Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
12 avril 2002, présentée par M. Sylvain X, demeurant ... ; M. Sylvain X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-799 du 5 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993, 1994 et 1995 ;
2°) et de le décharger du paiement de ces impositions ;
M. Sylvain X soutient :
- qu'il a adressé à l'administration fiscale ses différentes réclamations dans le délai prescrit par les dispositions applicables ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la transformation d'un résultat BIC en résultat BNC sans considération des règles spécifiques à ces deux cédules d'impôt ;
- que la procédure d'imposition a été irrégulière ; que, d'une part en effet, deux vérifications de comptabilité ont porté sur le 30 septembre 1994 ; que, d'autre part, l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été méconnu à un double titre ; que s'agissant de l'année 1993, le service a notifié le redressement après être revenu sur place et a conclu après le délai maximum garanti aux PME ; que s'agissant des années suivantes, afin de ne pas commettre la même irrégularité, le service a conclu à l'absence de redressement à la suite de la vérification de comptabilité mais a notifié des redressements sur pièces, au prix d'un détournement de procédure ; qu'enfin, après avoir considéré que les revenus de l'exposant étaient imposables dans la catégorie des BNC, le service a taxé la première année vérifiée en retenant les produits et charges selon les modalités des BIC et a procédé pour les années ultérieures à des reconstitutions sans le mettre préalablement en demeure de produire les déclarations ;
- que son activité était bien éligible au bénéfice des dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts, le tribunal ayant considéré à tort qu'elle relevait des bénéfices non commerciaux à raison de la nature même de la profession de bureau d'études-dessinateur dans laquelle l'activité intellectuelle jouerait le rôle principal ; que les solutions concernant les contribuables qui ont une activité de création, caractérisée par une démarche intellectuelle et n'ont qu'un simple rôle d'exécutant, ne lui sont pas transposables ; que l'exposant n'exécute pas de dessins originaux et ne crée pas de plans à partir de simples données chiffrées mais a réalisé, pour des entreprises de construction de maisons individuelles, des plans et mises en perspective à partir de dessins ou croquis réalisés par le donneur d'ordres ; qu'il ne s'agit donc ni d'un travail artistique ni d'un travail intellectuel ; que les constructeurs, qui pourraient bénéficier du régime d'exonération, lui sous traitent une partie de leur travail ; qu'il n'intervient donc que comme sous traitant des entreprises de construction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2002, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient :
- en premier lieu, que le tribunal ayant considéré que la requête n'était pas recevable s'agissant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu de l'année 1992, atteinte par la forclusion, le litige ne peut porter sur l'imposition de ladite année ;
- en deuxième lieu, que la procédure a été régulière ; que, d'une part en effet, les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues dès lors que si l'avis de vérification portant sur la période du 15 octobre 1992, date d'ouverture de l'exercice comptable de l'entreprise, au 31 décembre 1994, mentionne à tort la date du 30 septembre 1994 comme début de la période vérifiée, cette indication relève d'une simple erreur matérielle qui n'établit pas l'existence d'une double vérification, comme en atteste l'avis d'absence de redressement du 30 mai 1996 qui mentionne bien la période du 1er octobre au 31 décembre 1994 ; qu'à supposer que les deux périodes vérifiées se chevauchent, la double vérification ne porterait que sur une seule journée, qui ne peut être considérée comme une période déterminée au sens de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ; qu'enfin et en tout état de cause, aucun redressement n'a fait suite à cette vérification ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 52 du même livre n'ont pas davantage été méconnues, dès lors que les opérations relatives à la première vérification ont débuté le 11 juillet 1995 et se sont achevées le 28 septembre, ainsi qu'en atteste le courrier du 25 octobre 1995 ; que le vérificateur ne s'est ultérieurement rendu à nouveau sur place qu'à l'occasion d'une nouvelle vérification portant sur une autre période ; que la circonstance que la notification de redressement a été adressée postérieurement à l'expiration du délai de trois mois est inopérante ; qu'enfin, et alors que les redressements ont été notifiés selon la procédure contradictoire, aucune disposition légale ne faisait obligation à l'administration de mettre en demeure le requérant de produire les déclarations de résultats avant de procéder à la reconstitution de son résultat ;
