Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2303985 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Genevay, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 du préfet de la Dordogne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les deux condamnations dont il a fait l'objet ne peuvent le faire regarder comme une menace pour l'ordre public et que le préfet n'a pas contesté qu'il s'occupe de ses deux enfants français ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/001408 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux
du 28 mai 2024.
Par un mémoire enregistré le 18 février 2025, la préfète de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 27 décembre 1995, déclare être entré en France en mars 2012. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité de conjoint de français de décembre 2017 à décembre 2019, et deux enfants français sont nés de cette union les 25 février 2018 et 19 mai 2019. Le 5 octobre 2020, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Après avis défavorable de la commission du titre de séjour rendu le 6 mai 2022 en son absence, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour par un arrêté du 27 janvier 2023. M. B... relève appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
4. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité, le préfet, qui a relevé que l'intéressé est père de deux enfants français et séparé de leur mère, s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 432-1 et a considéré qu'en raison des deux condamnations pénales dont avait fait l'objet l'intéressé, sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé qu'il a été condamné d'une part le 22 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Périgueux à 100 euros d'amende pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance commis le 9 octobre 2017, et d'autre part à 8 mois d'emprisonnement pour des faits de rébellion et de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours commis le 1er avril 2021. Toutefois, cette dernière condamnation, dont le préfet n'explicite pas les faits qui en sont à l'origine, est restée isolée et ne suffit pas, alors au demeurant qu'elle a été exécutée à domicile sous bracelet électronique, à démontrer que M. B..., dont le préfet ne nie pas sérieusement l'implication dans l'éducation de ses deux enfants français, représenterait à la date de la décision une menace pour l'ordre public d'une gravité telle qu'elle ferait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour.
5. La préfète fait valoir que M. B... n'a déposé aucun dossier sur le fondement de l'article L. 423-7 ou de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois l'intéressé soutient sans être contredit qu'il avait fourni à la préfecture un ensemble de documents, dont il n'avait pas gardé copies, pour justifier de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants. Alors que l'ensemble des témoignages qu'il a produits avec sa requête devant la cour, y compris celui de son ex-épouse, attestent qu'il participe activement à l'éducation de ses deux fils et contribue financièrement quand il le peut au regard de la modestie des ressources que lui procurent ses activités en intérim, M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée, qui l'empêche de subvenir mieux aux besoins de ses enfants, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande, et qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Genevay sur le fondement de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du préfet de la Dordogne du 27 janvier 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Dordogne de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français.
Article 3 : L'Etat versera à Me Genevay une somme de 1 200 euros sur le fondement de
l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Dordogne et à Me Genevay.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, président-assesseur.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
L'assesseur le plus ancien,
Nicolas NormandLa présidente, rapporteure
Catherine C...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01838