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19/11/2024 | FRANCE | N°24BX01739

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 19 novembre 2024, 24BX01739


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner l'Etat à lui verser à titre de provision, sur le fondement de l'article R 541-1 du code de justice administrative, la somme totale de 26 486, 20 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident de service reconnu imputable au service.



Par ordonnance du 4 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024 et des mémoires e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner l'Etat à lui verser à titre de provision, sur le fondement de l'article R 541-1 du code de justice administrative, la somme totale de 26 486, 20 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident de service reconnu imputable au service.

Par ordonnance du 4 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024 et des mémoires enregistrés les 9 et 11 octobre 2024, Mme B... représentée par Me Renoult, demande à la cour :

- d'annuler cette ordonnance ;

- à titre principal de condamner l'administration au paiement de la somme de 26 486,2 euros à titre de provision ;

- à titre subsidiaire de condamner l'administration à lui verser une provision de 22 531 euros ;

- de condamner l'administration à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens en application de l'article R 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- son accident de service a été reconnu imputable au service par décision de la rectrice de l'académie le 18 mars 2022 et elle est donc fondée à solliciter la condamnation de l'administration, même en l'absence de faute de celle-ci, à lui verser une indemnité complémentaire réparant ses préjudices patrimoniaux et personnels non réparés par l'allocation temporaire d'invalidité et en conséquence, l'obligation indemnitaire est non sérieusement contestable ;

- l'expertise réalisée par le médecin agréé ainsi que l'avis du conseil médical permettent de déterminer le quantum non sérieusement contestable des préjudices qu'elle a subis ;

- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire qui, compte tenu du déficit fonctionnel permanent fixé à 15 % à la date de consolidation, peut être évalué à 15 % sur la base de 16 euros par jour entre le 4 juin 2021 et le 7 juillet 2022 soit 398 jours, soit un total de 955,2 euros ;

- les souffrances qu'elle a endurées avant sa consolidation qui peuvent être évaluées à 2/7 doivent être indemnisées par une somme de 3 000 euros ;

- compte tenu de son taux d'incapacité permanente partielle évalué par l'expert psychiatre le 12 décembre 2022 à 15 % et de son âge, 40 ans, à la date de consolidation, ce préjudice peut être évalué à hauteur de 22 531 euros.

- à titre subsidiaire, le déficit fonctionnel permanent a fait l'objet d'une évaluation par un médecin agréé et par le conseil médical de sorte que son évaluation et son indemnisation ne sont pas sérieusement contestables ; c'est à tort que le tribunal a considéré les trois postes de préjudices comme sérieusement contestables dans la mesure où l'un d'entre eux avait déjà été évalué et qu'il aurait alors dû réduire le montant de la provision à ce poste de préjudice déjà déterminé soit une provision de 22 531 euros.

Par mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, la rectrice de la région académique de Guadeloupe conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- La créance de Mme B... ne peut être regardée comme non sérieusement contestable dès lors que sa demande ne s'appuie que sur la seule expertise du psychiatre qui ne se prononce que sur la date de consolidation et sur un taux d'IPP de 15 % confirmé ensuite par le conseil médical réuni en formation plénière et ne permet pas de se prononcer sur la nature et l'étendue des préjudices ni de caractériser l'existence de préjudices de nature à ouvrir droit à réparation, en l'absence d'un rapport d'expertise judiciaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre, en qualité de juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeur des écoles affectée à l'école Suzanne Rollon au Gosier, a été victime d'un malaise à son domicile le 4 juin 2021 et estimant qu'il avait été causé par des mois de souffrance dans l'exercice de sa profession, a effectué une déclaration d'accident de service. La rectrice de la région académique de Guadeloupe a reconnu l'imputabilité au service de cet accident par décision du 18 mars 2022, au regard des conclusions médicales et de l'enquête administrative. L'expert psychiatre qui a examiné Mme B... à la demande de l'administration, a estimé dans son rapport du 31 décembre 2022, que la date de consolidation de l'état de santé de celle-ci pouvait être fixée au 7 juillet 2022 et, après avoir constaté l'absence d'état antérieur, que le taux d'incapacité permanente partielle pouvait être fixé à 15 %. Ces conclusions ont été reprises par le conseil médical réuni en formation plénière qui a émis un avis favorable à la demande d'allocation temporaire d'invalidité de Mme B... le 5 juin 2023. Celle-ci a ensuite saisi l'administration d'un recours indemnitaire préalable en vue de l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, le 13 décembre 2023, lequel a fait l'objet d'un rejet implicite. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 4 juillet 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 26 486,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de son accident de service.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".

Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et à leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.

4. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est constant que Mme B..., professeur des écoles, a, été victime le 4 juin 2021 d'un malaise à son domicile qui a été reconnu comme accident imputable au service, par décision de la rectrice de la région académique de Guadeloupe, du 18 mars 2022. L'administration a fixé la date de consolidation au 7 juillet 2022 et reconnu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % en reprenant les conclusions de l'expert psychiatre en date du 31 décembre 2022 qu'elle avait désigné afin qu'il examine Mme B..., et l'avis rendu par le conseil médical en formation plénière sur le taux proposé. Par suite, en application des règles rappelées ci-dessus, la responsabilité de l'Etat est engagée en l'absence de toute faute, et l'existence de son obligation envers la requérante à ce titre présente un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R 541-1 du code de justice administrative.

5. Dès lors que l'incapacité permanente partielle est un préjudice extrapatrimonial que l'allocation temporaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer, Mme B... est fondée à demander qu'une indemnité complémentaire lui soit allouée à ce titre. L'intéressée dont le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé par l'Etat à 15 % sur le fondement du rapport de l'expert psychiatre qu'il avait désigné ainsi qu'il a été dit précédemment, était âgée de 40 ans à la date de consolidation de son état de santé le 7 juillet 2022. L'administration qui a retenu ce taux de 15 % ainsi que la date de consolidation, n'explicite pas dans ses écritures, la raison pour laquelle ces éléments ne pourraient être retenus. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du psychiatre désigné par l'administration décrivant les séquelles de l'accident et constatant l'absence d'état antérieur de Mme B..., que contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif, il y a lieu de considérer l'obligation de réparation par l'Etat de ce chef de préjudice comme présentant un caractère non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 20 000 euros. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction ni des éléments produits que les préjudices invoqués résultant des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire présenteraient un caractère non sérieusement contestable.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme B... une provision de 20 000 euros et de réformer en ce sens l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme B..., sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B... une provision de 20 000 euros.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 4 juillet 2024 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique de Guadeloupe.

Fait à Bordeaux, le 19 novembre 2024.

La juge des référés,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24BX01739


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX01739
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RENOULT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;24bx01739 ?
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