Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Almi, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau de constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement prononcé par l'administration et de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle est restée assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014.
Par un jugement n° 1901520 du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé en cours d'instance à la société Almi et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2022, la société Almi, représentée par Me Brettes, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 24 décembre 2021 ;
2°) de la décharger des rappels d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014 soit 77 871 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement du 25 octobre 2017 est irrégulier dès lors qu'il aurait dû faire référence au courrier du 11 octobre 2017 conformément à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; la seule référence à la proposition de rectification du 22 mars 2016 est insuffisante pour authentifier la créance ; la société Safim, dont les parts ont été réunies au profit de la société Almi, n'a pas été suffisamment informée des conséquences financières du rehaussement de son résultat ; elle ne pouvait savoir qu'il manquait des pages du courrier du 11 octobre 2017 ni, par suite, demander ces pages ; au surplus, les pages manquantes portaient des montants erronés ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté l'écriture de charge de 240 000 euros au motif que des abandons de créances de M. A..., associé unique de la société Safim, à la société VDS n'étaient pas établis ; en effet, les abandons de créances ont été consentis à la société Almi et non à sa filiale, la société VDS ; même si les écritures comptables sont erronées, cette écriture de charge est bien justifiée, la société ayant pu rétablir sa dette à l'égard de M. A..., sa situation comptable le lui permettant ; les abandons de créance de M. A... ont bien été consentis avec clause de retour à meilleure fortune ; elle en apporte la justification.
Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2023 à 12h00.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Safim, société à responsabilité limitée exerçant une activité de marchand de biens, était détenue à 100 % par M. A.... Cette société était société intégrante d'un groupe fiscal intégré au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts et détenait, notamment, 100 % des parts de la société à responsabilité limitée Villa du sud, ayant une activité de commerce de gros de meubles. Le 29 octobre 2014, M. A... a cédé à la société Almi les parts qu'il détenait dans la société Safim. La société Safim a, ainsi, été dissoute le 3 février 2015, par transmission universelle de son patrimoine entre les mains de la société Almi avec effet rétroactif au 1er juillet 2014 au plan fiscal. La société Almi a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et qui a concerné notamment les opérations réalisées par la société Safim aux droits de laquelle était venue la société Almi. Cette société a contesté le supplément d'impôt sur les sociétés qui a été mis à sa charge à l'issue de contrôle au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014. Par jugement du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Almi. Celle-ci fait appel du jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.
2. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts ou de l'article 223 A bis du même code la société mère d'un groupe ou l'établissement public industriel et commercial qui s'est constitué seul redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe est amené à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'un ou de plusieurs membres du groupe, l'administration adresse à cette société mère ou à cet établissement public, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle ou il est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document (...) ". Les dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, qui n'ont pas pour objet de permettre l'engagement d'un débat contradictoire entre l'administration fiscale et la société mère, imposent seulement que cette dernière soit informée des conséquences financières du contrôle de l'une de ses filiales avant l'avis de mise en recouvrement des impositions correspondantes.
3. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 25 octobre 2017 adressé à la société Almi venant aux droits de la société Safim, porte sur un montant d'impôt sur les sociétés de 105 579 euros auquel s'ajoutent 7 179 euros d'intérêts de retard soit un total de 112 758 euros. Cet avis de mise en recouvrement fait référence à la proposition de rectification du 23 mars 2016 mais ne fait, en revanche, pas référence au courrier du 11 octobre 2017 par lequel l'administration a porté à la connaissance de la société Almi, venant aux droits de la société Safim, le montant global des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle était redevable en tant que société mère, résultant de la procédure de rectification suivie à l'égard de cette société, prise en qualité de société membre du groupe. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce courrier a bien été notifié à la société Almi, venant aux droits de la société Safim. Si la société requérante soutient qu'il manquait une page au courrier qu'elle a reçu, elle n'apporte aucun élément permettant de corroborer cette lacune alors que le courrier annonce, d'une part, " un tableau récapitulatif des rectifications maintenues chez la société SAFIM " ainsi que " la liste des rectifications maintenues chez celle-ci qui ont une incidence sur le résultat d'ensemble du groupe anciennement formé par SAFIM " et, d'autre part, " le montant des droits, pénalités et intérêts de retard dont votre société est redevable suite à ce contrôle et qui seront mis en recouvrement " et qu'elle ne justifie d'aucune démarche auprès de l'administration pour signaler l'absence, dans le document reçu, de l'un de ces éléments. Les tableaux annexés au courrier mentionnent les mêmes montants que ceux mis en recouvrement, soit 105 579 euros en droits d'impôt sur les sociétés et 7 179 euros d'intérêts de retard. Le document comporte, il est vrai, dans le tableau des conséquences financières du contrôle, une erreur de report du rehaussement en base, mentionné pour 338 000 euros alors qu'il est de 336 000 euros, soit une erreur de 2 000 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que le dégrèvement accordé en cours de première instance a porté, notamment, sur le montant de cette erreur de 2 000 euros. Ainsi, l'absence de mention dans l'avis de mise en recouvrement ne peut être utilement invoquée pour ce qui concerne ce montant de 2 000 euros qui n'est plus en litige. S'agissant des droits et majorations restant en litige, la société, qui doit être regardée comme ayant reçu le courrier du 11 octobre 2017 dans son entier, n'a pas été privée de la possibilité de contester utilement les sommes mises en recouvrement. L'avis de mise de recouvrement était seulement entaché d'une erreur matérielle qui a donné lieu à un dégrèvement et ces droits et majorations restant en litige ne peuvent être tenus pour irrégulièrement mis en recouvrement.
4. Aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". En application de l'article 39 du même code, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. A la clôture de l'exercice 2014, la société Safim a comptabilisé une charge exceptionnelle de 240 000 euros avec le libellé " reprise retour à meilleure fortune Jean-Michel A... " et avec, pour contrepartie, un crédit de même montant au compte courant d'associé de M. A... correspondant, selon la société, à l'obligation de remboursement d'avances antérieurement consenties par l'associé à la société Safim en vue d'en faire bénéficier la société Villa du sud, lesquelles avances avaient donné lieu à abandon de créances de la part de M. A... mais avec une clause de retour à meilleure fortune. Estimant la charge non justifiée, l'administration l'a réintégrée au résultat de la société Safim.
6. Pour justifier d'un abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune, la société requérante invoque les écritures comptables de la société Safim des exercices précédents établissant, selon elle, la réalité d'abandons de créances que lui a consentis M. A... pour 210 000 euros au cours de l'exercice clos en 2011 et 77 600 euros au cours de l'exercice clos en 2012, et d'abandons de créance du même montant qu'elle-même a consentis à sa filiale, la société Villa du sud. Les écritures comptables passées au titre de l'exercice clos en 2011, soit un débit de 210 000 euros au compte courant de M. A... et un crédit de même montant au compte de la société Villa du sud, traduisent, il est vrai, une cession à la société Villa du sud de la créance de M. A... sur la société Safim, comme l'admet d'ailleurs l'administration, mais ne traduisent pas un abandon de créance de la part de M. A... comme le reconnait la société et comme l'a constaté le tribunal. Aucun débit de 77 600 euros au compte courant de M. A... ne vient non plus corroborer un abandon de créance de ce montant intervenu au cours de l'exercice clos en 2012 de la part de M. A.... Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la société n'est pas fondée à se prévaloir de la complexité de l'opération pour expliquer qu'elle n'ait pas inscrit les écritures correspondant aux abandons de créance consentis selon elle par M. A... à la société Villa du sud, par l'intermédiaire de la société Safim. Ainsi, aucun produit exceptionnel pour les montants allégués n'a été constaté à la clôture des exercices 2011 et 2012. Les écritures passées à la clôture de l'exercice clos en 2013, mentionnant un " oubli " de comptabilisation d'abandons de créance avec clause de retour à meilleure fortune en 2011 et 2012 et constatant deux produits exceptionnels de 210 000 et 77 600 euros par le débit du compte de tiers au nom de la société Villa du sud ne peuvent davantage corroborer la réalité de ces opérations, dès lors qu'elles sont neutralisées par la constatation de deux charges exceptionnelles de même montant par le crédit du compte de la société Villa du sud. En appel, la société soutient également avoir comptabilisé des abandons de créances de 10 000 euros et 120 000 euros, respectivement en 2009 et 2010. Elle avait produit en première instance des documents présentés comme des extraits de comptes constatant, en effet, des abandons de créances de M. A... avec clause de retour à meilleure fortune pour ces montants. Elle ne produit cependant aucun élément permettant d'estimer que la charge qu'elle a constatée à la clôture de l'exercice 2014 correspondrait, finalement, en partie à ces sommes, après avoir soutenu qu'elle correspondait à des abandons de créances de 210 000 et 77 600 euros et après avoir fait état d'écritures comptables en ce sens passées à la clôture de l'exercice 2013. Ainsi, il n'est pas justifié que la société Safim aurait comptabilisé les profits correspondant à des abandons de créances de 240 000 euros consentis par M. A... à son profit ou, comme elle le soutient, au profit de sa filiale, membre d'un groupe intégré. Au surplus, la société requérante produit en appel une convention dont elle avait fait état devant l'administration durant le contrôle, qui aurait été conclue le 30 juin 2011, par laquelle M. A... déclare abandonner la créance de 210 000 euros qu'il détient sur la société Safim sous la condition résolutoire du retour de la société Safim à meilleure fortune dans un délai de cinq ans. Toutefois, ce document, en l'absence de date certaine, ne suffit pas à justifier de ce que les abandons de créances consenties à la société Safim, à les supposer établis, l'auraient été, à hauteur de 210 000 euros, sous condition de retour à meilleure fortune. Il en va de même du procès-verbal des décisions de l'associé unique de la société Safim du 31 décembre 2013, qui fait état de conventions des 30 juin 2011 et 30 juin 2012 par lesquelles M. A... aurait consenti des abandons de créances de, respectivement, 210 000 euros et 77 600 euros, sous condition de retour à meilleure fortune, dès lors que ce procès-verbal porte, certes, le cachet du tribunal de commerce de Bayonne mais aucune mention permettant d'établir la date de dépôt du document auprès du tribunal de commerce. Ainsi, et à supposer même que les gains liés à des abandons de créance auraient été dûment constatés dans les écritures comptables de la société, il n'est pas établi que ces abandons étaient subordonnés à une clause de retour à meilleure fortune.
7. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette charge exceptionnelle de 241 000 euros, en l'absence d'élément permettant de démontrer la réalité d'une obligation de remboursement de la société Safim vis-à-vis de son associé.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Almi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Almi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Almi et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024
La présidente assesseure,
Karine ButériLa présidente rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00548 2