Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Benoît Jorion a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Sada à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 26 500 euros, 400 euros et 2 902, 97 euros correspondant respectivement aux honoraires dus à raison des prestations juridiques réalisées par son cabinet d'avocat, aux indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement des factures y étant relatives et aux intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2021.
Par une ordonnance n° 2104734 du 12 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 décembre 2023 et le 6 septembre 2024, dont l'un répondant à la demande de la commune de Sada en inscription de faux, M. Jorion demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2104734 du 12 décembre 2023 par laquelle le président du tribunal administratif de Mayotte, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Sada soit condamnée à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre provisionnel, les sommes de 26 500 euros, 400 euros et 2 902, 97 euros correspondant respectivement aux honoraires dus à raison des prestations juridiques réalisées par son cabinet d'avocat, aux indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement des factures y étant relatives et aux intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2021.
2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions de première instance en portant à la somme de 7 175, 03 euros celle réclamée au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2023 ;
3°) de rejeter la demande de la commune de Sada en inscription de faux ;
4°) d'ordonner la suppression, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, de l'intégralité du mémoire de la commune de Sada du 28 août 2024 intitulé " demande incidente ; demande d'inscription en faux " ou à tout le moins du paragraphe commençant par " la présente demande incidente " et se terminant par " faux matériel " ;
5°) de condamner la commune de Sada, à raison des propos diffamants tenus à son encontre, à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 741-3 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Sada une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige ;
- la requête d'appel n'est pas tardive ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que le juge des référés du tribunal administratif a soulevé d'office, sans en informer les parties, le moyen tiré de ce que l'obligation financière de la commune de Sada devait être considérée comme sérieusement contestable au motif qu'il existe un doute quant à la régularité du marché public de services juridiques en cause ; aucune des parties ne s'était prévalue d'une quelconque irrégularité dans la procédure de passation dudit marché ;
- l'ordonnance attaquée est mal fondée, comme entachée d'une erreur de droit dès lors que, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation et le juge le relever d'office qu'en cas de gravité suffisante de l'illégalité ; qu'un vice touchant à la régularité de la procédure de passation mais n'affectant pas le consentement des parties n'est pas d'une gravité suffisante pour permettre d'écarter le contrat ; la convention d'honoraires conclue avec la commune de Sada n'a jamais été remise en cause quant à sa validité ; en tout état de cause, le vice retenu par le juge des référés du tribunal administratif n'affecte pas le consentement des parties et ne permet donc pas d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; la seule circonstance que le directeur général adjoint de la commune n'aurait pas eu qualité pour le saisir de missions juridiques ne constitue pas un vice du consentement de la commune ;
- les obligations de la commune de Sada ne sont pas sérieusement contestables : cette commune n'a jamais contesté l'existence de relations contractuelles lesquelles sont matérialisées par la convention d'honoraires signée et les courriels produits à l'instance ; elle n'a pas davantage contesté la réalisation des prestations ; le montant des honoraires n'a pas non plus été contesté ;
- une convention d'honoraires a bien été signée avec la commune de Sada entre le 18 octobre 2018 et le 14 août 2019 ainsi qu'en atteste un courriel du 14 août 2019 ;
- les factures produites au dossier établissent la réalisation de prestations juridiques pour un montant de 26 500 euros ;
- il est en droit de percevoir l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour un montant de 400 euros correspondant au montant à percevoir pour un nombre de 10 factures impayées ;
- il a droit aux intérêts moratoires au taux d'intérêt de la banque centrale européenne (8%) majoré de 10 points pour un total de 7 175, 03 euros ;
- la demande en inscription de faux de la commune de Sada doit être rejetée.
Par des mémoires enregistrés le 28 août 2024, dont l'un relatif à une " demande d'inscription en faux ", la commune de Sada, représentée par Me Tesoka, conclut au rejet de la requête, et sollicite la mise en œuvre de la procédure en inscription de faux de la convention d'honoraires prétendument " signée " par M. Jorion.
