Vu la requête, reçue par fax et enregistrée le 10 février 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et son original transmis le 10 mars 2003, présentée pour Mme Marie-Françoise X, demeurant ... (59800), par Me Gollain ; Mme X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 002228-002232 du 31 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Lille en date du 22 mars 2000 portant opposition à une déclaration de travaux prévus sur l'immeuble situé
... ;
2') d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner la ville de Lille à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas les éléments de fait sur lesquels elle se fonde et qu'elle ne vise pas l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; que cette décision ainsi que l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation, la façade qu'elle a proposée ayant une qualité esthétique et architecturale plus grande que celle de l'ancienne façade réalisée selon un style pastiche art déco et des devantures des commerces situés à proximité du sien ; que l'immeuble
concerné par cette modification de façade n'est pas dans le champ de visibilité des monuments historiques visés dans l'arrêté ; que la décision est entachée de détournement de pouvoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2003, présenté par la ville de Lille qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que l'arrêté contesté est assorti d'une motivation suffisante ; que l'architecte des bâtiments de France ayant émis un avis défavorable aux travaux concernant un immeuble situé en secteur sauvegardé, l'administration était en situation de compétence liée et ne pouvait s'écarter de la position exprimée dans l'avis ; que les comparaisons faites par Mme X avec les immeubles du voisinage relèvent d'une appréciation personnelle ne s'appuyant sur aucun élément de droit ; que l'immeuble concerné par les travaux est situé dans le champ de visibilité de plusieurs monuments historiques situés aux numéros 11, 33, 45 et 30-32 de la rue Basse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2004 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du Gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire ... font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux. Sauf opposition dûment motivée, notifiée par l'autorité compétente en matière de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la réception de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés ... Lorsque les constructions ou les travaux mentionnés au premier alinéa sont soumis, par des dispositions législatives ou réglementaires, en raison de leur emplacement ou de leur utilisation, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions dont l'application est contrôlée par une autorité autre que celle compétente en matière de permis de construire, ... le délai prévu à l'alinéa précédent est porté à deux mois. Si l'autorité consultée manifeste son désaccord ..., l'autorité compétente en matière de permis de construire ... s'oppose à l'exécution des travaux ... ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : Conformément à l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques modifiée, lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. Le permis de construire en tient lieu s'il est revêtu du visa de l'architecte des Bâtiments de France ; qu'aux termes de l'article R. 421-38-4 du même code : Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Cet accord est réputé donné faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la transmission de la demande de permis de construire par l'autorité chargée de son instruction, sauf si l'architecte des bâtiments de France fait connaître dans ce délai, par une décision motivée, à cette autorité, son intention d'utiliser un délai plus long qui ne peut en tout état cause, excéder quatre mois ... ; et qu'aux termes de l'article R. 111-21 dudit code : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ;
Considérant que Mme X a déposé, le 11 janvier 2000, une déclaration de travaux en vue de la transformation de la façade commerciale d'un immeuble situé au ... ; que, sur demande de l'administration, Mme X a complété son dossier le 17 janvier 2000 ; qu'à défaut que soit intervenue une décision explicite dans le délai de deux mois fixé par les dispositions susmentionnées, compté à partir de cette dernière date, l'administration doit être réputée avoir pris le 17 mars 2000 une décision tacite de non-opposition aux travaux en cause ; que, par la décision attaquée, en date du 22 mars 2000, le maire de Lille a retiré la décision tacite qui était ainsi intervenue et a fait opposition à la réalisation desdits travaux ;
Considérant, d'une part, que pour s'opposer aux travaux en cause, le maire de Lille s'est borné à indiquer que le projet portait atteinte à la qualité architecturale du secteur sauvegardé et aux monuments historiques situés au 11, 33 et 45 rue Basse et méconnaissait ainsi les dispositions de l'article 11 du règlement de sauvegarde et de mise en valeur de ce secteur et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'en ne précisant pas les éléments de fait sur lesquels il s'appuyait pour porter une telle appréciation reprenant sans y faire référence l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France sur le projet le 7 février 2000, le maire de Lille a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ;
Considérant, d'autre part, que, pour émettre un avis défavorable aux travaux déclarés par Mme X, l'architecte des bâtiments de France a estimé que ces travaux étaient de nature à porter atteinte à la qualité architecturale du secteur et aux monuments historiques situés rue Basse et qu'un nouveau projet devait être réalisé avec la vitrine existante ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les travaux en cause, s'ils concernaient un immeuble situé dans le champ de co-visibilité des monuments historiques susmentionnés, consistaient dans le remplacement d'une devanture sans caractère ancien, ni lien avec la qualité architecturale du secteur par une vitrine dont l'aspect était proche de celui des façades commerciales avoisinantes ; qu'ainsi, en donnant un avis défavorable aux travaux déclarés comme portant atteinte au caractère des lieux et à la conservation de la vitrine existante, l'architecte des bâtiments de France a commis une erreur d'appréciation ; que cette illégalité entraîne celle de la décision du 22 mars 2000 par laquelle le maire de Lille s'est opposé aux travaux ayant fait l'objet de la déclaration de Mme X ;
Considérant, enfin, que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucune autre moyen ne paraît susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2000 ;
Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1, de condamner la ville de Lille à verser à Mme X la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 00-2228 et 00-2232 du Tribunal administratif de Lille en date du 31 octobre 2002 et la décision du maire de Lille en date du 22 mars 2000 sont annulés.
Article 2 : La ville de Lille versera à Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Françoise X, à la ville de Lille et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Quinette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 décembre 2004.
Le rapporteur,
Signé : A. DUPOUY
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. ROBERT
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N°03DA00130
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N°03DA00130