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14/01/2025 | FRANCE | N°23BX00352

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 14 janvier 2025, 23BX00352


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 4 612 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la privation, au titre des années 2018 à 2021, du bénéfice de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures.

Par un jugement n° 2200325 du 29 décembre 2022, le tribun

al administratif de la Martinique a condamné la commune de Sainte-Anne à verser à M. B... la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 4 612 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la privation, au titre des années 2018 à 2021, du bénéfice de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures.

Par un jugement n° 2200325 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la commune de Sainte-Anne à verser à M. B... la somme de 3 459 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022, a rejeté le surplus de la demande et a mis à la charge de la commune de Sainte-Anne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, la commune de Sainte-Anne, représentée par Me Yang-Ting Ho, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 3 459 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait que M. B... ait pu obtenir l'indemnité d'exercice de missions des préfectures les années précédentes ne constituait pas un acquis ; l'absence de versement de cette indemnité au titre des années 2018 à 2021 ne constitue pas une sanction ;

- une décision refusant le versement d'une prime attribuée en considération de la manière de servir d'un agent ou restreignant son montant n'a pas à être motivée, ni davantage à être précédée d'une procédure contradictoire ;

- M. B... n'a pas contesté dans le délai de recours contentieux la délibération du conseil municipal de Sainte-Anne du 29 décembre 2016 ;

- les évaluations positives dont a bénéficié M. B... concernaient uniquement les années 2015 et 2018 ; il n'a pas été évalué pour les années 2019, 2020 et 2021 ;

- aucun agent de la collectivité n'a bénéficié de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures pour l'année 2021, année durant laquelle la commune avait débuté les travaux indemnitaires de mise en place du nouveau Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions de Sujétions, de l'Expertise et de l'Engagement Professionnel (RIFSEEP) ;

- M. B... a bénéficié d'une indemnité de 600 euros au titre de l'année 2021.

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2024, M. B..., représenté par Me Ferrer, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Sainte-Anne d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de porter la somme que la commune de Sainte-Anne a été condamnée à lui verser au montant de 4 612 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 et capitalisation des intérêts.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, sa demande indemnitaire, en ce qu'elle portait sur l'année 2020, n'était pas irrecevable ;

- les moyens invoqués par la commune appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me Ferrer, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., titularisé le 1er novembre 2013 dans le cadre d'emploi des adjoints territoriaux d'animation, est affecté sur un emploi d'animateur sportif dans les services de la commune de Sainte-Anne. Au titre des années 2015 à 2017, il a perçu l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP). Aucune somme ne lui ayant été versée au titre de cette indemnité pour les années 2018 à 2021, M. B... a, par une réclamation reçue le 7 mars 2022, sollicité auprès de la commune de Sainte-Anne le versement d'une somme totale de 4 612 euros, correspondant selon lui à la somme qui aurait dû lui être versée au titre de ladite indemnité de 2018 à 2021. A la suite du rejet implicite de cette réclamation, il a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 4 612 euros. Par un jugement du 29 décembre 2022, le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de M. B... en ce qu'elles portaient sur l'année 2020 et a condamné la commune de Sainte-Anne à verser à l'intéressé une somme de 3 459 euros en réparation du préjudice subi à raison de la privation de l'IEMP au titre des années 2018, 2019 et 2021. La commune de Sainte-Anne relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser M. B.... Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la cour de réformer le même jugement en ce qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires relatives à l'année 2020 et de porter en conséquence son indemnisation à la somme totale de 4 612 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

3. En l'espèce, par un arrêté du 5 août 2021, notifié le 15 septembre suivant, le maire de Sainte-Anne a fixé le montant annuel de l'IEMP attribuée à M. B... au titre de l'année 2020 à zéro euro, correspondant à l'application d'un coefficient de modulation de zéro. Cette décision, qui implique une appréciation de la manière de servir de l'agent, ne revêtait pas un caractère purement pécuniaire. Dès lors, et contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, l'expiration du délai de recours en annulation contre cette décision ne faisait pas obstacle à ce que M. B... présente des conclusions indemnitaires en réparation du préjudice subi du fait de la privation, au titre de l'année 2020, du bénéfice de ladite indemnité.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires présentées au titre de l'année 2020. L'article 3 du jugement attaqué doit, par suite, être annulé.

5. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. B... présentées au titre de l'année 2020, et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions des parties.

