 410 021 euros au titre de subventions d'investissement relatives à la construction de logements sociaux.
Par une ordonnance n° 2301173 du 15 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023, complétée de mémoires et pièces enregistrés les 21 décembre 2023, 1er mars 2024, 4 mars 2024 et 8 mars 2024, la commune du Gosier, représentée par son maire en exercice et ayant pour avocat Me Aderno, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 15 novembre 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la Semsamar devant le juge des référés du tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la Semsamar la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune du Gosier avait déjà procédé aux versements sollicités pour un montant de 205 010,50 euros à la date de la saisine du juge des référés ; ces versements sont attestés par le responsable du service de gestion de la Riviera du Levant et par une inspectrice des finances publiques ; la Semsamar reconnaît d'ailleurs qu'elle a retrouvé sur ses comptes la moitié des sommes dont elle demandait le versement ;
- concernant les années 2021 et 2022, les mandats ont été émis les 24 et 27 novembre 2023 ; la commune du Gosier, conformément au calendrier de paiement fixé, s'est acquittée de toutes les sommes dues au titre des subventions jusqu'en 2023, les prochains paiements devant intervenir seulement à la fin de l'année 2023 ;
- en revanche, concernant les années ultérieures, qui ne sont pas échues, le paiement de la créance n'a pas lieu d'être, conformément aux conventions signées et aux délibérations du conseil municipal ; la Semsamar admet elle-même le bienfondé des versements en déciles conformément aux délibérations adoptées par la commune ;
- sa réclamation ne porte plus que sur l'année 2023 ; or il est désormais justifié des derniers paiements relatifs à l'année 2023 ; pour le surplus la créance est seulement future et conditionnelle ;
- la créance est donc sérieusement contestable non seulement dans son montant mais aussi dans son principe.
Par des mémoires enregistrés le 12 février et le 7 mars 2024, la Semsamar, représentée par Me Pradines, demande au juge d'appel des référés de statuer sur ce que de droit et de ne pas faire droit aux conclusions présentées par la commune du Gosier au titre des frais d'instance.
Elle soutient que :
- il n'y a plus de sujet de contestation quant à la créance de la Semsamar eu égard au paiement par la commune du Gosier de la somme de 205 010,50 euros pour les années 2016 à 2020, d'un acompte de 41 002,10 euros au titre de l'année 2021 et d'un acompte de 41 002,10 euros au titre de 2022 ; néanmoins le juge des référés du tribunal a fait une exacte appréciation en l'état du litige qui lui était soumis ; si le juge des référés est entré en voie de condamnation c'est en raison de la carence de la commune dans l'administration de la preuve d'une contestation ; les critiques de la commune à l'égard de la Semsamar sont injustifiées.
- la commune n'a jamais respecté les échéances de versement prévues.
Le président de la cour a désigné M. B... A... comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. la société communale de Saint-Martin, dite Semsamar, a construit pour le compte de la commune du Gosier 90 logements sociaux à Pliane, 32 logements sociaux à Labrousse et 60 logements sociaux à Montauban dans le cadre de conventions conclues le 25 septembre 2015. Elle a réclamé à la commune du Gosier le versement des subventions d'investissement prévues par ces contrats en vertu des lois n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 et n° 2013-61 du 18 janvier 2013, puis elle a saisi à ce titre le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande de condamnation de la commune à lui verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 410 021 euros. Par une ordonnance du 15 novembre 2023, le juge des référés a fait droit à sa demande. La commune du Gosier relève appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
3. Il résulte de l'instruction qu'en vertu des conventions conclues en 2015, la commune du Gosier s'est engagée à verser annuellement à la Semsamar, durant dix ans, les sommes de 25 238,10 euros pour les logements de Pliane, 7 838,40 euros pour les logements de Labrousse et 7 925,60 euros pour les logements de Montauban.
4. D'une part, selon les pièces produites pour la première fois devant la cour par la commune du Gosier, celle-ci avait versé à la Semsamar, à la date de l'ordonnance attaquée, la somme de 205 010,50 euros correspondant aux subventions dues au titre des années 2016 à 2020 pour les trois programmes de construction. Elle justifie en outre avoir mis en paiement, les 29 novembre 2023 et 18 décembre 2023, deux sommes de 41 002,10 euros correspondant aux acomptes exigibles au titre, respectivement, des années 2021 et 2022. Enfin, elle produit en dernier lieu un certificat de paiement dont il résulte que la somme de 41 002,10 euros correspondant aux acomptes afférents à l'année 2023 a été mandatée le 8 mars 2024.
5. D'autre part, il ne résulte ni des conventions conclues entre la commune du Gosier et la Semsamar ni des délibérations du conseil municipal de la commune du Gosier du 22 septembre de 2015 que les annuités relatives à l'année 2024 auraient dû être déjà versées à la date de la présente ordonnance et il est constant que la Semsamar ne détient à ce jour aucune créance relative au versement du solde des subventions, sont l'échéance est prévue en 2025.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune du Gosier est fondée, en l'état de l'instruction en cause d'appel, à faire valoir que la créance dont la Semsamar s'est prévalu devant le juge des référés du tribunal administratif présente un caractère sérieusement contestable et à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle la condamne au versement d'une indemnité provisionnelle à cette société.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune du Gosier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance n° 2301173 du 15 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune du Gosier et à la société communale de Saint-Martin.
Copies en seront adressées au préfet de la Guadeloupe et à la chambre régionale des comptes de la Guadeloupe.
Fait à Bordeaux, le 21 mars 2024.
Le juge d'appel des référés,
B... A...
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 23BX02942