Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société S.F.T.E. A.M.T.E.C., dont le siège est situé 27, rue du Faubourg Saint-André à Beauvais (60000), par la société d'avocats Sablon-Leeman-Berthaud ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 95-02861 en date du 28 juin 2001 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée solidairement avec M. X, architecte, à payer au S.I.V.O.M de Bohain-Fresnoy le Grand la somme de 63 046,24 francs assortie des intérêts légaux à raison des dommages survenus à la piscine Jean Saltiel à Bohain ;
2°) de dire qu'elle n'est pas responsable des dommages ;
3°) subsidiairement, de dire que sa part de responsabilité doit être réduite ;
4°) de limiter le préjudice indemnisable à la somme de 30 000 francs ;
5°) de condamner solidairement le S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand et M. X à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 39-06-01-07-02
Elle soutient que l'architecte, qui a demandé la modification du tube de niveau à l'origine des désordres, est seul responsable de leur survenance ; qu'elle n'a pas été informée des désordres ni mise à même de procéder aux réparations nécessaires ; qu'en ordonnant le démontage des pompes et leur réparation, le S.I.V.O.M. a considérablement augmenté le coût de reprise des travaux ; qu'elle ne saurait davantage, en l'absence de mise en demeure, être condamnée au paiement des intérêts de retard ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2002, présenté pour M. X, architecte, par Me Briot, avocat, concluant au rejet de la requête, à la condamnation de la société A.M.T.E.C. à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ainsi que de toute condamnation au titre des frais d'expertise et à lui payer la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient que la cause des désordres est la mise en place par la société A.M.T.E.C. d'un système de contrôle du niveau d'eau défaillant ; qu'il avait demandé à plusieurs reprises un déplacement du niveau d'eau situé devant la bouche d'aspiration ; que la société a procédé à ce changement sans qu'ait été établi un modificatif avec l'accord de l'A.P.A.V.E. et de l'architecte ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dès lors que, les plans ne lui ayant pas été fournis et n'ayant pas été informé de l'intention de l'entreprise, il n'a pas été en mesure d'exercer un quelconque contrôle ; qu'il est inexact d'affirmer que la modification litigieuse a été faite conformément au plan qu'il avait établi ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juin 2002, présenté pour le S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand, par la S.C.P. Laurent-Pinchon, avocats, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la société A.M.T.E.C. à lui payer la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient que la responsabilité de la société A.M.T.E.C. est engagée en sa qualité de réalisateur du plan d'exécution du dispositif défectueux ; que celle de l'architecte est également engagée en sa qualité de maître d'oeuvre chargé du suivi de l'exécution des travaux et investi d'une mission de surveillance de leur réalisation ; qu'aucune faute ne peut être reprochée au maître de l'ouvrage ; que l'appel en garantie de l'architecte à l'égard de la société lui est étranger ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 décembre 2003, présenté par M. X, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens, et à ce que le cabinet Leclerc ainsi que la société A.M.T.E.C. soit condamnés à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; il soutient, en outre, que l'expertise réalisée par le cabinet Leclerc est irrégulière en ce que l'expert n'a pas soumis un pré-rapport aux parties afin qu'elles puissent présenter leurs observations et que le contrôleur technique A.P.A.V.E. n'a pas été attrait aux opérations d'expertise ; que le rapport d'expertise n'a pas retenu de faute de l'architecte ; que les fautes d'exécution de l'entreprise sont seules à l'origine du dommage ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur les opérations d'expertise :
Considérant que le jugement attaqué s'est fondé, non pas sur les conclusions de l'expertise amiable réalisée par le cabinet Leclerc à la demande du Syndicat intercommunal de Bohain-Fresnoy le Grand, mais sur celles de l'expertise prescrite par deux ordonnances de référé en date des 2 juillet et 1er octobre 1993 du président du tribunal administratif d' Amiens et confiée à M. Y ; qu'ainsi le moyen tiré du caractère non contradictoire des opérations d'expertise du cabinet Leclerc est inopérant et les conclusions de M. X dirigées à l'encontre dudit cabinet manifestement irrecevables comme nouvelles en appel ;