Sur l'indemnisation de M. B... au titre des années 2018, 2019 et 2021 :

6. La délibération du 29 décembre 2016 du conseil municipal de Sainte-Anne relative à l'IEMP indique que " pour chaque agent, le maire fixe le coefficient de modulation en fonction des critères suivants : la manière de servir, appréciée notamment à travers le sens du service public développé par l'agent ; la disponibilité et l'assiduité (...) ; les fonctions et le niveau hiérarchique (...) ; l'assujettissement à des sujétions particulières ". Cette délibération ajoute que " le coefficient individuel de l'agent est compris entre 0 et 3 dans la limite du crédit global par grade " et précise que, s'agissant des adjoints d'animation de 1ère et 2ème classe, le montant de base annuel de l'indemnité est de 1 153 euros.

7. En premier lieu, la commune de Sainte-Anne, qui se borne à soutenir qu'une décision d'octroi d'une prime modulable tenant compte de la manière de servir n'a ni à être motivée, ni à être précédée d'une procédure contradictoire, n'indique toutefois pas plus en appel qu'en première instance quelles considérations relatives à la manière de servir de M. B... l'ont conduite à le priver du bénéfice de l'IEMP au titre des années 2018, 2019 et 2021. Si la commune persiste à faire valoir qu'elle avait débuté, en 2021, les travaux de mise en place du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions de sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), une telle circonstance ne figure pas au rang des critères, rappelés au point précédent, devant être pris en considération pour fixer, pour chaque agent, le coefficient de modulation de l'IEMP, et ne saurait dès lors justifier légalement un refus de verser cette indemnité.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la manière de servir de M. B... a été évaluée très favorablement au titre de l'année 2018, son compte-rendu d'entretien professionnel le décrivant comme un agent " pétri de qualités ", " à la disposition du service public " et " disponible, motivé et compétent ". Si la commune de Sainte-Anne fait valoir que M. B... n'a pas été évalué au titre des années 2019 à 2021, elle n'établit pas ni même n'allègue que la manière de servir de l'agent aurait évolué défavorablement au titre des années postérieures à 2018. Dans ces conditions, le tribunal s'est livré à une juste appréciation du préjudice subi par M. B... à raison de la privation de l'IEMP au titre des années 2018, 2019 et 2021 en le fixant à 1 153 euros par an, montant correspondant à l'application d'un coefficient de modulation de 1.

9. En dernier lieu, la commune de Sainte-Anne produit, pour la première fois en appel, la décision du 10 novembre 2022 par laquelle son maire à attribué à M. B... une IEMP d'un montant de 600 euros au titre de l'année 2021. Ce dernier ne conteste pas avoir perçu cette somme, qui doit dès lors être déduite du montant de l'indemnisation allouée par le tribunal à l'intéressé au titre des années 2018, 2019 et 2021.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Anne est seulement fondée à demander que l'indemnisation de 3 459 euros allouée par le tribunal à M. B... en réparation du préjudice subi au titre des années 2018, 2019 et 2021 soit ramenée à 2 859 euros ainsi que, dans cette mesure, la réformation de l'article 1er du jugement attaqué.

Sur l'indemnisation de M. B... au titre de l'année 2020 :

11. Eu égard à ce qui a été dit-ci-dessus, M. B... est fondé à demander la condamnation de la commune de Sainte-Anne à lui verser une somme de 1 153 euros, assortie des intérêts à compter du 7 mars 2022 et de la capitalisation des intérêts au 7 mars 2023 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, en réparation du préjudice subi du fait de la privation, au titre de l'année 2020, du bénéfice de l'IEMP.

Sur les frais liés au litige :

12. La commune de Sainte-Anne ayant, pour l'essentiel, la qualité de partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Sainte-Anne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2200325 du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La commune de Sainte-Anne est condamnée à verser à M. B... une somme de 1 153 euros en réparation du préjudice subi du fait de la privation du bénéfice de l'IEMP au titre de l'année 2020. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022. Les intérêts échus au 7 mars 2023 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La somme de 3 459 euros que la commune de de Sainte-Anne a été condamnée à verser à M. B... en réparation du préjudice subi du fait de la privation du bénéfice de l'IEMP au titre des années 2018, 2019 et 2021 est ramenée à 2 859 euros.

Article 4 : L'article 1er du jugement n° 2200325 du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune de Sainte-Anne versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Sainte-Anne est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Anne et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

L'assesseure la plus ancienne,

Valérie Réaut

La présidente-rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00352
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : YANG-TING HO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23bx00352 ?
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