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03/04/2025 | FRANCE | N°23BX00136

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 03 avril 2025, 23BX00136


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 19 mars 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre

lui a infligé un blâme.



Par un jugement n°2100525 en date du 11 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 12 janvier 2023

et 20 janv

ier 2025, Mme B..., représentée par Me Arvis, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 19 mars 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre

lui a infligé un blâme.

Par un jugement n°2100525 en date du 11 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 12 janvier 2023

et 20 janvier 2025, Mme B..., représentée par Me Arvis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 19 mars 2021 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- le jugement est irrégulier en ce que, d'une part, les premiers juges n'ont pas spécifiquement répondu aux moyens tirés de la disproportion de la sanction, soulevé dès la requête introductive, et de l'erreur de droit, et d'autre part, il est entaché d'une méconnaissance des articles L. 5 et R. 611-7 du code de justice administrative dès lors qu'en lui communiquant un moyen d'ordre public imprécis tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité interne soulevés après le délai de recours contentieux, ils ne l'ont pas mise à même de présenter utilement ses observations ;

- la décision du 19 mars 2021 a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne mentionne pas les raisons pour lesquelles l'avis du conseil de discipline, qui avait proposé un avertissement, n'a pas été suivi ; en outre l'administration n'a pas informé les membres du conseil de discipline des motifs l'ayant conduite à ne pas suivre leur proposition, comme le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 le lui imposait ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, en méconnaissance de l'article L.532-5 du code général de la fonction publique dès lors que l'avis émis par le conseil de discipline est également insuffisamment motivé, de sorte qu'elle a été privée d'une garantie ;

- les droits de la défense ont été méconnus dès lors que le centre hospitalier

de Basse-Terre ne démontre pas qu'il l'aurait informée de la possibilité, ni de se voir communiquer son entier dossier administratif, ni de présenter des observations écrites ou orales lors de la séance du conseil de discipline, et qu'il n'est pas non plus établi qu'elle aurait été invitée à présenter d'ultimes observations avant le délibéré du conseil de discipline ;

- la sanction est entachée d'un autre vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait été convoquée à la séance du conseil de discipline dans les délais prévus à

l'article 2 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- il n'est pas établi que la composition du conseil de discipline était régulière ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'erreur d'appréciation ;

- la sanction est disproportionnée eu égard aux faits reprochés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 décembre 2024 et le 20 février 2025,

le centre hospitalier de Basse-Terre, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de légalité interne en tant qu'ils ont été soulevés après l'expiration du délai de recours contentieux constituent une cause juridique nouvelle, de sorte qu'ils étaient bien irrecevables ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée

au 21 février 2025 à 12h 00 heures.

Un mémoire a été présenté pour Mme B... le 7 mars 2025.

Une note en délibéré présentée pour le centre hospitalier de la Basse-Terre a été enregistrée le 17 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteur public,

- les observations de Me Arvis, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce des fonctions d'ingénieure biomédicale au sein du centre hospitalier de Basse-Terre (CHBT) depuis le 15 avril 2005. En 2017, à la suite de la dégradation de ses relations avec deux des agents du service qu'elle supervisait, les responsabilités relatives à l'atelier de maintenance du matériel médical lui ont été retirées. Toutefois cette organisation s'étant révélée inefficiente, la direction de l'établissement a imposé en 2019 à Mme B... de reprendre la supervision et l'encadrement de l'ensemble du service biomédical, ce qu'elle a contesté. Après de nombreux incidents manifestant des tensions non seulement avec le personnel de l'établissement mais aussi avec plusieurs fournisseurs de matériel, la directrice, qui reprochait également à Mme B... un manque de célérité dans la mise en œuvre des commandes de matériel pendant la période de crise sanitaire, a saisi le conseil de discipline en vue d'une révocation. Le conseil de discipline réuni le 19 février 2021 a proposé un avertissement. Par décision du 19 mars 2021, réceptionnée le 30 mars suivant, la directrice du CHBT a prononcé un blâme à l'encontre de l'intéressée en retenant une absence de respect de l'autorité hiérarchique à l'occasion de plusieurs incidents, un manque de savoir-être dans les relations avec les collaborateurs de l'établissement et les prestataires extérieurs, un manque de célérité dans la mise en œuvre des commandes et un manque de collaboration avec les médecins membres de la sous-commission du matériel médical, et une absence de maîtrise des sujets financiers, l'ensemble caractérisant un " déficit de management ", ainsi qu'un comportement abusivement autoritaire à l'encontre de ses collaborateurs internes et externes, des attitudes conflictuelles avec la hiérarchie et son équipe et un manquement à l'obligation de diligence, de loyauté et de réserve. Mme B... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 9 du décret

du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / (...) ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée ".

3. Il résulte de ces dispositions que si l'exigence de motivation de l'avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline constitue une garantie, cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de cette commission comportant des mentions suffisantes.

4. Mme B... soutient, pour la première fois devant la cour, que l'avis du conseil de discipline du 19 février 2021 n'est pas suffisamment motivé. Il ressort des pièces du dossier que l'avis adopté par le conseil de discipline se borne à renvoyer de façon vague aux faits décrits dans le rapport de saisine et aux échanges tenus lors de la séance, sans indiquer en rien les griefs qu'il retient parmi les nombreux faits exposés ni qualifier en quoi ils constitueraient une ou des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Si l'administration a produit, en appel, le procès-verbal de cette réunion du conseil de discipline à laquelle Mme B... était présente avec son conseil, ce document, qui se borne à faire référence au décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière qui aurait été " présenté en préambule du conseil par M. C... ",ne précise pas les fondements des obligations auxquelles l'intéressée aurait manqué. Par ailleurs, le procès-verbal de cette réunion du conseil de discipline ne rend compte que des propos tenus par les différents participants à la réunion du conseil de discipline avant son délibéré, sans énoncer de manière suffisamment circonstanciée les griefs sur lesquels le conseil de discipline s'est appuyé pour adopter son avis. Dès lors, en l'absence de motivation suffisante en fait et en droit de l'avis du conseil de discipline, en lui-même ou dans le procès-verbal de la réunion à l'issue de laquelle il a été adopté, Mme B... est fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre hospitalier de Basse-Terre sur ce fondement.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Basse-Terre le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2100525 du tribunal administratif de la Guadeloupe et la décision du 19 mars 2021 de la directrice du centre hospitalier de Basse-Terre sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier

de Basse-Terre.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025

La présidente-assesseure,

Sabrina Ladoire

La présidente, rapporteure

Catherine D...Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23BX00136 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00136
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23bx00136 ?
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