Elle fait valoir que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige dès lors que les honoraires dont le règlement est sollicité résultent de factures sans lien entre elles, portant sur des prestations distinctes sans cadre juridique préétabli ; ils ne reposent sur aucun marché de prestation juridique ;
- aucune convention d'honoraires n'a été conclue et la convention prétendument " signée ", produite par M. Jorion, doit être " rejetée " dès lors qu'elle constitue un " faux matériel " ; elle n'a été produite par l'intéressé qu'après qu'elle a relevé l'absence de tout contrat et alors qu'il avait lui-même soutenu qu'aucune convention n'avait été signée ;
- la créance n'est pas non sérieusement contestable : l'interlocuteur de la commune auprès de M. Jorion n'avait ni qualité ni capacité juridique pour l'engager ; la réalité des prestations et le montant des factures sont contestés, aucun détail ni aucune précision n'étant notamment fournis dans les factures dites de " consultation " et les taux horaire ou forfaitaire préalablement validés n'apparaissant pas.
Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 septembre 2024.
Le président de la cour a désigné Mme Karine Butéri, présidente, pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. Benoît Jorion, avocat, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Sada à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 26 500 euros, 400 euros et 2 902, 97 euros correspondant respectivement aux honoraires dus à raison des prestations juridiques réalisées selon lui pour ladite commune par son cabinet d'avocat, aux indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement des factures y étant relatives et aux intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2021. M. Jorion relève appel de l'ordonnance du 12 décembre 2023 par laquelle le président du tribunal administratif de Mayotte, statuant en référé, a rejeté sa demande et porte à 7 175, 03 euros la somme due au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2023.
Sur la demande en inscription de faux :
2. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ".
3. La procédure en inscription de faux prévue à l'article R. 633-1 du code de justice administrative ne concerne que les actes dont la loi prévoit expressément que leurs mentions font foi jusqu'à inscription de faux. La convention d'honoraires d'avocat, arguée de faux par la commune de Sada, ne figure pas au nombre de ces actes. Il appartient donc à la juridiction administrative d'apprécier l'authenticité de cette convention sans mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions précitées.
4. Il résulte de l'instruction que M. Jorion a produit, devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, une convention d'honoraires datée du 18 octobre 2018 et signée tant par lui-même, en sa qualité d'avocat, que par le maire de la commune de Sada, dont elle comporte en outre le cachet, ayant pour objet de lui confier une mission d'assistance juridique de cette collectivité. A l'appui de sa demande en inscription de faux contre cette convention, la commune de Sada fait valoir, d'une part, que cette pièce n'a été produite par M. Jorion qu'après qu'elle a relevé l'absence de tout contrat de prestations juridiques entre les parties et, d'autre part, que l'intéressé avait lui-même indiqué, en particulier dans ses écritures de première instance, que cette convention n'avait jamais été " ni contestée, ni signée ". Il résulte toutefois de l'instruction que, le 18 août 2018, M. Jorion a adressé au directeur général adjoint de la commune de Sada une convention d'honoraires dont il a demandé le renvoi en deux exemplaires paraphés et signés pour s'estimer " valablement saisi " du " souhait de (la) commune de s'attacher les services d'un conseil juridique extérieur ". Le 14 août 2019, ce même directeur général adjoint des services a envoyé à M. Jorion un courriel, dont étaient également destinataires deux agents de la commune de Sada, comportant en pièce jointe une " convention d'honoraires d'avocat signée ". Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que la convention d'honoraires adressée à M. Jorion par ce courriel du 14 août 2019 ne serait pas celle datée du 18 octobre 2018 qui, ainsi qu'il a été dit, comporte notamment sa signature et celle du maire de la commune de Sada. Dans ces conditions, la commune de Sada n'est pas fondée à demander que cette convention d'honoraires soit écartée des débats au motif qu'elle constituerait un faux.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :
5. Aux termes de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " (...) Le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau et instruit toute réclamation formulée par les tiers. (...) " . Aux termes de l'article 53 de la même loi : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : (...) 6° La procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ; (...) ". Aux termes de l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles suivants. ". Aux termes de l'article 175 de ce décret : " Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. (...) / L'avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté. (...) ". Aux termes de l'article 176 dudit décret : " La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois. / Lorsque le bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit. ".
