Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 10 février 2021 par laquelle la préfète de la Gironde l'a informé avoir procédé à son inscription au fichier national d'acquisition et de détention d'armes.
Par un jugement n° 2102191 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022, et des pièces, enregistrées le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 septembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 10 février 2021 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de Gironde de lui délivrer une autorisation de détention d'armes et de procéder à sa désinscription du fichier national d'acquisition et de détention d'armes dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; les premiers juges pouvaient se fonder sur la situation de compétence liée de la préfète sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point ;
- la préfète n'était pas tenue de procéder à son inscription au fichier national d'acquisition et de détention d'armes ; le bulletin n° 2 de son casier judiciaire mentionne une condamnation, non pas pour l'infraction de vol prévue aux articles 311-1 à 311-11 du code pénal, mais pour une tentative de vol ; la condamnation, également mentionnée au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, pour des faits de transport, sans motif légitime, d'arme de catégorie 6, ne correspond pas nécessairement à l'infraction prévue à l'article L. 317-9 du code de la sécurité intérieure selon lequel le transport d'armes de catégorie D présentant une faible dangerosité n'est pas réprimé ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 11 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Lassort, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 février 2021, la préfète de la Gironde a informé M. B... qu'elle avait procédé à son inscription au fichier national d'acquisition et de détention d'armes au motif que le bulletin n° 2 de son casier judiciaire portait mention d'une condamnation incompatible avec la détention d'arme. M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Le juge ne peut se fonder, sans inviter les parties à présenter leurs observations, sur la situation de compétence liée dans laquelle se trouve l'administration s'il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que l'administration estimait être dans une telle situation.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la préfète de la Gironde a invoqué, dans son mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2021, communiqué au conseil de M. B..., la situation de compétence liée dans laquelle elle se trouvait, en application de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, pour inscrire M. B... au fichier national d'acquisition et de détention d'armes. Dès lors, et contrairement ce que soutient l'appelant, les premiers juges pouvaient se fonder sur cette situation de compétence liée sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C : / 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : (...) -vols prévus aux articles 311-1 à 311 11 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 312-16 du même code : " Un fichier national automatisé nominatif recense : / (...) 2° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3 ;/ (...) "
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-4 du code pénal : " Est auteur de l'infraction la personne qui : 1° Commet les faits incriminés ; 2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ". L'article 121-5 de ce code précise que la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. Aux termes de l'article L. 311-1 du même : code " Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ". Selon l'article L. 311-4 dudit code : " Le vol est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende : (...) 4° Lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail (...) ".
6. Il résulte des mentions de la décision contestée du 10 février 2021 que, pour procéder à l'inscription de M. B... au fichier national d'acquisition et de détention d'armes, la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, en retenant que le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé comportait une condamnation mentionnée à cet article. Il ressort des pièces du dossier que ce bulletin, daté du 7 janvier 2021, fait notamment état d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement pour " vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail (tentative) ". Le requérant fait valoir qu'il a été condamné non pas pour un vol avec violences, mais pour une tentative de commission de cette infraction. Toutefois, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 121-4 du code pénal, M. B... a été condamné, à raison de cette tentative, en qualité d'auteur de l'infraction de vol avec violences prévue aux articles L. 311-1 et L. 311-4 du même code. Dans ces conditions, et alors même que la seconde condamnation mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B... ne correspondrait pas aux infractions visées à l'article L. 312- 3 du code de la sécurité intérieure, la préfète était tenue, en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 312-3 et de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure, de prendre à son encontre une mesure d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C ainsi que, par voie de conséquence, de procéder à son inscription au fichier national d'acquisition et de détention d'armes.
7. Enfin, compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la préfète de la Gironde, l'autre moyen soulevé par M. B... à l'encontre de la décision en litige, qui n'a pas pour objet de remettre en cause cette compétence liée, est inopérant.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02843