Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2003 et régularisée le 30 mai 2003, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Pierre X demeurant ..., par la SCP Delesse, Vaillant, Schortgen ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 5 février 2001 par lequel le maire de Senantes a prononcé, à titre provisoire, son hospitalisation d'office au centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) de condamner la commune de Senantes à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que sa requête a été introduite dans le délai d'appel et qu'elle est, par suite, recevable ; que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif, après avoir constaté que l'arrêté du maire ne comportait pas les motifs de fait, s'est abstenu d'en prononcer l'annulation en se fondant de manière erronée sur les dispositions de l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 ; que par son absence de motivation, l'arrêté attaqué encourt l'annulation ; qu'il méconnaît en effet tout à la fois les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, les stipulations de l'article 5-2 de la convention européenne des droits de l'homme (concernant l'obligation d'informer la personne privée de sa liberté des raisons de son arrestation et de l'accusation portée contre elle) et les dispositions de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique (sur les pouvoirs du maire en matière d'hospitalisation d'office) ; que, par ailleurs, l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 qui porte sur la dispense de motivation en cas d'urgence absolue n'a pas vocation à s'appliquer à l'arrêté attaqué ni en droit ni en fait ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2003, présenté pour la commune de Senantes, par la SCP Sablo, Leeman, Berthaud ; la commune demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête de M. X et de confirmer le jugement attaqué ; 2°) de condamner M. X à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'arrêté se trouve motivé par référence en l'espèce à un certificat médical suffisamment circonstancié ; que ce document ne pouvait, par ailleurs, être joint afin de respecter un secret légalement protégé ; qu'en outre, l'intéressé en a eu connaissance après son hospitalisation ; que l'urgence justifiait en tout état de cause une absence de motivation en vertu de l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'urgence de l'hospitalisation d'office était avérée dans les circonstances de l'espèce ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 26 janvier 2004, et complété par un mémoire du 21 mai 2004, présentés pour M. X qui conclut aux mêmes fins que sa requête et, en outre, à ce que la condamnation sollicitée de la commune de Senantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative soit portée à 3 000 euros ; il confirme et complète son précédent moyen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2004, à laquelle siégeaient M. Merloz, président, M. Dupouy, président-assesseur et M. Yeznikian, président-assesseur :
- le rapport de M. Yeznikian, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office (...) des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sécurité des personnes./ (...) Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire ; qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du même code : En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 modifiée susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; qu'aux termes du premier alinéa l'article 4 de la même loi : Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs ;
Considérant que si l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 dispense de l'obligation de motivation les actes pris dans les conditions d'urgence absolue, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du maire de Senantes ait été pris dans de telles conditions ; qu'il devait donc être motivé ;
Considérant qu'il est constant que l'arrêté du maire de la commune de Senantes en date du 5 avril 2001 ne comportait aucun des éléments de fait à l'origine de la décision et que l'autorité administrative, qui ne pouvait vis-à-vis de M. X se prévaloir du secret médical, ne s'était pas appropriée le contenu du certificat médical établi la veille et ne l'avait pas davantage joint ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Senantes en date du 5 avril 2001 ; qu'il y a lieu, par conséquent, de prononcer l'annulation tant de l'arrêté du maire de Senantes en date du 5 février 2001 que du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 20 mars 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Senantes la somme de 2 000 euros sur les 3 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge M. X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Senantes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 20 mars 2003 et l'arrêté du maire de Senantes en date du 5 février 2001 sont annulés.
Article 2 : La commune de Senantes versera à M. X la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Senantes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X, à la commune de Senantes et au ministre de la santé et de la protection sociale.
Copie de l'arrêt sera transmise, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Beauvais.
Copie de l'arrêt sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2004, où siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Yeznikian, président-assesseur,
Lu en audience publique, le 18 novembre 2004.
Le rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la protection sociale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. ROBERT
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N°03DA00575