Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Fernando X demeurant ..., par Me Drye, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99813 en date du 18 juillet 2002 du tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Angicourt à l'indemniser à hauteur de 500 000 francs du préjudice qu'il estime subir du fait du rétablissement de la circulation sur la portion de la route départementale 29 passant devant sa propriété et à lui verser la somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
2°) de condamner le département de l'Oise et la commune d'Angicourt à lui payer la somme de 76 224,51 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin de déterminer l'étendue des désordres ;
4°) de condamner le département de l'Oise et la commune d'Angicourt à payer à M. X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 67-03-03
Il soutient que cette situation a des répercussions immédiates non seulement sur la tranquillité dont il jouissait mais également sur la construction qu'il a édifiée et qui est aujourd'hui fissurée en de nombreux points ; que la responsabilité de cette situation incombe au maître de l'ouvrage, le département de l'Oise et à la commune qui a procédé aux travaux d'aménagement ; qu'il a subi un dommage grave et anormal puisqu'il résulte d'une modification de l'assiette de la voirie, de son utilisation et des travaux d'aménagement qui ont considérablement aggravé les nuisances qu'il pouvait être appelé à supporter en qualité de riverain d'une voirie départementale désaffectée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2002, présenté pour la commune d'Angicourt, représentée par son maire en exercice, par Me Pourchez, avocat, concluant au rejet de la requête, à sa mise hors de cause du litige et à la condamnation de M. X à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait valoir qu'en l'espèce il n'est pas contesté que le chemin litigieux constitue un chemin départemental dénommé CD 29 ; que la voie litigieuse ne fut jamais déclassée et ainsi, même si elle a été peu empruntée pendant quelques années, elle a gardé vocation à être utilisé conformément à sa nature ; que c'est en toute connaissance de cause que M. X a fait l'acquisition de ses immeubles ; que M. X n'apporte aucun élément de preuve justifiant de son préjudice anormal et spécial ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2003 par télécopie et son original enregistré le 10 mars 2003, présenté pour le département de l'Oise, représenté par son président en exercice par la SCP Bore et Xavier, avocats, concluant à titre principal, à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et, en tout état de cause, à la condamnation de M. X et de la commune à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que le tribunal administratif d'Amiens a méconnu les termes du litige et a dénaturé les conclusions des parties en énonçant, dans son jugement, que la commune aurait appelé en la cause le département ; que la commune ne saurait demander au département de la garantir de son absence de responsabilité ; que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de fait ; que le recours de M. X est irrecevable ; que, quel que soit le degré de spécialité ou d'anormalité des dommages provoqués par les changements d'assiette et d'orientation d'une voie publique, les modifications apportées à la circulation générale ne sont pas de nature à ouvrir droit à réparation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 juin 2003, présenté pour M. X concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2003 où siégeaient Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin Desmartis, président-assesseur et M. Lequien, premier conseiller :
- le rapport de Mme Merlin Desmartis, président-assesseur,
- les observations de Me Pourchez, avocat, membre de la SCP Pourchez-Behague, avocat, pour la commune d'Angicourt,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, par jugement en date du 18 juillet 2002, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir rejeté les conclusions de M. X dirigées contre la commune d'Angicourt, a examiné les conclusions de M. X supposément dirigées contre le département de l'Oise qui aurait été appelé en la cause par la commune ; qu'en procédant de la sorte, les premiers juges ont dénaturé les conclusions des parties et ont statué ultra petita ainsi que le soutient le département de l'Oise par la voie du recours incident ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement entaché d'irrégularité et d'évoquer la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant, d'une part, que si les travaux de réaménagement du plan de circulation de l'agglomération d'Angicourt ont entraîné le rétablissement de la circulation en sens unique sur une portion de la route départementale n° 29 qui avait été délaissée, sans pour autant être déclassée, pendant une vingtaine d'années, et intensifié la circulation automobile devant la maison d'habitation de M. X, les modifications apportées à la circulation générale et résultant des changements dans l'assiette ou la direction des voies publiques ne sont pas de nature à donner droit au versement d'une indemnité ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander réparation des préjudices qui seraient résultés des travaux en cause ;
Considérant, d'autre part, que si M. X soutient qu'il est porté atteinte à sa tranquillité et à sa sécurité en raison du passage sur la route départementale de nombreux poids lourds qui ont provoqué des fissurations dans son habitation et que les travaux réalisés ont eu pour effet de modifier le système d'évacuation des eaux, il n'assortit pas ces allégations de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, les dommages allégués, notamment les nuisances sonores, ne présentent pas un caractère d'anormalité et de spécialité suffisant pour ouvrir droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. X n'est pas fondé à demander la condamnation de la personne publique responsable à lui verser la somme de 76 224,51 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de l'Oise et la commune d'Angicourt qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes soient condamnés à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X à verser au département de l'Oise, la somme qu'il demande au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 18 juillet 2002 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée en première instance devant le tribunal administratif d'Amiens par M. Fernando X est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département de l'Oise tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Fernando X, à la commune d'Angicourt, au département de l'Oise ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 26 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 8 juillet 2003.
Le rapporteur
Signé : M. Merlin Desmartis
Le président de chambre
Signé : F. Sichler
Le greffier
Signé : M. Milard
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Muriel Milard
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N°02DA00916