Vu la requête, enregistrée le 21 février 2002, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS, représenté par son directeur en exercice, par Me X..., avocat ; le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 97-1435 en date du 4 décembre 2001 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Il soutient que l'activité du groupement d'intérêt économique (GIE) centre d'imagerie médicale du Beauvaisis , constitué entre lui-même et la SCM Société de scanographie de Beauvais ne peut être analysée comme ayant un caractère lucratif ; qu'elle répond à une mission de service public de santé ; qu'elle remédie au sous-équipement en appareil d'imagerie médicale ; que l'accès au GIE est plus étendu que celui des cliniques privées ou cabinets de radiologie, puisque le centre hospitalier est tenu d'accueillir les bénéficiaires de l'aide sociale et les personnes dépourvues de ressources ; qu'aucun dépassement de tarif ne peut être pratiqué ; que la dotation globale de financement du centre hospitalier inclut la part hospitalière de l'activité de scanner du GIE ; que l'affectation des excédents, dont l'existence ne révèle pas une activité lucrative, est réglementée ; que le régime budgétaire et comptable prévu par le décret du 31 juillet 1992 ne prévoit pas que les établissements publics de santé s'acquittent d'un impôt sur les sociétés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le GIE Scanner du Beauvaisis a spontanément souscrit des déclarations de bénéfices non commerciaux au titre des années 1994 et 1995 mentionnant respectivement des bénéfices de 384 615 francs et 415 744 francs ; que le GIE ne peut être regardé comme ayant une gestion désintéressée, dès lors qu'il recherche des excédents ; que l'utilisation desdits excédents par le centre hospitalier est sans incidence sur la nature de la gestion ; qu'il ne fonctionne pas différemment d'une entreprise ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2002, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS, par Me Y..., avocat, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et en outre, à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 2 260,44 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il ajoute que son personnel et son matériel sont mis à la disposition du GIE au prix coûtant ; que le GIE facture l'utilisation de la machine, également au prix coûtant ; que sa gestion est donc désintéressée ; qu'il ne maîtrise ni ses produits dont la tarification est réglementée, ni ses charges ; que la mise à disposition des locaux a été facturée au prix évalué par le service des domaines ; que le GIE remplit les conditions de l'instruction du 27 mai 1977 ; que l'instruction du 15 septembre 1998 4H-598 précise que la situation de l'organisme s'apprécie par rapport à des entreprises ou organismes lucratifs exerçant la même activité dans le même secteur ; qu'il doit donc être regardé comme ayant une activité non lucrative ; qu'en l'absence d'autre scanner sur le secteur sanitaire, le GIE ne fait pas concurrence au secteur lucratif et remplit donc la condition d'exonération prévue par l'instruction du 15 septembre 1998 ; qu'à supposer que l'activité du GIE soit regardée comme ayant un caractère lucratif, le centre hospitalier ne serait pas imposable à l'impôt sur les sociétés : qu'en effet le résultat fiscal de ce secteur lucratif est déficitaire ; que les règles de la comptabilité publique et son budget approuvé font obstacle au versement des impositions en litige au comptable du Trésor ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, ainsi qu'au rejet des conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif, par les mêmes moyens ; il ajoute que les moyens de la requête ne sont pas sérieux ; que le statut du centre hospitalier ne constitue pas un obstacle au titre exécutoire ; que si des praticiens libéraux ont décidé de mettre en commun leurs moyens au sein du GIE auquel s'est associé le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS, c'est que leur finalité était d'y réaliser des bénéfices ; que le volume des examens et des recettes a augmenté de 25 % depuis l'installation du nouveau matériel ; qu'admettre que le secteur d'activité lié au GIE soit déficitaire pour le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS reviendrait à reconnaître l'attribution par l'établissement public d'un avantage injustifié au GIE ; qu'en l'absence d'observation sur ce point des organismes de contrôle, les recettes et dépenses invoquées doivent être regardées comme propres à l'établissement hospitalier ; que seule la partie perdante peut être tenue au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 septembre 2003, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il ajoute que le ministre ne conteste pas que les redressements d'impôt pourraient avoir des conséquences difficilement réparables ; que ses moyens d'appel sont sérieux ; que l'existence d'un bénéfice ne permet pas de présumer d'une gestion intéressée ; qu'il n'est pas établi que les excédents n'auraient pas été affectés à la poursuite de son activité de santé publique ; que l'activité du GIE ne peut être qualifiée qu'à travers celle de ses membres ; qu'elle s'inscrit directement dans le prolongement de son activité ; que lui-même répond aux conditions de l'utilité de l'activité, de l'affectation des excédents, des conditions d'accès du public et des méthodes de communication ; que si l'activité du GIE était exercée uniquement par le centre hospitalier elle serait exonérée de l'impôt sur les sociétés ;
