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16/12/2004 | FRANCE | N°02DA00581

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 16 décembre 2004, 02DA00581


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2002, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE dont le siège est ..., par Me Y... ; le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 98002203 en date du 7 mai 2002 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la nullité du marché du

20 mars 1996 passé avec la société X Regethermic international (BTRI) concernant la livraison et l'installation de quatre-vingt-onze armoires de remise à température des aliments ; >
2°) de prononcer la nullité dudit marché avec toutes conséquences de droit ;
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Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2002, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE dont le siège est ..., par Me Y... ; le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 98002203 en date du 7 mai 2002 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la nullité du marché du

20 mars 1996 passé avec la société X Regethermic international (BTRI) concernant la livraison et l'installation de quatre-vingt-onze armoires de remise à température des aliments ;

2°) de prononcer la nullité dudit marché avec toutes conséquences de droit ;

3°) de condamner la société X Regethermic international (BTRI) à lui rembourser les frais et honoraires de l'expert tels qu'ils ont été liquidés et taxés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Lille en date du 12 décembre 2001 ;

4°) de condamner la société X Regethermic international (BTRI) à lui verser la somme de 13 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'expert judiciaire n'ayant pas contesté mais au contraire constaté l'anormalité du fonctionnement des armoires, c'est à bon droit que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE a fait état de la dangerosité des équipements compte tenu des écarts de température pour la sécurité et le confort des malades ; que c'est à tort que l'expert s'en tient cependant à une mauvaise utilisation des appareils par l'établissement et ses préposés compte tenu des conditions réelles d'exercice du travail en hôpital ; que les préconisations d'emplois du fournisseur tout à fait essentielles pour la mise en oeuvre des installations n'ont pas été diffusées par ce dernier à l'époque de la conclusion du contrat ; que la documentation commerciale alors produite était laconique et simplissime et ne pouvait être assimilée à une préconisation impérative d'utilisation ; que, dans ces conditions, l'établissement a été abusé par la société BTRI au cours des quelques semaines pendant lesquelles il s'est agi d'obtenir son consentement à la passation du marché ; que cette société a pris soin de ne révéler que le minimum des caractéristiques complètes et réelles de ses équipements et s'est abstenue d'appeler l'attention de son client sur la nécessité de respecter un modus operandi précis pour obtenir le résultat recherché ; que le Tribunal a rendu un jugement de rejet mais de manière nuancée reconnaissant explicitement l'insuffisance de la documentation diffusée par la société BTRI ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE ne conteste ni la mise à disposition de matériels sur le site par la société, même s'il s'agissait de différents exemplaires du même type de modèle, ni la formation dispensée aux personnels tout en rappelant que cette formation a été dispensée à un moment où de facto la décision de commande avait été prise et que cette formation a été nécessairement peu ou prou illusoire compte tenu de la variabilité constante des effectifs d'aide-soignantes ; que la société BTRI a donc fait preuve de dol par réticence en s'abstenant de lui révéler des préconisations d'emploi qu'elle savait pourtant impératives ; que si le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE les avait connues, il les aurait certainement écartées comme incompatibles avec les conditions de fonctionnement d'un service hospitalier de sorte qu'il n'aurait pas contracté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2002, présenté pour la société X Regethermic international (BTRI) dont le siège est ..., par Me X... de la SELARL Cabinet Laurencin et associés ; la société demande à la Cour de rejeter la requête, de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement attaqué et de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il n'est pas contesté par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE que les armoires livrées, objet du contrat, sont exemptes de vice et de désordre ; que la seule contestation porte sur des températures de repas qui ne seraient pas satisfaisantes ou seraient dangereuses sans que cela soit d'ailleurs démontré ; que l'expert n'a jamais constaté une anormalité dans le fonctionnement des armoires mais uniquement dans l'utilisation de ces matériels ; qu'il y a une mauvaise volonté évidente de la part du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE à ne pas utiliser les programmes dont les armoires sont équipées ; que les mêmes matériels mis en place dans d'autres centres hospitaliers fonctionnent à la satisfaction générale ; que la société a satisfait à son obligation pré-contractuelle d'information et n'a pas commis de dol par réticence ; qu'en vertu de l'article 1116 du code civil le dol ne se présume pas mais doit être prouvé ; qu'il n'en est rien en l'espèce ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE a été mis en mesure de prendre connaissance, avant la conclusion du marché, du modus operandi précis des armoires livrées ; qu'outre la communication de la documentation descriptive des équipements, l'obligation pré-contractuelle a été satisfaite par l'accomplissement de deux démarches essentielles : l'installation pendant plusieurs semaines avant la signature du marché dans les locaux mêmes de l'établissement hospitalier des armoires de remise à température des aliments (matériel neuf) et de la formation spécifique du personnel à l'utilisation de ces équipements ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE fait preuve de mauvaise foi ; que le guide de mise en service de ces appareils accompagne chaque matériel livré et était joint aux armoires neuves livrées en vue de la formation et des essais pré-contractuels préalablement à la passation du marché ; que, par ailleurs, à supposer même établie l'insuffisance de l'information, elle ne saurait être présumée déterminante du consentement du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE ; que ce dernier ne démontre ni les manoeuvres dolosives, ni le caractère volontaire de ces manoeuvres ni le caractère déterminant de ces dernières ; que les dysfonctionnements constatés ne résultent que d'une mauvaise utilisation du matériel par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE comme l'a retenu l'expert judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil et notamment ses articles 1109 et 1116 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2004 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy et M. Yeznikian, présidents-assesseurs :

