La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/08/2024 | FRANCE | N°24BX00751

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 28 août 2024, 24BX00751


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au juge des référés de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son licenciement, correspondant au montant des salaires qui ne lui ont pas été versés entre la date de son licenciement et la date d'échéance de son contrat.



Par une ordonnance n° 230

0438 du 1er mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au juge des référés de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son licenciement, correspondant au montant des salaires qui ne lui ont pas été versés entre la date de son licenciement et la date d'échéance de son contrat.

Par une ordonnance n° 2300438 du 1er mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés 26 mars 2024 et 10 avril 2024, M. A... C... B..., représenté par Me Cottet, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 1er mars 2024 ;

2°) de lui accorder une provision d'un montant de 30 000 euros dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil qui renoncera à l'indemnité d'aide juridictionnelle, une somme de 1 200 euros.

Il soutient que :

- si la Région soutient qu'il a été rétabli dans sa situation administrative, il lui appartient d'en justifier, alors que l'annulation d'une décision de licenciement revêt un caractère rétroactif et que la réparation du préjudice comporte le paiement des traitements non versés sans que la Région puisse opposer l'absence de service fait ;

- le lien de causalité entre l'illégalité du licenciement et son préjudice est établi et les insuffisances qui lui sont reprochées ne sont pas fondées, la décision de licenciement étant entachée d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2024, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par Centaure Avocats, agissant par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 avril 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 21 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2024.

Les parties ont produit toutes deux le 18 juillet 2024 la pièce complémentaire sollicitée en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. ". Il ne résulte d'aucune disposition du code de justice administrative ni d'aucun principe que le juge des référés, lorsqu'il statue en application de ces dispositions, ait l'obligation de tenir une audience publique.

2. Il résulte des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. M. A... B..., qui avait été recruté le 9 février 2015 en contrat à durée indéterminée pour exercer des fonctions de conseiller au sein du cabinet du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, a bénéficié le 1er mars 2018 d'une reconduction de son contrat pour trois ans en qualité de chef du projet " institut du futur " au sein du pôle " développement économique et environnemental " de la Région. Par une décision du 27 janvier 2020, le président du conseil régional a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Sur demande de M. B..., le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 30 novembre 2021 devenu définitif, annulé cette décision au motif de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission administrative paritaire et a enjoint à la Région de régulariser sa situation durant la période où il a été écarté du service jusqu'au 28 février 2021, terme de son contrat. Par courrier du 6 janvier 2022 reçu le 11 janvier suivant, M. B... a présenté une demande indemnitaire préalable et sollicité le versement de la somme de 52 291,59 euros correspondant au paiement de ses salaires de la date de son licenciement jusqu'à la fin de son contrat. En l'absence de réponse de la Région, M. B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une requête indemnitaire et a également sollicité, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le versement d'une provision d'un montant de 30 000 euros correspondant non pas à ses salaires, auxquels il ne peut prétendre en l'absence de service fait, mais à la réparation du préjudice que lui a causé son éviction illégale correspondant à la perte de son traitement durant la période durant laquelle il a été licencié irrégulièrement jusqu'au terme de son contrat en février 2021. Dans le cadre de la présente instance, M. B... relève appel de l'ordonnance du 1er mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

4. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.

5. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'oppose la région Nouvelle Aquitaine tant en première instance qu'en appel, que la décision de licenciement du 27 janvier 2020 a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 novembre 2021 devenu définitif au motif, seul susceptible d'être retenu selon le point 6 du jugement, que la décision en cause a été prise au terme d'une procédure irrégulière alors que le requérant faisait également valoir que la décision en litige se fondait sur des faits qui n'étaient pas établis et qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation. En raison de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à ce jugement annulant un acte administratif pour excès de pouvoir, M. B... ne peut, à l'appui de sa demande, contester utilement les motifs de son licenciement. En outre, et ainsi que l'a retenu à bon droit le juge des référés du tribunal, les éléments de l'instruction démontrent que M. B..., qui ne peut se borner à soutenir qu'il lui était demandé d'exercer ses fonctions avec un état d'esprit novateur, s'estimait être en dehors de toute hiérarchie et mener sa mission de directeur de projet " institut du futur " uniquement avec le président de la Région et l'élu délégué alors qu'il faisait partie du pôle développement économique et environnemental et qu'il devait, en sa qualité d'agent contractuel, prendre en charge ses missions et celles connexes comme la gestion de la logistique ou le suivi budgétaire dans le respect des règles de fonctionnement interne de la collectivité, alors qu'il ne conteste pas les griefs qui lui ont été adressés et qui avaient fait l'objet de rappels tels l'obligation de présence, l'interdiction de fumer dans les locaux ou l'obligation de badger et de solliciter une validation pour ses déplacements extérieurs, de même qu'il ne pouvait se dispenser tant d'informer sa hiérarchie de ses projets que de respecter l'obligation de réserve lui incombant en intervenant directement sur le réseau Twitter.

6. Il résulte de ce qui précède que la région Nouvelle Aquitaine aurait pu prendre légalement la même décision si le vice de procédure retenu par le tribunal administratif de Poitiers n'avait pas été commis. Dans ces conditions, le préjudice dont se prévaut M. B... ne présente pas de lien de causalité avec l'illégalité commise par la Région.

7. Par suite, l'obligation dont se prévaut M. B... ne présente pas de caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et sa demande de provision ne peut qu'être rejetée. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées à ce titre par M. B..., au bénéfice de son conseil, dès lors qu'il a la qualité de partie perdante à l'instance, ces conclusions étant en tout état de cause dirigées à tort contre l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... B... et à la région Nouvelle-Aquitaine.

Fait à Bordeaux, le 28 août 2024.

La présidente de la 6ème chambre,

Juge des référés,

Ghislaine Markarian

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24BX00751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX00751
Date de la décision : 28/08/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : COTTET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-28;24bx00751 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award