- en troisième lieu, que les impositions sont bien fondées ; que, d'une part en effet, l'exonération instituée par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts n'est applicable qu'aux entreprises dont l'activité est par nature industrielle et commerciale, les activités non commerciales revêtant un caractère intellectuel prépondérant ne pouvant en bénéficier ; que, notamment, la profession de dessinateur à titre indépendant, qui constitue, en l'absence de spéculation sur le travail d'autrui, une activité libérale, ne peut bénéficier de cette exonération ; qu'en l'espèce, l'activité de dessinateur exercée par le requérant pour des constructeurs de maisons individuelles, qui se traduit par la réalisation de plans ou de mises en perspective, notamment à partir de données chiffrées figurant dans un cahier des charges et non pas seulement à partir de plans-types, ne se limite pas à une reproduction pure et simple et nécessite un travail de conception ; que cette activité, même effectuée dans le cadre de relations de sous-traitance, est réalisée en toute indépendance et sans l'aide d'installation matérielle importante, ni de personnel salarié ; que le requérant a d'ailleurs déclaré une activité d'atelier d'étude en architecture ; que d'autre part, c'est à tort que le requérant prétend que le bénéfice de la première année vérifiée aurait été déterminé selon les modalités propres aux bénéfices industriels et commerciaux, l'administration ayant calculé ce résultat en tenant compte des recettes encaissées au cours de l'année d'imposition et des dépenses professionnelles payées au cours de la même période conformément aux dispositions de
l'article 93-1 du code général des impôts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer qu'en faisant valoir qu'il a adressé à l'administration fiscale ses différentes réclamations dans le délai prescrit par les dispositions applicables, M. Sylvain X a entendu soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1992, il n'établit pas, ni même n'allègue, que sa dernière réclamation, datée du 30 décembre 1998 et enregistrée par l'administration fiscale le 5 janvier 1999, soit parvenue à celle-ci avant le 1er janvier 1999 alors que le délai de réclamation de cette imposition, notifiée le 26 décembre 1995 et mise en recouvrement le 31 décembre 1996, a expiré le 31 décembre 1998 ; que, par suite, faute que le requérant ait saisi le tribunal administratif dans le délai de deux mois courant à compter de la décision, qui mentionnait les voies et délais de recours, de rejet de sa précédente réclamation du 22 décembre 1997, les conclusions de l'intéressé relatives à l'imposition précitée étaient irrecevables ; que, dès lors, le tribunal les a rejetées à bon droit ;
Considérant, en second lieu, que si en faisant état de ce que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la transformation d'un résultat BIC en résultat BNC sans considération des règles spécifiques à ces deux cédules d'impôt , M. Sylvain X a entendu soutenir que le tribunal n'a pas statué sur l'ensemble des moyens de sa demande, il résulte de l'examen du dossier de première instance que ce moyen manque en fait ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : Lorsque la vérification de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt (...), est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes pour la même période (...) ; que M. X ne peut utilement se prévaloir de ce que la vérification de comptabilité effectuée par l'administration à la suite de l'avis du 4 décembre 1995 l'aurait été en méconnaissance de cette disposition dès lors qu'il est constant qu'aucun des redressements contestés n'est fondé sur des éléments issus de cette vérification ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) ; qu'il ressort des termes mêmes de ce texte que, pour déterminer la durée de vérification, il y a lieu de se référer à la dernière intervention sur place du vérificateur et non à la date de la notification de redressement consécutive à la vérification ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une notification de redressement de l'impôt sur le revenu de 1993 a été adressée à M. X, s'est étendue du 11 juillet 1995, date de la première intervention sur place du vérificateur, au 28 septembre 1995, date du dernier entretien sur place ; que la circonstance que, préalablement à cette notification, l'administration se soit à nouveau rendue