Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Domingo X, demeurant ..., par Me Poppe ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-2498 en date du 6 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors qu'au mépris des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, aucune notification de redressements ne lui a été adressée au titre des années en litiges ; que l'administration n'est pas fondée à prétendre qu'elle lui aurait effectivement adressé des notifications de redressements faute d'apporter la preuve de la réception par le requérant desdites notifications ; que la circonstance qu'une société de fait aurait été constituée entre lui et Mme Christiane Y ne saurait rendre l'entreprise que celle-ci exploite inéligible au dispositif d'allègement d'impôt prévu par l'article 44 sexies du code général des impôts ; que dans l'hypothèse où les redressements seraient maintenus, il est en droit de bénéficier du dégrèvement d'impôt sur le revenu applicable aux salaires qui ont été initialement imposés entre ses mains ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen tiré de ce qu'aucune notification de redressements n'aurait été adressée au requérant manque en fait ; que la démonstration de la constitution de la société de fait constituée entre lui et Mme Y par l'administration ne repose pas sur la preuve d'une situation de concubinage mais sur des éléments relevés par le service et constitutifs de l'existence d'un contrat de société, tels que lesdits éléments sont définis à l'article 1832 du code civil ; que ces éléments sont en l'espèce réunis ; qu'aucun dégrèvement applicable à la perception de salaires ne saurait être prononcé en faveur de M. X pour les années 1994 et 1995, dès lors qu'il n'était pas personnellement imposable au titre des années en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 1832 du code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X fait appel du jugement en date du 6 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 et des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements concernant les années en litige a été adressée par les services fiscaux au requérant par voie de lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 janvier 1997 ; qu'il est constant, en outre, que M. X a pu présenter des observations en réponse à ladite notification ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'une notification régulière des redressements en cause ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société... ; qu'aux termes de l'article 1832 du code civil : La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ; que l'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise est subordonnée, tant aux apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes, qu'à la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire ainsi qu'au partage des bénéfices et des pertes résultant de son activité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été l'associé, pour 50 % des parts de celle-ci, de la société Nor'asec, entreprise de couverture industrielle sise à Lille, dont l'activité a pris fin le 9 mai 1994 à la suite de sa liquidation judiciaire ; que M. X a alors été embauché, le 11 juillet 1994, par Mme Y qui avait, pour sa part, dès le 2 mai 1994, créé dans la commune de Sailly sur la Lys, une entreprise de couverture et d'étanchéité ; qu'il est constant cependant que, dès la création de cette société dont les premiers clients ont été ceux de la société Nor'asec, M. X a apporté une partie du matériel qu'il détenait dans ses fonctions précédentes, son savoir faire ainsi que sa compétence professionnelle à l'entreprise de
Mme Y, laquelle ne disposait d'aucune compétence technique dans l'activité en cause ; qu'il n'est pas contesté que M. X a, de même, mis à au service des besoins professionnels de cette société lors de son début d'activités, le fourgon qu'il possédait à titre personnel, seul véhicule susceptible de satisfaire les besoins en transport de matériels et de personnel de l'entreprise Y et qu'il a fait couvrir les frais inhérents à l'entretien de ce véhicule par cette dernière ; que, dès le 30 mai 1994, il a bénéficié d'une procuration sur le compte bancaire de cette entreprise dont il a usé pour opérer divers prélèvements ; qu'il a, en outre signé, dès cette date, certaines des factures émises par ladite entreprise en direction de ses clients ; que l'ensemble de ces éléments révèle ainsi que M. X disposait bien au sein de cette entreprise des pouvoirs de direction excédant ceux d'un salarié et qu'il participait aux bénéfices de cette dernière ;
Considérant, par suite, que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'une société de fait entre la dirigeante de l'entreprise individuelle Y et
M. X ; que du fait de l'existence de cette société de fait, la société créée par
Mme Y, le 2 mai 1994, ne peut être regardée comme une société susceptible de bénéficier du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 sexies I du code général des impôts au profit des entreprises nouvelles mais au contraire comme la reprise de l'activité exercée précédemment par M. X au sein de l'entreprise Nor'asec ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge à concurrence de sa part dans l'entreprise de Mme Y ; qu'il n'est pas davantage fondé à réclamer du fait du partage des résultats de l'entreprise pour moitié entre lui et
Mme Y, le bénéfice du dégrèvement d'impôt sur le revenu applicable aux salaires qui auraient été initialement imposés entre ses mains, dès lors qu'ainsi que l'établit le service, il n'était pas imposable durant les années en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Domingo X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Domingo X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,
Lu en audience publique le 17 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : O. MESMIN D'ESTIENNE
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
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N°03DA00406