Vu le recours, enregistré le 9 septembre 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 9800076 en date du 25 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la société X International Trading ;
Il soutient que le jugement est irrégulier parce qu'insuffisamment motivé ; qu'il est entaché d'erreurs de droit, le tribunal n'ayant pas précisé sur quel fondement la responsabilité de l'Etat se trouvait être engagée ; qu'en vertu de l'arrêté ministériel du 25 avril 2000, les mentions portées sur un certificat sanitaire peuvent être modifiées lorsque le contenu de ce certificat énonce des exigences d'un pays tiers, ce qui est le cas en l'espèce ; que les vétérinaires inspecteurs peuvent attester de la salubrité ou de l'origine sanitaire des produits mais ne sont pas habilités à contrôler les caractéristiques commerciales des produits ; que les mentions barrées par l'inspecteur l'ont été soit parce qu'elles concernaient des spécifications commerciales non contrôlables par le signataire, soit parce qu'elles ne faisaient référence à aucune norme officielle et n'étaient donc pas vérifiables ; que les certificats attestaient en revanche des qualités sanitaires des produits ; qu'en tout état de cause, un second jeu de certificats sanitaires comportant les mentions rayées dans les précédents ont été établis après que la société X International
Code C+ Classement CNIJ : 61-01-03
Trading ait apporté les éléments justificatifs nécessaires ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société n'a pas envoyé les nouveaux certificats aux autorités marocaines le 17 mai 1996 ; qu'elle a ainsi commis des erreurs qui ont abouti à une transmission tardive de ces certificats ; que la véritable raison du refoulement des marchandises en cause est l'arrêté du ministre de l'agriculture du Maroc en date du 18 avril 1996 qui a interdit l'entrée sur le territoire marocain de viandes bovines en provenance de certains pays européens en raison de la « crise de la vache folle » ; qu'il n'y a donc pas de lien direct entre la faute présumée de l'administration et le préjudice allégué ; que l'évaluation faite par la société requérante du montant de son préjudice ne repose sur aucun élément sérieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2004, présenté pour la S.A. X International Trading (C.I.T.), dont le siège est Zone Portuaire de chef de Baie à la Rochelle (17000), par Me Thomas, avocat, concluant :
1) à la confirmation du jugement attaqué ;
2) à la condamnation de l'Etat au paiement des sommes de :
- 95 540,71 euros au titre des frais résultant du refoulement des trois camions et tels qu'évalués par l'expert ;
- 1 556,74 euros au titre de la perte de viande telle qu'évaluée par l'expert ;
- 15 189,41 euros au titre de la perte de la vente des trois camions telle qu'évaluée par l'expert ;
- 125 271,93 euros au titre de la perte de revenus pour interruption du contrat en cours ;
- 3 137 400,77 euros au titre du préjudice commercial ;
Elle soutient que les certificats vétérinaires relatifs aux trois camions refoulés comportaient des erreurs, le vétérinaire inspecteur ayant rayé certaines mentions ; qu'aucun retard dans la communication d'informations par la société n'est à l'origine de ces erreurs ; que l'aveu de ces erreurs par l'administration est établi par la communication d'un second jeu de certificats ne comportant pas de ratures ; que les mentions étaient aisément contrôlables par le signataire ; que les ratures ont été interprétées comme un avis négatif sur la conformité des produits ; que le lien de causalité entre la production des certificats sanitaires non conformes et le refoulement de trois camions sur sept est établi ; que l'embargo du gouvernement marocain n'a pas été immédiatement appliqué ; que la réalité et le montant du préjudice subi par la société ressort du rapport d'expertise ; qu'il y a lieu d'ajouter à ce préjudice la perte liée à la rupture du marché en cours et le préjudice commercial ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêté du 25 avril 2000 pris pour l'application de l'article 275-2 du code rural et relatif à la certification vétérinaire dans les échanges et à l'exportation ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
- les observations de Me Thomas, avocat, pour la société X International Trading,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé, n'était pas tenu de répondre au moyen en défense présenté par le préfet de la Seine-Maritime tiré de ce que les mentions de nature technique et commerciale figurant sur les certificats sanitaires, rayées avant signature par le directeur des services maritimes, ne relevaient pas de la compétence des services vétérinaires ; que, dès lors, le ministre de l'agriculture n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur la responsabilité des services vétérinaires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que trois camions transportant des pièces de viande bovine congelée en provenance de France ont été refoulés, le 26 avril 1996, à la frontière marocaine d'Agadir motif pris de « la non conformité des certificats sanitaires avec les clauses du contrat » ; que cette décision de refoulement a été confirmée par le chef du service vétérinaire du ministère de l'agriculture du Maroc le 2 mai 1996, les marchandises transportées étant « reconnues non conformes aux clauses qualitatives du C.P.S. » ; qu'en se fondant sur la faute qu'aurait commise le directeur des services vétérinaires en signant des certificats sanitaires comportant des mentions erronées, la société X International Trading demande réparation à l'Etat du montant de son préjudice qu'elle évalue à la somme de 1 947 922,51 francs ;
Considérant, en premier lieu, que l'Etat n'est pas partie au contrat d'achat passé le 29 septembre 1995 entre la société X International Trading et l'Office de Commercialisation et d'Exportation (O.C.E.) du Maroc ; que, par suite, aucune faute contractuelle ne saurait être reprochée à ses services pour avoir méconnu les stipulations de ce marché ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes du 3° de l'article L. 231-1 du code rural que l'inspection sanitaire porte sur la salubrité et la qualité sanitaire des denrées animales ou d'origine animale destinées à la consommation ; que, compte tenu des missions qui lui sont ainsi imparties, le vétérinaire signataire des certificats litigieux a pu légalement barrer les mentions : « bovins mâles de moins de trois ans », « qualité R 30 PCT et 0 70 PCT » et « engraissement de 30 PCT et 3 70 PCT » qui concernaient la nature et l'identité des viandes transportées et non leur qualité sanitaire et qu'il ne pouvait vérifier lui-même ; qu'il a pu également, du fait de leur trop grande généralité, barrer les mentions : « viandes de qualité » et « conformément aux normes habituelles pratiquées sur le marché international » qui ne faisaient référence à aucune norme sanitaire précise et ne pouvaient donc faire l'objet d'aucune vérification de conformité ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société, les certificats vétérinaires en cause n'étaient entachés d'aucune erreur, le vétérinaire certificateur s'étant borné, en barrant les mentions précitées, à n'attester que les qualités dont le contrôle relevait de sa compétence et qu'il pouvait vérifier lui-même ; qu'est sans effet sur la régularité de ces certificats la circonstance que le directeur des services vétérinaires aurait ultérieurement fait parvenir aux autorités marocaines des certificats comportant l'ensemble des mentions requises, lesquels ont pu être établis après que des informations complémentaires aient été portées à la connaissance de l'administration ;
Considérant qu'en l'absence de toute faute des services vétérinaires de la Seine-Maritime, c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à réparer le préjudice prétendument subi par la société X International Trading ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société devant le tribunal administratif de Rouen ;
Mais considérant que la société X International Trading n'a soulevé devant les premiers juges aucun autre moyen que ceux analysés ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la société X International Trading ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 25 mai 2002 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société X International Trading devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société X International Trading et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 27 mai 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 10 juin 2004.
Le rapporteur
Signé : M. Merlin-Desmartis
Le président de chambre
Signé : G. Merloz
Le greffier
Signé : B. Robert
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Bénédicte Robert
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N°02DA00815