Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201876 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2024, M. B..., représenté par Me Balima, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 9 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de la Guyane ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la motivation de cette décision révèle l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits d'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits d'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il devait se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions des articles L. 423-23, L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée ;
- cette décision ne prend pas en compte la situation de violence actuelle en Haïti.
Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 août 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits d'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant haïtien né le 16 septembre 2002, est entré en France le 1er août 2016. Il a bénéficié à sa majorité d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 2 novembre 2021 sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 25 mai 2022, le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 18 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un jugement du 9 novembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France à l'âge de 13 ans, présente un autisme sévère associé à une épilepsie cryptogénique ainsi qu'un syndrome d'apnée obstructive du sommeil pour lequel il est appareillé. Il ressort des éléments médicaux versés au dossier que l'intéressé, qui bénéficie en France d'un suivi médical depuis 2017, présente un handicap majeur et un état de grande dépendance nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire ainsi qu'une scolarisation en milieu spécialisé. L'avis émis le 6 avril 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) indique que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort aussi des pièces que le requérant, dont le handicap a été évalué supérieur ou égal à 80 % par la Maison départementale des personnes handicapées, a obtenu le 20 juillet 2022 une orientation vers une maison d'accueil spécialisée valable jusqu'au 19 juillet 2032. Par ailleurs, à la date de l'arrêté, la mère du requérant résidait en France sous couvert d'un récépissé de demande de carte de séjour. Enfin, il ressort des éléments produits au dossier qu'à cette même date, Haïti était confrontée, depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, à une dégradation progressive de sa situation sécuritaire qui était déjà de nature à rendre difficile l'accès aux soins. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet de la Guyane a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B... en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté en litige, sont par voie de conséquence privées de base légale.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique d'enjoindre au préfet de la Guyane de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. B.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son avocat, Me Balima, une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201876 du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de la Guyane et l'arrêté du préfet de la Guyane du 25 mai 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Balima une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Christ Eric Balima, au préfet de la Guyane et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX000369