- le rapport de M. Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Y..., pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE, et de Me X..., pour la société X Regethermic international ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, selon un marché du 20 mars 1996, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE a obtenu, dès mai 1996, de la société X Regethermic international (BTRI) la livraison ainsi que l'installation de quatre-vingt-onze armoires spéciales destinées à la remise à température d'aliments préparés en cuisine centrale pour les différents services de l'hôpital ; que la réception de ces matériels est intervenue fin juin 1996 ; que le centre hospitalier a sollicité devant le Tribunal administratif de Lille, par une demande enregistrée le

26 juin 1998, la condamnation de la société X Regethermic international (BTRI) à remplacer à l'identique ces matériels ou à lui verser une somme de plus de un million neuf cent mille francs en réparation de ce dysfonctionnement ; que dans son rapport, déposé le 7 décembre 2001, l'expert, désigné par un jugement avant-dire droit du 7 janvier 1999, a conclu, non à des dysfonctionnements des matériels installés, mais à une mauvaise utilisation de ceux-ci par l'établissement hospitalier ; que ce dernier a alors modifié ses conclusions, par un mémoire enregistré le 3 avril 2002, afin d'obtenir du juge du contrat qu'il prononce cette fois la nullité du marché pour dol par réticence ;

Considérant qu'il n'est pas établi par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE et qu'il est sérieusement contesté par la société X Regethermic international (BTRI) que cette dernière aurait manqué à l'une de ses obligations d'information notamment en ce qui concerne la production du livret accompagnant chaque matériel et expliquant le mode opératoire précis des armoires objet de la commande ; qu'en particulier, une telle information a été communiquée, avant la signature du marché, lors de l'installation pour démonstration des armoires neuves sur site ainsi que lors de la formation du personnel ; que, s'il n'est pas contesté que des difficultés sont survenues au sein des services du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE pour obtenir une utilisation satisfaisante des matériels mis en place, ces circonstances ne révèlent pas qu'une information déterminante concernant le mode opératoire des appareils aurait été volontairement dissimulée par le fournisseur pour tromper la personne publique et vicier son consentement ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que de tels matériels fonctionnaient normalement, à la date de la commande, dans d'autres établissements hospitaliers ; que, dans ces conditions, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE n'établit pas que son consentement aurait été obtenu à la suite d'une réticence dolosive d'information par son fournisseur ;

Considérant que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à ce que le marché du 20 mars 1996 soit déclaré nul sur le fondement de l'article 1116 du code civil et que le montant des frais d'expertise soit mis à la charge de la société X Regethermic international (BTRI), aux droits de laquelle se trouve désormais la SA MB ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA MB, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 13 000 euros que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE la somme de 10 000 euros sur les 15 000 euros que la société X Regethermic international (BTRI) aux droits de laquelle se trouve la SA MB, réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE versera à la SA MB la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE LILLE, à la SA MB et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2004 à laquelle siégeaient :

- M. Merloz, président de chambre,

- M. Dupouy, président-assesseur,

- M. Yeznikian, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 16 décembre 2004.

Le rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le président de chambre,

Signé : G. MERLOZ

Le greffier,

Signé : B. Z...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de la santé et de la famille en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

B. Z...

2

N°02DA00581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 02DA00581
Date de la décision : 16/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS VANDENBUSSCHE MINET et GALLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-12-16;02da00581 ?
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