6. Si les dispositions précitées des articles 174 à 176 du décret du 27 novembre 1991 pris en application de la loi du 31 décembre 1971 confient au bâtonnier, sous le contrôle du premier président de la cour d'appel, la compétence pour instruire tout litige portant sur les honoraires des avocats, les litiges relatifs au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat et une collectivité publique portent sur l'exécution d'un marché public et ne peuvent, dès lors, relever que de la seule compétence du juge administratif.
7. D'une part, aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, applicable au litige : " (...) Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 : " Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que, par une convention d'honoraires conclue à titre onéreux le 18 juin 2018, la commune de Sada a confié à M. Jorion, avocat, une mission de fourniture de prestations juridiques pour répondre à ses besoins de service. Une telle convention présente le caractère d'un marché au sens de l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Le présent litige, qui est relatif au règlement financier de ce marché conclu entre un avocat et une collectivité publique porte sur l'exécution d'un marché public et ne peut, dès lors, relever que de la seule compétence du juge administratif. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, qui n'a ainsi pas entaché son ordonnance d'irrégularité sur ce point, a rejeté l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée devant lui par la commune de Sada.
Sur la demande de provision :
10. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence et le montant avec un degré suffisant de certitude. Il lui appartient notamment d'apprécier si le caractère non sérieusement contestable d'une créance peut résulter de l'exécution d'un contrat, y compris lorsqu'existe une contestation sur la validité de celui-ci. Il lui appartient, en ce cas, de se prononcer sur la question de savoir si cette contestation est susceptible de donner lieu à la reconnaissance de la nullité du contrat.
En ce qui concerne la validité du contrat :
11. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité, relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
12. Pour rejeter la demande de provision de M. Jorion, le juge des référés du tribunal administratif a considéré que l'obligation dont se prévalait ce dernier sur le fondement de la convention d'honoraires le liant à la commune de Sada n'était pas non sérieusement contestable dès lors que les conditions dans lesquelles elle avait été signée conduisaient à s'interroger sur l'intention de favoriser le cabinet de M. Jorion et, par suite, sur la régularité du marché conclu. A cet égard, le juge des référés a relevé le fait que ladite convention avait été signée en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence et était datée du jour même où M. Jorion avait proposé les services de son cabinet au maire de Sada.
13. S'il n'est pas contesté que la conclusion de la convention du 18 octobre 2018 n'a été précédée d'aucune formalité de publicité ni de mise en concurrence, un tel vice, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il révèlerait une intention de la commune de Sada de favoriser M. Jorion, ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige ne puisse être réglé sur le fondement de ce contrat. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que le directeur général adjoint de la commune n'aurait pas eu qualité pour solliciter les services de cet avocat au nom de la commune ne saurait davantage constituer un vice d'une particulière gravité, relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, cette convention a été signée tant par M. Jorion que par le maire de la commune de Sada. Dès lors qu'il y a lieu de faire application du contrat, l'existence d'une créance de M. Jorion n'est pas sérieusement contestable. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de l'ordonnance attaquée au regard du moyen tiré de ce que le juge des référés aurait soulevé d'office le moyen exposé au point 12 sans en avoir informé les parties, M. Jorion est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande de provision dont il l'avait saisi.
14. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le montant de la provision.
