Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions du 3 août 2022 par lesquelles la directrice du centre hospitalier de Mauléon lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours et lui a retiré les fonctions de responsable du service technique, ainsi que de condamner le centre hospitalier de Mauléon à lui verser la somme de 25 533,10 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions et de la situation de harcèlement moral en découlant.
Par un jugement n° 2202743 en date du 18 septembre 2024, le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 30 octobre 2024 et
12 février 2025, M. C..., représenté par Me Dubourdieu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision n° 2022/1056 du 3 août 2022 portant exclusion temporaire de trois jours ainsi que la décision n° 2022/1057 du même jour lui retirant les fonctions de responsable de service technique ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Mauléon à lui verser la somme
de 25 533,10 euros ;
4°) d'enjoindre à la directrice du centre hospitalier de Mauléon de créditer son compte épargne- temps des 103 heures débitées au mois de mars 2022 ;
5°) de condamner le centre hospitalier de Mauléon à lui verser une somme
de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande n'était pas tardive dès lors que le délai de recours a été suspendu par sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle le 29 septembre 2022 ; la décision du
11 octobre 2022 y faisant droit n'a été notifiée que le 3 novembre 2022 ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas lié le contentieux, alors qu'il a adressé au centre hospitalier de Mauléon plusieurs courriers et une réclamation indemnitaire préalable le 1er décembre 2022, soit cinq jours avant la saisine du tribunal administratif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions du 3 août 2022 :
- elles sont constitutives d'un harcèlement moral dès lors qu'elles ont été prononcées parce qu'il a dénoncé, d'une part, les modalités de rémunération déterminées en méconnaissance des dispositions de l'article 15 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans la fonction publique et d'autre part, les conditions de positionnement en astreinte ; il a fait l'objet d'une nouvelle organisation du service des astreintes sans saisine du CTE. alors même qu'elle est obligatoire, conduisant à une minoration de la rémunération de ses temps d'astreintes ; sa demande de régularisation de sa situation a été rejetée et a entraîné la dégradation de ses relations contractuelles ; il a été exclu d'une partie des fonctions inscrites dans sa fiche de poste et aurait été remplacé par des personnes extérieures au service sans compétence ni expérience (le conjoint et le fils de la directrice de l'établissement) ; son accès au logiciel Planiciel, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, a été supprimé ; il a été mis d'office en RTT en violation de l'article 3 du décret n° 2002-788 du
3 mai 2002 ; il a fait l'objet de reproches et d'une lettre de rappel à l'ordre injustifiée le 4 juillet 2022 alors même qu'il était le seul agent du service technique présent ; une fin de non-recevoir a été opposée illégalement à l'exercice de son droit de retrait ; la procédure disciplinaire a été déclenchée le même jour que sa déclaration d' " évènements indésirables " ayant pu mettre en danger gravement la sécurité des résidents, imputables au conjoint de la directrice de l'établissement ; il a été publiquement dénigré dès lors que la note de service faisant état de sa rétrogradation fonctionnelle a été affichée ; il démontre ainsi le caractère répété des faits constitutifs d'un harcèlement moral à l'origine de la dégradation grave des conditions d'exercice de ses fonctions, et constituant des atteintes à ses droits et à sa dignité ;
- cette situation a conduit à une altération de son état de santé ;
En ce qui concerne la décision n° 2022/1057 portant exclusion des fonctions de responsable du service technique :
- elle est constitutive d'une sanction disciplinaire qui n'est pas prévue par la grille applicable ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le conseil de discipline n'a pas été saisi, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 533-1 du code de justice administrative ;
- elle a été prononcée pour une durée indéterminée alors même qu'aucune disposition légale ne le prévoit ;
En ce qui concerne la décision n° 2022/1056 portant exclusion temporaire des fonctions :
- elle emporte une sanction disciplinaire reposant sur des griefs injustifiés, imprécis, non circonstanciés et ne prenant pas en considération les difficultés entravant la réalisation et l'organisation des prestations du service technique, de sorte que les faits reprochés tenant au refus d'obéissance et à l'exécution fautive des tâches confiées ne sont pas matériellement
établis ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la sanction est disproportionnée par rapport à une éventuelle faute dès lors que ses états de service sont excellents et que certains griefs sont infondés ;
- il n'a pas commis d'abus de droit dès lors que tout salarié peut librement exprimer ses opinions personnelles sur le fonctionnement et l'organisation de son entreprise et que ses propos n'étaient pas injurieux, diffamatoires ou excessifs ;
Sur les conclusions indemnitaires :
- les décisions du 3 août 2022 sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Mauléon dès lors qu'elles sont entachées d'une illégalité fautive ;
- ses préjudices devront être réparés par le versement des sommes de :
- 190,61 euros au titre du préjudice économique subi en raison du rappel de traitement pour la période de suspension temporaire de fonctions de trois jours ;
- 342,49 euros au titre du préjudice économique subi en raison de la poursuite de l'exécution de sa suspension ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de la notification de sanctions disciplinaire abusives, illicites et vexatoires ;
- 20 000 euros au titre du préjudice subi en raison du harcèlement moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2025, le centre hospitalier de Mauléon, représenté par Me Hounieu, conclut à titre principal à la confirmation de l'irrecevabilité de la demande, à titre subsidiaire au rejet de celle-ci ou à titre infiniment subsidiaire à ce que les indemnités soient ramenées à de plus justes proportions et à ce que
M. C... soit déclaré irrecevable à contester le titre exécutoire émis à son encontre pour la régularisation de rémunérations d'astreintes, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. C... n'ayant pas fait état de la décision d'aide juridictionnelle dans ses écritures de première instance, il y a lieu de confirmer la tardiveté opposée par le tribunal à ses conclusions en annulation des décisions du 3 août 2022 ;
- les conclusions indemnitaires étaient irrecevables faute de liaison du contentieux ;
- la décision n° 2022/1056 n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
- la sanction disciplinaire est proportionnée à la gravité des faits reprochés à l'intéressé ;
- les faits rapportés par M. C... ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;
- M. C... n'a subi aucun préjudice économique ;
- M. C... n'établit pas avoir subi un préjudice moral du fait la notification de sanctions disciplinaires abusives, illicites et vexatoires ;
- M. C... n'établit pas davantage avoir subi un préjudice moral en raison de faits constitutifs de harcèlement moral ;
- aucun autre moyen de M. C... n'est fondé.
