Vu la requête, enregistrée le 6 août 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société Ace Insurance S.A.N.V. venant aux droits de la société Cigna Insurance Compagny of Europe S.A., dont le siège est situé Le Colisée à Courbevoie (92419), la société Micro Volume, dont le siège est situé 4, rue Dauphine, Le Havre (76600), la S.C.I. Philibert I, située 31, rue du Val Soleil, Le Havre (76600), M. Richard X, demeurant ..., M. Pierre-Yves X, demeurant ..., M. Richard X, demeurant ..., Mme Evelyne Y, demeurant ..., M. Alain Z, demeurant ..., M. Gilles A, demeurant ..., M. Stéphane B, demeurant ..., M. Marc-Antoine C, demeurant ..., M. Patrick D, demeurant ..., M. François-Xavier E, demeurant ..., M. Lucien F, demeurant ..., M. Emmanuel G, demeurant ..., M. Thierry H, demeurant ..., par Me Sagon, avocat ; les requérants demandent à la Cour :
Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-01
60-02-015-01
1°) d'annuler le jugement n° 97-1475, 97-1785, 00-39 et 00-669 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur requête tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et du centre hospitalier du Havre à réparer le préjudice qu'ils ont subi, consécutif à l'incendie provoqué par le jeune Dominique J dans les locaux commerciaux dont ils sont propriétaires ;
2°) de faire droit à leur demande d'indemnisation de première instance ;
Ils soutiennent que leur demande est fondée sur le défaut de surveillance, le défaut d'organisation du service et la faute d'imprudence manifeste ayant permis au jeune J, placé en internat de l'établissement d'enseignement adapté (E.R.E.A.), d'incendier leurs locaux commerciaux ; que ledit établissement s'est déchargé de ses obligations en confiant l'enfant, qui devait se rendre en consultation dans le centre médical Pierre Janet, à un taxi sanitaire, et en ne veillant pas à son retour à l'heure dans l'établissement ; que le centre Pierre Janet s'est de même déchargé de ses obligations en confiant le même mineur à un taxi sanitaire pour rentrer à l'établissement scolaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2003, présenté pour le centre hospitalier du Havre, par Me Thouroude, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 8 000 francs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que, dans le cadre d'une responsabilité pour faute, le juge ne peut prononcer la condamnation in solidum de deux personnes publiques ; qu'en appel les requérants dirigent uniquement leurs conclusions contre l'Etat et qu'en conséquence le centre hospitalier devra être mis hors de cause ; à titre subsidiaire, que l'établissement d'hébergement d'enfants mineurs est tenu à une obligation de surveillance qui s'étend au delà des limites de l'enceinte scolaire ; qu'en revanche, l'obligation de surveillance à laquelle est tenu un établissement hospitalier à l'égard de ses patients, à l'exception des malades mentaux, ne vaut que pour le temps où le patient se trouve dans l'enceinte hospitalière ; qu'en tout état de cause, le jeune J ne présentait aucun caractère dangereux et qu'il s'agissait uniquement de lui apporter une aide psychologique en accord avec sa mère et l'établissement scolaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2003, pour la société Ace Insurance S.A.N.V. et autres, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et à la condamnation de l'Etat et du centre hospitalier du Havre, compte tenu de leur faute respective à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent, en outre, que leur requête est dirigée à la fois contre l'Etat et contre le centre hospitalier du Havre et qu'il appartient au juge de déterminer la part respective de responsabilité des deux personnes publiques dans le présent litige ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2003, par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, compte tenu des modalités de déplacement de l'élève à l'aller et au retour vers l'établissement scolaire, la garde de l'enfant et l'obligation de surveillance de l'établissement scolaire cessait au moment où la garde de ce dernier était confiée à un tiers désigné par sa mère ; qu'en tout état de cause, l'établissement a accompli toutes les diligences nécessaires dès que l'absence de l'élève s'est avérée anormalement longue ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2003, présenté pour le centre hospitalier du Havre, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 décembre 2003, présenté pour la société Ace Insurance S.A.N.V. et autres, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2004 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, M. Soyez, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jeune Dominique J, alors âgé de quatorze ans et interne en classe de 5ème à l'établissement régional d'enseignement adapté, s'est rendu le 14 mai 1996, en accord avec sa mère, responsable légale du mineur, et le chef d'établissement, au centre Pierre Janet pour suivre un traitement médical entrepris depuis 1994 ; qu'après sa consultation, il a été raccompagné par taxi sanitaire à son domicile alors que son retour vers l'établissement avait été fixé pour le jour même, toujours d'un commun accord entre la famille et l'établissement scolaire, à dix-neuf heures ; que le jeune Dominique J a alors annoncé à sa mère qu'il n'avait pas de cours le lendemain et, en accord avec cette dernière, est parti de son domicile, en compagnie de son jeune frère, pour promener son chien ; qu'à cette occasion, le mineur a mis accidentellement le feu aux locaux appartenant à la S.C.I. Philibert I et occupés par la société Micro Volume ; que, dans les circonstances ainsi rappelées, dès lors qu'aucune obligation de surveillance du mineur n'incombait, au moment des faits litigieux , ni à l'établissement scolaire, ni à l'établissement hospitalier, aucune faute de service ne saurait être imputée à l'Etat ou au centre hospitalier du Havre ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à obtenir des deux personnes publiques la réparation du préjudice qu'ils ont subi ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner les requérants à verser au centre hospitalier du Havre la somme de 900 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et le centre hospitalier du Havre qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer aux requérants les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ace Insurance S.A.N.V. et autres est rejetée.
Article 2 : La société Ace Insurance S.A.N.V. et autres verseront au centre hospitalier du Havre la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ace Insurance S.A.N.V., la société Micro Volume, la S.C.I. Philibert I, M. Richard X, M. Pierre-Yves X, M. Richard X, Mme Evelyne Y, M. Alain Z, M. Gilles A, M. Stéphane B, M. Marc-Antoine C, M. Patrick D, M. François-Xavier E, M. Lucien F, M. Emmanuel G, M. Thierry H, au centre hospitalier du Havre et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 6 janvier 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 20 janvier 2004.
Le rapporteur
Signé : A. Eliot
Le président de chambre
Signé : J.F. Gipoulon
Le greffier
Signé : G. Vandenberghe
La République mande et ordonne au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Vandenberghe
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N°01DA00823