En ce qui concerne le montant de la provision :
S'agissant du principal :
15. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il résulte de l'instruction que, par une convention d'honoraires conclue à titre onéreux le 18 juin 2018, la commune de Sada a confié à M. Jorion, avocat, une mission de fourniture de prestations juridiques pour répondre à ses besoins de service. Cette mission, décrite à l'article 1 de la convention, consiste à assister la commune de Sada tant au titre du conseil qu'au contentieux, en demande et en défense, dans les matières listées relevant de la compétence du cabinet : droit de l'urbanisme, droit des sols, droit de l'aménagement, droit de la commande publique, droit des agents publics. Cette mission est rémunérée par des honoraires dont le montant est fixé à l'article 2 de cette même convention. Dans ce cadre, M. Jorion a émis, premièrement, le 2 octobre 2020, une facture n° 20217 de 300 euros au titre d'une consultation pour la construction d'un cinéma, une facture n° 20218 de 2 400 euros au titre d'une consultation pour la mise à disposition d'écrans de communication, une facture n° 20219 de 800 euros au titre d'une consultation concernant une problématique de chiens errants sur la commune, une facture n° 20220 de 4 000 euros pour la défense au contentieux des intérêts de la commune, une facture n° 20221 de 2 700 euros au titre d'une consultation pour la construction de l'hôtel de ville et une facture n° 20222 de 1 000 euros au titre d'une consultation pour des projets de baux commerciaux, deuxièmement, le 3 juillet 2020, une facture n° 20144 de 2 500 euros au titre de la défense des intérêts contentieux de la commune, troisièmement, le 1er avril 2020, une facture de 6 000 euros au titre d'une consultation juridique sur un dossier général, quatrièmement, le 19 février 2020, une facture n° 20040 de 5 000 euros au titre d'une formation dispensée en police de l'urbanisme, et cinquièmement, le 29 mai 2019, une facture n° 19120 de 1 800 euros au titre d'une consultation portant sur la sous-traitance des PME. Il est constant que ces factures, pour le règlement desquelles M. Jorion a relancé la commune de Sada à de multiples reprises, n'ont pas été payées par cette collectivité qui, en réponse, a invoqué l'entière consommation de son budget. Il ne résulte pas de l'instruction que les montants de ces factures seraient excessifs ni qu'ils ne correspondraient pas à des prestations réalisées par le cabinet d'avocat de M. Jorion. Dans ces conditions, alors même que les factures n'indiquent pas le taux horaire ou forfaitaire appliqué, l'existence de l'obligation de la commune de Sada envers M. Jorion présente un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à hauteur de 26 500 euros. L'intéressé est donc fondé à demander la condamnation de la commune de Sada à lui verser une provision de ce montant.
S'agissant des intérêts moratoires :
16. Compte tenu du fait qu'il n'est pas contesté que le délai de paiement des sommes dues a été dépassé et que le décompte des intérêts moratoires calculés par M. Jorion au taux annuel de 8% appliqué par la Banque centrale européenne n'est pas critiqué par la commune de Sada, l'obligation de cette collectivité envers M. Jorion présente un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à hauteur de la somme réclamée de 7 175, 03 euros. M. Jorion est donc fondé à demander que la condamnation de la commune de Sada à lui verser une provision d'un montant de 26 500 euros soit assortie d'une somme de 7 175, 03 euros au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2023.
S'agissant de l'indemnité pour frais de recouvrement :
17. Il résulte de ce qui précède, en particulier de ce qui a été exposé au point 15, que la somme de 400 euros que demande M. Jorion au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dont le montant est fixé à 40 euros, qui correspond aux frais de recouvrement des 10 factures non réglées par la commune, constitue une créance non sérieusement contestable. Il y a donc lieu de mettre cette somme à la charge de la commune de Sada.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 741-2 et L.741-3 du code de justice administrative :
18. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Selon l'article L. 741-3 du même code : " Si des dommages-intérêts sont réclamés à raison des discours et des écrits d'une partie ou de son défenseur, la juridiction réserve l'action, pour qu'il y soit statué ultérieurement par le tribunal compétent, conformément au cinquième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-dessus reproduit. (...) ".
19. Contrairement à ce que soutient M. Jorion, ni le mémoire ni à défaut le passage dont il demande la suppression dans les écritures de la commune de Sada n'excède les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ne présente un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression. En l'absence d'un préjudice établi, les conclusions tendant au versement par la commune de Sada d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Sada une somme de 1 200 euros à verser à M. Jorion au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Sada dès lors que M. Jorion n'est pas la partie perdante à l'instance.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2104734 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 12 décembre 2023 est annulée.
Article 2 : La commune de Sada est condamnée à verser à M. Jorion une provision d'un montant de 26 500 euros assortie d'une somme de 7 175, 03 euros au titre des intérêts moratoires.
Article 3 : La commune de Sada versera à M. Jorion une somme de 400 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Article 4 : La commune de Sada versera à M. Jorion une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Benoît Jorion et à la commune de Sada.
Fait à Bordeaux, le 7 novembre 2024.
Le juge d'appel des référés,
Karine Butéri
La République mande et ordonne au préfet de Mayotte, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX03200