Par ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au
26 février 2025 à 12h 00 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Girault, rapporteure,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rouget, représentant le centre hospitalier de Mauléon.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., titularisé au sein du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie le
28 juin 2015 en qualité d'ouvrier professionnel qualifié, a bénéficié d'un détachement pour une durée de trois ans à compter du 1er octobre 2018 au sein du centre hospitalier de Mauléon. Il a été recruté par ce même établissement en qualité d'agent de maîtrise principal à compter du
1er avril 2021. Par courrier du 13 juillet 2022, il a été informé qu'en raison de " manquements aux obligations de secret professionnel, de discrétion professionnelle et de réserve " et " refus d'obéissance et exécution fautive des tâches confiées ", la directrice du centre hospitalier de Mauléon envisageait de prendre à son encontre une sanction disciplinaire. Le 19 juillet suivant, l'entier dossier administratif a été remis à M. C.... Après un entretien du 25 juillet 2022, l'intéressé s'est vu notifier le 6 août 2022 deux décisions du 3 août 2022, la première n° 2022/1056 portant exclusion temporaire de ses fonctions durant trois jours et la seconde n° 2022/1057 l'informant qu'il n'exercera plus les fonctions de responsable à compter du
8 août 2022. M. C... relève appel du jugement du 18 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes d'annulation de ces décisions et de condamnation du centre hospitalier à indemniser le préjudice subi, comme étant irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le recours formé contre une décision administrative doit être présenté dans le délai de deux mois à compter de sa notification ou de sa publication.
3. D'autre part, les dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique disposent que " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a saisi le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Pau le 29 septembre 2022, soit avant l'expiration du délai courant à l'égard des décisions en litige du 3 août 2022, réceptionnées le 6 août 2022. La circonstance que ce bureau a rejeté sa demande par une décision du 11 octobre 2022, qui est au dossier de première instance, est sans incidence sur l'interruption du délai de recours juridictionnel, qui a recommencé à courir à la date de notification de ce rejet pour un délai de deux mois conformément aux dispositions précitées. Par suite, en saisissant le 5 décembre 2022 le tribunal administratif de Pau d'un recours à fin d'annulation des décisions du 3 août 2022, M. C... a agi dans les délais qui lui étaient impartis, et c'est à tort que le tribunal lui a opposé une tardiveté de cette demande.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
5. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
6. M. C... avait produit devant le tribunal deux demandes indemnitaires réceptionnées par le centre hospitalier les 28 septembre 2022 et 4 novembre suivant tendant à ce que lui soit versée la somme de 1 528,17 euros au titre d'un reliquat d'heures d'astreinte non payées, ce qui ne correspondait pas aux demandes présentées en vue de l'indemnisation de l'exclusion temporaire et d'un harcèlement moral, si bien que le tribunal a fait droit au moyen de défense du centre hospitalier tiré de l'absence de justification d'une liaison du contentieux sur ce point. Toutefois, M. C... produit pour la première fois en appel la réclamation préalable indemnitaire qu'il a adressée par courrier avec accusé de réception le 1er décembre 2022 au centre hospitalier de Mauléon tendant au versement d'une somme de 25 533,10 euros, dont le fait générateur est identique à celui développé à l'appui des conclusions indemnitaires de l'intéressé. Il établit ainsi avoir lié le contentieux dans les délais impartis, et une décision implicite de rejet était née avant que le tribunal se prononce le 18 septembre 2024, de sorte que sa demande de première instance était recevable, alors même qu'il n'en avait pas justifié devant les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevables l'ensemble des conclusions dont il était saisi. Ce jugement est ainsi irrégulier et doit par suite être annulé.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Pau pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de M. C....
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 septembre 2024 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Pau.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au centre hospitalier de Mauléon.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,
M. A... B..., président- assesseur.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
L'assesseur le plus ancien,
A... B...La présidente, rapporteure
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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