sur place à l'occasion d'une seconde vérification de comptabilité portant sur une période distincte, n'est pas de nature à établir que la procédure aurait été irrégulière dès lors que le requérant n'établit pas ni même n'allègue que le service ait poursuivi l'examen de la comptabilité de l'année 1993 ; que la circonstance que la notification de redressement ait été adressée le 30 mai 1996 ne suffit pas à établir que la vérification de comptabilité aurait excédé la durée de trois mois prévue à l'article L. 52 précité du livre des procédures fiscales, dès lors qu'en vertu de ce texte, ainsi qu'il a été dit, c'est la dernière intervention sur place et non la notification de redressement qui marque l'achèvement de la vérification ;
Considérant, d'autre part, que dès lors qu'aucune règle ne faisait obstacle à ce que l'administration procède à un contrôle sur pièces des éléments relatifs à l'impôt dû au titre des années 1994 et 1995, alors même que s'agissant de l'année 1994, elle avait procédé à une vérification de comptabilité, la circonstance, au demeurant non établie, qu'elle aurait, en raison de l'irrégularité entachant cette vérification, laquelle n'est pas davantage établie, fondé les redressements d'impôt sur le revenu des années 1994 et 1995 sur les résultats du contrôle sur pièces, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'établissement desdites impositions ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition ; que les redressements contestés ont été notifiés à M. X selon la procédure contradictoire ; que, par suite, celui-ci, qui ne se prévaut d'ailleurs de la violation d'aucune disposition législative ou réglementaire, n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait redresser ses bases imposables sans l'avoir préalablement mis en demeure de produire des déclarations relatives aux bénéfices non commerciaux qu'il avait réalisés au cours des années litigieuses ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l' article 53 A ... ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 14 de la loi du 23 décembre 1988 dont elles sont issues, que le législateur a entendu réserver le régime prévu par l'article 44 sexies aux entreprises nouvelles dont l'activité est de nature industrielle, commerciale ou artisanale, -à l'exception, toutefois, de celles qui exercent une activité bancaire, financière, d'assurances de gestion ou de location d'immeubles-, et en exclure les entreprises nouvelles dont les bénéfices proviennent, en tout ou partie, d'activités d'une autre nature, du moins lorsque ces activités ne constituent pas le complément indissociable d'une activité exonérée ;
Considérant que M. X a exercé, au cours des années d'imposition litigieuses, une activité de dessinateur et de bureau d'études consistant à réaliser, pour des entreprises de construction de maisons individuelles, des plans et mises en perspective à partir de dessins ou croquis réalisé par le donneur d'ordres ; que s'il soutient que cette activité ne revêt pas le caractère d'un travail intellectuel ni d'un travail artistique et constitue une activité de sous-traitance et que, dès lors, les revenus qu'il en a tirés devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il résulte toutefois de l'instruction que sa profession comporte une part substantielle de conception et que le requérant exerçait cette profession à titre indépendant, sans être assisté d'aucun collaborateur ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les revenus que l'intéressé a tirés de cette activité ; que, dès lors, ce dernier ne peut prétendre à l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par les dispositions précitées de l'article 44 sexies ;
Considérant, en second lieu, que si le requérant soutient qu'après avoir considéré que ses revenus étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration aurait appliqué les règles relatives à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux, il résulte de l'examen des notifications de redressement que l'administration, comme elle le fait valoir, a tenu compte des recettes encaissées au cours de l'année d'imposition en cause et des dépenses professionnelles payées au cours de la même période conformément aux dispositions de
l'article 93-1 du code général des impôts ; que le moyen ainsi soulevé n'est, par suite, pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Sylvain X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sylvain X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- Mme Eliot, conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : C. SIGNERIN-ICRE
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
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N°03DA00336