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04/02/2025 | FRANCE | N°24BX01829

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 04 février 2025, 24BX01829


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n°s 2300191,2302526 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°s 2300191,2302526 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du préfet de la Vienne portant refus de délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2024, et des pièces, enregistrées le 1er août 2024, M. A..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 avril 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ; le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement adapté à sa pathologie au Mali ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision méconnait les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision n'est pas motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024.

Un mémoire a été présenté par le préfet de la Vienne le 7 janvier 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 10 octobre 1995, est entré en France en 2017 selon ses déclarations, et a présenté le 9 juillet 2020 une demande d'asile ainsi que la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 9 août 2022. Par un arrêté du 13 juin 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 avril 2024 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des écritures produites devant le tribunal par le préfet de la Vienne, que ladite autorité, saisie le 9 juillet 2020 d'une demande de M. A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a consulté le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par un avis du 22 mars 2021, ce collège a conclu que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale pouvant entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. A la suite de cet avis, la demande de titre de séjour de M. A... a toutefois été " mise en attente " jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur sa demande d'asile. Par un courrier du 9 novembre 2021, que M. A... établit avoir adressé au préfet de la Vienne en produisant, pour la première fois en appel, l'accusé de réception postal correspondant, M. A... a complété sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade en sollicitant, à titre subsidiaire, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, et a produit à l'appui de cette demande complémentaire des pièces relatives à son inscription en licence de géographie. A la suite du rejet de la demande d'asile de M. A... par une décision de la CNDA du 9 août 2022, le préfet de la Vienne a, compte tenu de l'ancienneté de l'avis du 22 mars 2021 du collège des médecins de l'OFII, invité M. A... à actualiser sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. L'intéressé a alors déposé une nouvelle demande en octobre 2022.

3. Il ressort tant de la rédaction de l'arrêté en litige que des écritures du préfet de la Vienne que ce dernier, alors même qu'il a visé dans son arrêté les pièces justifiant du suivi d'études universitaires par M. A..., a toutefois omis d'examiner sa demande, présentée à titre subsidiaire, de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. La décision de refus de titre de séjour est, par suite, entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 mai 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 13 juin 2023 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et alors que, en l'état de l'instruction, les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas susceptibles d'être accueillis et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Vienne procède à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de l'intéressé. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, et de munir l'intéressé, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État et au profit de Me Desroches, avocate de M. A..., une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 2300191,2302526 du 23 mai 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023 du préfet de la Vienne.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Vienne du 13 juin 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 4 : L'État versera à Me Desroches une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Marjorie Desroches, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01829
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24bx01829 ?
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