Sur les responsabilités encourues :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la cause unique des désordres apparus à la piscine Jean Saltiel à Bohain réside dans le blocage du flotteur de niveau dans la partie basse du tube de contrôle du bac tampon du petit bassin, blocage qui a empêché la fermeture de l'électrovanne d'alimentation en eau et provoqué une inondation du local technique de la piscine ; que ce blocage est consécutif à l'intervention de la société A.M.T.E.C. qui avait un mois auparavant déplacé le tube de contrôle qui se trouvait devant la trappe de visite ; qu'en procédant à un nouveau montage du tube qui comportait un coude et ne permettait pas la libre circulation du flotteur, la société a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que ces désordres étant survenus alors que la réception de l'ouvrage avait été prononcée avec une réserve portant sur le déplacement du niveau d'eau, la société A.M.T.E.C. n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité contractuelle ne serait pas engagée en l'espèce ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité de ce qu'elle n'aurait pas été invitée à remédier aux défectuosités du dispositif de contrôle du niveau d'eau du bassin dès lors que celles-ci ne sont apparues qu'à l'occasion de la survenance des désordres ; que, contrairement à ce qu'elle affirme, il résulte de l'instruction que le plan établi par M. X n'a pas servi de base aux travaux effectués ;
Considérant, en second lieu, que M. X, architecte, était chargé, aux termes du marché, de la conception générale du projet, de l'établissement des plans d'ensemble et du contrôle général des travaux ainsi que de la réception et du décompte des travaux ; qu'il lui incombait, en vertu de ses obligations professionnelles et des stipulations de son contrat, d'indiquer à l'entrepreneur les modalités du déplacement du tube de niveau qu'il avait préconisé et qui avait fait l'objet d'une réserve, ou, à tout le moins, de s'assurer que le dispositif mis en place par l'entreprise permettait un fonctionnement convenable du contrôle du niveau d'eau du bassin ; qu'en ne satisfaisant pas à ces obligations, il a commis une faute ayant concouru avec celle de l'entreprise à la survenance des dommages ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de ce que les plans du nouveau montage ne lui auraient pas été préalablement soumis ou de ce qu'il n'aurait pas été informé de la date de réalisation des travaux ; que le tribunal administratif, dont le jugement, contrairement à ce qu'affirme la société, est suffisamment motivé sur ce point, a fait une juste appréciation de la responsabilité incombant à M. X en le condamnant à garantir la société A.M.T.E.C. à hauteur de 25 % du montant du préjudice ; que, pour les motifs qui précèdent, ses conclusions tendant à ce qu'il soit entièrement garanti par la société A.M.T.E.C. des condamnations prononcées à son encontre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que c'est à bon droit que le tribunal administratif a évalué le coût des travaux de réparation des dommages à la somme de 63 046,24 francs (9 611,34 euros) arrêtée par l'expert ; que si la société A.M.T.E.C. soutient que les conditions dans lesquelles le maître de l'ouvrage a procédé à la reprise des travaux auraient entraîné un renchérissement excessif de ceux-ci, elle ne l'établit pas ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant que la société ne peut utilement se prévaloir, pour être exonérée du paiement des intérêts de retard, de ce qu'elle n'aurait pas été alertée avant le sinistre sur les défectuosités du dispositif de contrôle du niveau d'eau du bassin ; que, par ailleurs, à défaut de toute demande préalable, la saisine du tribunal administratif vaut sommation de payer ; que c'est par suite à bon droit que cette date a été retenue par le tribunal administratif comme point de départ du décompte des intérêts ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est également à bon droit que le tribunal administratif a mis conjointement les frais de l'expertise à la charge de la société A.M.T.E.C. et de M. X ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X tendant à ce que la société A.M.T.E.C. soit condamnée à le garantir de la condamnation ainsi mise à sa charge ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société A.M.T.E.C. à payer au S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand la somme de 1 200 euros qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de condamner M. X à payer à la société A.M.T.E.C., ni la société A.M.T.E.C. à payer à M. X la somme qu'ils demandent au même titre ; que le S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand n'étant pas, dans la présente instance, partie perdante, il ne saurait être condamné à verser à la société A.M.T.E.C. la somme qu'elle demande sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société S.F.T.E. A.M.T.E.C. et les conclusions de M. Benoît X sont rejetées.
Article 2 : La société S.F.T.E. A.M.T.E.C. versera au S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société S.F.T.E. A.M.T.E.C., au S.I.V.O.M. de Bohain-Fresnoy le Grand, à M. Benoît X, à la société A.P.A.V.E. ainsi qu'au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 18 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 1er avril 2004.
Le rapporteur
Signé : M. Merlin-Desmartis
Le président de chambre
Signé : G. Merloz
Le greffier
Signé : B. Robert
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Bénédicte Robert
6
N°01DA01134