Vu les mémoires, enregistrés les 2 et 29 décembre 2003, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; il ajoute que la qualité de débiteur public du centre hospitalier fait obstacle aux poursuites du comptable du Trésor ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2004 à laquelle siégeaient M. Daël, président de la Cour, M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur, Mme Brenne et M. Soyez, premiers conseillers :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : 1. Sont passibles de l'impôt sur les sociétés... sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes les autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ; qu'aux termes de l'article 239 quater du même code : I- Les groupements d'intérêt économique constitués et fonctionnant dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 206-1, mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, que celles de l'article 239 quater, applicable à l'imposition des groupements d'intérêt économique, n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter l'imposition des résultats du groupement entre les mains de ses membres aux seules personnes morales qui relèveraient normalement de l'impôt sur les sociétés, mais seulement de définir si l'imposition en cause relève de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que pour l'application des dispositions précitées de l'article 206-1 du code général des impôts, les personnes morales sont exonérées de l'impôt sur les sociétés dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, qu'elles rendent des services qui ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où la personne morale intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de l'impôt sur les sociétés lui reste acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celle des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le groupement d'intérêt économique Scanner du Beauvaisis , qui a pour objet l'exploitation d'un scanographe, a été constitué à parts égales entre le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS qui met à sa disposition, moyennant remboursement de la masse salariale correspondante, ses personnels soignants, administratifs et techniques, lui loue l'installation et lui fournit au prix coûtant diverses fournitures et prestations de service, et plusieurs radiologues libéraux regroupés au sein de la société civile de moyens Société de scanographie du Beauvaisis ; que le GIE a spontanément déclaré au titre des années 1994 et 1995 des bénéfices non commerciaux, respectivement de 384 615 francs et de 415 744 francs ; qu'en outre le nombre d'actes effectués par le GIE a progressé de plus de 25 % par rapport aux actes antérieurement effectués par le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS au moyen du matériel qui lui appartenait en propre et dont il assurait seul la gestion ; que dès lors qu'il est constant que les médecins libéraux utilisent aussi le scanographe pour les besoins de leur activité libérale et perçoivent la moitié des bénéfices dégagés par le GIE, la gestion dudit GIE dans son ensemble ne peut être regardée comme désintéressée ; que ce dernier se livre ainsi à des opérations de caractère lucratif au sens des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 206-1 du code général des impôts ;
Considérant, d'autre part, que le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS n'est fondé à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, ni l'instruction du 27 mai 1977, applicable aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901, ni l'instruction 4H-598 du 15 septembre 1998, postérieure aux années d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a imposé à l'impôt sur les sociétés le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS à raison de sa
quote-part des bénéfices réalisés par le GIE Scanner du Beauvaisis ; qu'il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE BEAUVAIS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord et à l'agence régionale de l'hospitalisation de Picardie.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2004 à laquelle siégeaient :
- M. Daël, président de la Cour,
- M. Couzinet, président de chambre,
- M. Berthoud, président-assesseur,
- Mme Brenne, premier conseiller,
- M. Soyez, premier conseiller,
Lu en audience publique le 14 décembre 2004.
Le rapporteur,
Signé : A. BRENNE
Le président de la Cour,
Signé : S. DAËL
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
M.T. LEVEQUE
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N°02DA00159